Les adolescents et les jeunes dans la ville de Ouagadougou sont confrontés à de multiples problèmes liés à leur Santé sexuelle et reproductive (SSR). Malheureusement, ils refusent d’aller dans les formations sanitaires qui offrent des services de santé sexuelle et reproductives. Ces derniers ne vont pas aussi vers les centres d’écoute mis à leur profit, pour avoir des conseils.
Laure Ouédraogo, 19 ans, élève de la classe de 3e dans un établissement de la place, « roulait » avec son petit copain de la classe de 2nde depuis 2018. Nous l’avons rencontrée dans la cour familiale, le samedi 16 mai 2020, l’ère désemparée. Le regard hagard, elle avait dans ses bras son garçon de neuf mois, très fébrile et grelottant de froid depuis deux jours. Les larmes aux yeux, elle explique qu’elle n’a pas assez de moyens pour faire les examens médicaux de son fils. Au début de leur rencontre, par peur, elle foule aux pieds les suggestions que lui faisaient ses amis d’aller prendre conseils auprès des agents de santé. Mais, de leur union libre, est né cet enfant à la rentrée dernière d’octobre 2019-2020, qui devait l’amener à concilier vie de mère et celle d’élève. Au premier trimestre, Laure dit avoir raté la majeure partie du programme parce qu’elle et son bien aimé n’avaient pas les moyens pour s’occuper du bébé afin de sauver leurs études. Elle ne peut pas offrir du lait artificiel à son bambino. Elle est donc obligée de sortir pendant les cours pour l’allaiter. Elle affirme que de nos jours, son bambin de 9 mois ne lui permet pas de bien étudier et est très maladif. « Si j’avais pris mes précautions en allant vers un centre de santé, je ne serais pas dans cette situation », regrette-t-elle. Tout comme Laure Ouédraogo, ils sont nombreux ces adolescents et jeunes qui ne fréquentent pas les centres de santé lorsqu’ils sont confrontés à des difficultés liées à leur santé sexuelle et reproductive. Certains trouvent qu’ils ne sont pas adaptés ou du moins qu’ils ne répondent pas à leurs besoins. Sont de ceux-là, Justin Kabré, un jeune étudiant qui a peur de rencontrer des aînés dans ces centres. Alors que, les adolescents et les jeunes ont besoin des directives inhérentes à leur santé sexuelle.
Gagner l’amitié des jeunes
La sage-femme, Sanata Sia, par ailleurs, coordinatrice du projet Closing the Gap renchérit que les centres de santé traditionnels inadaptés aux jeunes constituent un blocage pour eux. Elle estime que ces derniers ont horreur de rencontrer leurs connaissances et autres personnes adultes dans ces lieux. « Dans les centres de santé, il faut des personnes adaptées pour prendre soins des jeunes parce qu’ils ne veulent pas aller là où ils seront jugés et cela les empêche de se confier », déclare-t-elle. Sanata Sia explique que pour mieux les prendre en charge, il faut que l’agent de santé comprenne leur langage. « Lorsque les jeunes viennent en consultation, ils ont leur langage et le prestataire de service doit comprendre et s’adapter, sinon, il aura une barrière. Ils doivent gagner la confiance et l’amitié de ceux-ci », suggère-t-elle. Elle affirme que si les jeunes ne fréquentent pas ces centres, c’est parce qu’ils veulent un cadre convivial pour s’épanouir.
Quant à l’infirmier de l’Université libre du Burkina, Tidiane Kiemdé, il confie que lorsque les jeunes viennent à l’infirmerie, ils ont beaucoup de questionnement sur leur santé sexuelle et reproduction, mais ils ont peur de l’aborder. « Il arrive des fois qu’après consultation, les étudiants attendent. Ils veulent parler mais, ils ont honte ou peur de parler. Nous leur posons des questions ouvertes, pour les amener à dire exactement ce qu’ils veulent », dit-il. Dans l’offre de services de santé sexuelle et reproductive, les agents de santé doivent créer un climat de confiance, afin d’amener les jeunes à parler et à se confier à eux. « Nous les mettons en confiance en leur rassurant que la santé est un secret professionnel et tout ce qu’ils vont confier restera confidentiel. En ce moment, ils vont se libérer et nous essayons de les satisfaire », précise-t-il.
Des agents de santé débordés
En sus, les adolescents et jeunes pointent du doigt le mauvais accueil des agents de santé qui les empêche de fréquenter ces centres. Le chargé de programmes à l’ABBEF le confirme que cet accueil les mettent mal à l’aise et les stigmatisent. « Si la santé reproductive des adolescents et des jeunes n’est pas une priorité au niveau d’un centre de santé, il va de soi que les jeunes ne vont pas y aller», affirme-t-il. Laetatou Traoré, âgée de 14 ans et élève en classe de 5e dit préférer se référer à ses amis pour des conseils plutôt que d’aller dans les centres de santé. « Moi, je préfère demander conseils auprès de mes amis ou m’informer sur internet que d’aller me faire fustiger par ces agents de santé qui non aucun égard pour nous autres adolescents », confie-t-elle. Cependant, le chargé de programmes à l’ABBEF, Simon Yaméogo clarifie aussi que le service peut être disponible, mais pas accessible du point de vue géographique, des horaires de travail, financier et aussi de l’accessibilité des prestataires pour bien écouter les jeunes. La sage-femme, Mme Sia fait savoir que les jeunes sont ‘’difficiles’’. « Lorsqu’ils arrivent dans les formations sanitaires et que les agents de santé les considèrent comme leurs enfants, ces derniers se plaignent. Ils n’apprécient pas lorsqu’ils sont jugés à leur arrivée », affirme-t-elle. Selon elle, la charge de travail empêche les agents de santé de leur accorder une attention particulière. « Les matins, vous arrivez trouver que les femmes sont alignées, il faut vacciner les bébés, faire la consultation prénatale, ce n’est pas du tout facile », explique-t-elle. Elle relève que toutes ces tâches empêchent les agents de santé d’écouter convenablement les adolescents qui viennent avec des problèmes liées à leur santé de la reproduction. « Les jeunes pensent que c’est du mauvais accueil. Mais, je pense que c’est l’approche et la charge de travail qui empêchent les agents de santé d’être à l’écoute des jeunes », justifie-t-elle.
Des organisations de la société civile sont aux côtés des adolescents et des jeunes pour les accompagner dans la gestion de leur sexualité. Sont de ceux-là, SOS/Jeunesse et Défis (SOS/JD) qui est un partenaire sûr pour eux. Le directeur exécutif de SOS/JD, Harouna Ouédraogo, souligne que pendant longtemps, sa structure lutte pour l’adaptabilité des services de santé de la reproduction pour les jeunes. « Nous avons travaillé avec Pathfinder international pour la mise en place de quatre services amis pour jeunes. Deux au niveau du district sanitaire de Nongrémasom et deux au district sanitaire de Diapaga », évoque-t-il. A son avis, ces actions contribuent à offrir aux adolescents et jeunes des services qui répondent à leur besoins. Quant à la Sage-Femme, Sanata Sia, elle note que sa clinique reçoit tout le monde. Et de clarifier que grâce au projet Closing the Gap, il y a des efforts d’adapter les services aux jeunes, même si sa structure n’est pas un centre d’écoute pour jeunes. « Lorsque les jeunes viennent vers nous, nous les recevons et nous nous adaptons à leurs besoins. Dans la prise en charge, nous essayons autant que possible de rendre l’accueil agréable pour les mettre en confiance », rassure-t-elle.
Wamini Micheline OUEDRAOGO