Le sort de l’opposant sénégalais le plus populaire, Ousmane Sonko, retient plus que jamais l’attention sur le continent. Son ambition de briguer la magistrature suprême bute sur une forte adversité. Le chemin qui mène au palais présidentiel est parsemé de grosses embûches pour le fondateur du parti politique, Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF).
Depuis plus de deux ans, il connait des ennuis judiciaires, avec des condamnations à la pelle, à même de faire voler en éclats, son rêve de devenir le futur président sénégalais. Procès en diffamation, affaire de mœurs, corruption de la jeunesse, etc., Sonko, abonné au prétoire, s’est retrouvé en prison, au grand dam de ses partisans qui crient sans cesse à la machination.
L’opposant n’en a pas fini d’ailleurs, puisque d’autres chefs d’accusation, en l’occurrence « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste » et « atteinte à la sûreté de l’Etat » pèsent encore sur lui. Son parti a d’ailleurs été suspendu par le gouvernement qui l’accuse d’appels répétés à des mouvements insurrectionnels. Convaincu d’une cabale contre sa personne, Sonko continue de se battre, avec le soutien de ses avocats, et il y a de quoi garder espoir.
Alors que les dés semblaient totalement pipés pour lui, une nouvelle a réconforté l’opposant du fond de sa cellule. La semaine dernière, le bras de fer judicaire qui l’oppose à l’Etat sénégalais a connu un nouveau rebondissement. Le tribunal hors classe de Dakar a annulé la radiation de Sonko des listes électorales, au motif que la décision y relative est illégale.
Ce verdict qui confirme celui du tribunal de Ziguinchor, redonne de l’espoir à l’opposant devenu au fil du temps l’ennemi à abattre du régime de Macky Sall. Avec sa réintégration sur le fichier électoral, le maitre à penser du PASTEF peut espérer soumettre sa candidature à la présidentielle de février de 2024 qui cristallise les passions, même si les avocats de l’Etat sénégalais veulent pourvoir en cassation.
L’incertitude autour de sa candidature a amené le PASTEF à désigner une autre figure importante du parti, Bassirou Diomaye Faye, également derrière les barreaux. La décision du tribunal hors classe de Dakar est une victoire pour Sonko, mais encore faut-il qu’il ait le temps nécessaire pour remplir les conditions. Aussi sa candidature sera-t-elle finalement acceptée par un pouvoir qui, manifestement, n’en a cure ?
En tous les cas, le temps joue contre l’opposant qui doit impérativement recueillir ses parrainages et déposer sa candidature à la présidentielle d’ici au 26 décembre prochain. La vraie question, c’est de savoir si la Direction générale des élections (DGE), qui avait refusé de délivrer les fiches de parrainage à Sonko à la suite de la première décision de justice en sa faveur, le fera cette fois-ci.
Le même questionnement vaut aussi pour la réception par l’Etat de la caution de 30 millions F CFA, exigée pour la présidentielle. L’opposant avait essuyé une fin de non-recevoir à ce sujet. Si, le gouvernement sénégalais est attaché aux principes du droit, il devra mettre à exécution la décision du tribunal hors classe de Dakar, surtout que son recours en cassation n’est pas censé être suspensif.
C’est tout l’enjeu autour de la candidature de Sonko, que le régime Sall tente d’empêcher, visiblement par tous les moyens, de se présenter à la présidentielle en vue, selon l’opposant et ses défenseurs. L’opposant, qui séduit la jeunesse par ses idées, se propose comme une alternative sérieuse à Macky Sall qui a renoncé à un troisième mandat, avec une gouvernance aux résultats mitigés.
Le pays de Léopold Sédar Senghor, présenté comme un modèle de démocratie sur le continent, gagnerait pourtant à tenir des élections inclusives, pour sauver son image. Parce que cette bataille politico-judiciaire ne sert pas la démocratie sénégalaise. Absolument pas !
Kader Patrick KARANTAO