Aujourd’hui au Conseil supérieur de la communication (CSC) comme conseiller, Alexis Konkobo a blanchi sous le harnais du journalisme sportif à la radio nationale puis à la télévision. Le natif de Treichville, à Abidjan, a dirigé l’Association des journalistes sportifs du Burkina (AJSB) de 1989 à 2016. L’actuel président d’honneur de l’association revient dans cette interview sur sa longue carrière, les débuts de l’AJSB, le football d’antan et d’aujourd’hui, etc.

Comment êtes-vous arrivé dans le journalisme sportif ?

C’est une longue histoire. Très jeune, j’étais sportif. J’aimais le football. Je suis né à Abidjan à Treichville. Et naturellement, le football était le hobby des enfants. Au fur et à mesure que nous jouions, on tendait l’oreille. On écoutait notamment radio Côte d’Ivoire. Sans vous mentir, à l’époque, radio Côte d’Ivoire était une référence dans la narration sportive. Je me rappelle encore des regrettés Daniel Compaoré, Jean-Baptiste Kacou Bi, Boubacar Kanté, Jean Kambiré. C’était des voix qui captaient notre attention à chaque fois qu’un match est retransmis. C’était de grands noms de la narration sportive. Petit à petit, la passion a commencé à prendre corps. Nous nous sommes dit pourquoi ne pas devenir journaliste sportif quand nous serons grands. Cette passion a joué sur notre cursus scolaire et universitaire. Et lorsque j’ai eu mon BAC à Bobo Dioulasso, je me suis dit pourquoi ne pas aller dans une école de journalisme. A l’époque, il y avait une grosse chance qui se présentait avec l’Institut national d’éducation cinématographique. Un institut de l’Université de Ouagadougou qui regroupait les étudiants de la sous-région. Ma chance encore, est qu’il y avait 2 branches à savoir le cinéma et le journalisme. Voilà une opportunité qui s’offrait à moi. Je me suis donc inscrit à l’Université de Ouagadougou. Et dès ma 2e année, j’ai rencontré un professeur qui était déjà un grand narrateur. Il s’appelait Jean-Pierre Ilboudo. Il a été directeur de la radiodiffusion. Je me suis approché de lui, l’informant que je voulais faire du journalisme sportif. Il m’a ainsi invité à venir à la radio chaque week-end pour m’imprégner du journalisme sportif. C’est ainsi que je suis arrivé à la radio. J’ai commencé par les petites interviews. A un certain moment, Jean-Pierre Ilboudo m’a annoncé que je pouvais déjà faire quelque chose et m’a lancé dans le bain. Un jour de 1985, feu Koudaogo Sawadogo et moi avions été testés lors d’un match de championnat. C’est après cet exercice que monsieur Ilboudo a donné son feu vert pour que je poursuive en demandant à mon binôme d’une soirée qu’il lui fallait quelques réglages. C’est comme cela que sans diplôme, ni une formation remplie, j’ai été jeté à l’antenne. Mais, j’avoue aussi que j’avais un petit don, et des qualités. Voici comment je suis devenu journaliste sportif. Ensuite, j’ai continué mes études à l’Institut national d’éducation cinématographique. Après, je suis allé à Abidjan terminer mon second cycle. Quand je suis revenu, j’ai passé 7 ans à la radiodiffusion sans salaire. J’ai par la suite été affecté à la télévision nationale où j’ai fait 18 ans d’antenne.

Faites nous la genèse de l’Association des Journalistes Sportifs du Burkina Faso?

Le président Francis Kaboré qui est à la retraite il y a 20 ans a été l’un des pères fondateurs de l’Association des Journalistes Sportifs du Burkina (AJSB). Il a été un de mes encadreurs au même titre que Gabriel Barrois et naturellement Jean- Pierre Ilboudo. L’AJSB existait déjà quand je suis arrivé. A l’époque, Sidwaya n’existait pas. Il y avait l’AIB, Carrefour africain, la radiodiffusion, à la rigueur radio Bobo. Les journalistes sportifs n’étaient pas nombreux. Il ne dépassait pas 9. A un moment donné, les aînés comme Francis Kaboré se sont dit qu’ils pouvaient être au-devant d’une animation. Lui, François Tapsoba, Dramane Compaoré, les feus Issaka Tall, Joseph Tankoano, Joseph Dabiré, se sont regroupés pour créer l’AJSB. A l’époque, c’était une association créée juste pour se regrouper et disputer des matches de football, effectuer des sorties, etc. Ce n’était pas une association aux grosses ambitions, mais plutôt pour la confraternité. Je suis arrivé et j’ai intégré l’association. Entre temps, Francis n’a pas voulu rebelotter et nous, qui sommes de la jeune génération, avons pris les rênes de l’association. Je me rappelle de cette Assemblée générale houleuse où certains ne voulaient pas que je sois président parce que je n’étais pas encore un fonctionnaire mais pigiste. Les fonctionnaires à l’époque ont jugé qu’un pigiste ne peut pas être président. Mais, j’avais les soutiens de Michel Ouédraogo, Sory Sy et de toute la crème de Sidwaya telle Victor Sanou et autres. Dans cette politique d’exclusion, ils se sont fait harakiri parce que les journalistes de la presse privée étaient avec moi. Et tout naturellement j’ai été plébiscité. C’est ainsi que certains ont boudé l’association pendant un bout de temps avant de revenir. Voici comment je suis devenu président de l’AJSB en 1989. Nous avons cheminé ainsi, et dès la première année, nous avons imaginé la nuit des champions et la super coupe qui est aujourd’hui à sa 26e édition.

L’association a été secouée quelque temps après sa création par des dissensions en interne. Comment cette crise a-t-elle été gérée ?

Il y a eu des crises. Il est normal que l’association soit secouée. Elle était moribonde et avec notre jeunesse, nous avons réussi à lui donner du sens et de l’intérêt. L’association s’est alors positionnée sur le plan national en tant qu’un corps utile qui participe à la promotion du sport. Lorsque nous avons pu faire venir le président du Faso, le président de l’Assemblée nationale, le premier ministre ainsi que des hauts cadres de l’UEMOA à notre activité, l’AJSB a pris une autre dimension. A partir de ce moment, chacun voulait gérer l’association. Ce qui était normal. Aussi, il y avait un problème de leadership. Prenez l’exemple de nos nations, quand ça marche ou non à son sein, il y a beaucoup de candidats qui veulent briguer la magistrature suprême. C’est normal, et au sein des associations, c’est l’émulation. Une association où il n’y a pas de crise, où il n’y a pas un groupe désireux de prendre sa direction, cela veut dire qu’elle ne marche pas. Sinon, la crise dont vous faites allusion avait été bien gérée. Ils ont tenté démocratiquement de me décagnoter. Ils n’ont pas pu. Ils sont allés créer leur association (Union de la presse sportive burkinabè, UPSB, NDLR). Il y a eu des actions de remobilisation. Ce qui nous a conduits chez le ministre des Sports de l’époque Jean-Pierre Palm et les choses sont rentrées un peu dans l’ordre. C’est ainsi la vie des associations. Même avec la jeune génération qui nous a succédé, il y aura des luttes pour le leadership, pour ne pas, dire des gorges chaudes. Si vous avez suivi, il y avait une division qui se tramait à l’orée des élections pour la mise en place de l’actuel bureau. Parce que selon les échos qui me sont parvenus, les journalistes du privé réclamaient la tête de l’association. Ils menaçaient de créer la leur si leur vœu n’était pas accompli. C’est-à-dire la création d’une association des journalistes sportifs du secteur du privé. J’entendais les échos de gauche à droite avec des groupuscules qui se créaient. Les candidats se dégageaient. Même à l’intérieur d’une rédaction, il y avait la bagarre entre le chef et son agent. (Rires). Je pressentais également la naissance d’une crise au sein de la presse publique, particulièrement à la télévision nationale, et les privées qui étaient aussi sur le point d’aller vers la création de leur association. Moi, qui ai tout fait pour rendre cette association crédible devait-il croiser les bras et laisser les uns et les autres aller aux élections ? Non. C’est ainsi que j’ai convoqué toutes les parties prenantes et nous avons discuté jusqu’à 00h pour trouver un consensus. C’est pourquoi à Kombissiri il n’y a pas eu d’élections.

Vous avez cédez la tête de l’AJSB à de jeunes confrères en 2016, quels conseils vous leur donnez pour maintenir le cap ?

L’AJSB est en train de progresser. Aujourd’hui, elle est devenue un label. Je suis toujours à côté. J’appelle parfois mes connaissances pour dégoupiller des situations. Cependant comme conseil, il faut que le bureau soit transparent dans sa gestion. Il faudra qu’entre vous, vous soyez sincères. Des gens ont tenté de nous déstabiliser mais ils n’ont pas pu parce qu’on était transparent dans toutes les activités qu’on menait. J’ai également dit au bureau de s’occuper des problèmes sociaux au sein de la famille. De nombreuses personnes ne connaissent pas mon village, mais moi je connais les villages de beaucoup de journalistes sportifs. J’ai acheté des cercueils pour des femmes de journalistes sportifs décédées. J’ai soigné des gens à mes propres frais. J’ai réglé parfois la scolarité de leurs enfants. Lorsqu’on est premier responsable d’une association, on a des devoirs envers les membres.
Le président doit se sacrifier, être honnête envers les membres du bureau pour qu’il ait un climat de sérénité. Parce que là où il y a de l’argent, il y a toujours des problèmes. Je prends un autre exemple, l’argent que nous avons reçu du PDG de EBOMAF, Mahamadou Bonkoungou pour aller en Guinée Equatoriale pour la CAN 2015. Je vous assure que si ce n’était pas moi, je ne me jette pas les fleurs, cet argent allait partir dans les poches de certaines personnes. Beaucoup de commentaires ont été faits autour de cet argent et mes relations avec certains de mes amis se sont dégradées parce que j’ai refusé de céder à leur volonté. Jusqu’à présent j’ai toutes les factures de la Guinée Equatoriale et j’ai rendu compte à celui qui nous avait donné l’argent. Je ne dis pas que le bureau ne doit pas avoir des avantages, mais sa gestion doit être transparente.

La super coupe AJSB et la nuit des champions sont les activités phares de l’association. Quels sont les objectifs de départ et les difficultés que vous avez rencontrez ?

A la création de l’AJSB, nous nous sommes dit qu’au-delà de notre apport sur le plan professionnel par nos écrits, nous pouvons apporter notre contribution à la promotion du sport, à travers des activités phares. Nous nous sommes dit pourquoi ne pas encourager les meilleurs sportifs de la saison. Car si un sportif est motivé ses performances augmentent. C’est ce qui nous a amené à créer la nuit de l’excellence ou la nuit des champions, pour désigner les meilleurs sportifs. Au début les prix étaient constitués d’une somme de 25.000 F CFA et des sacs de riz que nous donnait Simon Compaoré quand il était DG de la CGP et en même temps maire de la ville de Ouagadougou. Et à ce moment, le budget ne dépassait pas 700-800 mille F CFA et au grand maximum 1000 000F. Après on s’est dit qu’il fallait évoluer et les prix sont passés à 75.000 F CFA, puis 100.000 francs aujourd’hui. Mais j’ai dit au président l’autre jour qu’il faut que la somme passe à 200 000 F CFA. Il faut que les prix évoluent. Aussi, je regrette que les trophées ne soient plus en bronze. Or le trophée est important en matière de récompense. En ce qui concerne la super coupe, on colmatait 500 000 FCFA pour le 2e prix et nous partons à Bobo-Dioulasso pour compter sur les entrées et espérer avoir 750 000 F CFA pour le champion. Ce n’était pas facile au départ. Les 1ers un million que nous avons eus pour l’organisation de la nuit des champions, nous les avons reçus de Chantal Compaoré. Aujourd’hui il n’est pas possible d’organiser un tel événement avec ce montant. Le premier prix est de 2 millions de F CFA, le 2e prix un million, et le cocktail trois millions. La nuit des champions est attendue par les sportifs. Aussi, la super coupe permet aux clubs de se préparer pour la campagne africaine.

La super coupe est à sa 26e édition cette année. Est-ce que vous vous attendiez à une telle longévité lors de sa création ?

C’est une grosse surprise agréable. Au départ, avec le manque de sponsors, on tâtonnait. Où je crois qu’il y’a un effort à faire, c’est du côté du ministère des Sports. Le ministère doit dégager un budget pour organiser la nuit des champions. Son département finance et l’AJSB peut l’organiser sans que l’association ne puisse avoir accès à l’argent. Il est inconcevable que le ministère ne se trouve pas à l’intérieur de cet événement. C’est la nuit de l’ensemble des sportifs burkinabè.

Que pensez-vous du joueur du mois du Faso foot créé il y’a deux ans pour récompenser les meilleurs joueurs du championnat ?

C’est une bonne chose. A un moment donné j’ai vu qu’il y’a eu la polémique autour du choix de Aristide Bancé. Choisir un joueur du mois ce n’est pas forcément celui qui a marqué des buts. On doit tenir compte de son apport psychologique. Pour le cas Bancé, le fait d’accepter revenir jouer au Faso mérite le joueur de l’année. Il y’a beaucoup de critères qui rentrent en ligne de compte. Son choix est un message fort pour l’ensemble des joueurs burkinabè. Si vous allez jouer à l’extérieur et entre temps ça ne va pas revenez jouer au pays. Cela ne tue pas. Au contraire, le retour vous permet de vous relancer. Voilà aujourd’hui qu’il est à Conakry dans un grand club, le Horoya A.C.

Comment vous appréciez-vous le journalisme sportif aujourd’hui par rapport à votre temps ?

Ce n’était pas du journalisme sportif à notre temps. La liberté d’expression d’aujourd’hui n’était pas autorisée à notre temps. Je vais vous racontez une de nos mésaventures. J’étais à la radio nationale avec Gabriel Barois et Victorien Marie Hien, l’année où les Etalons devaient jouer contre la grande formation du Nigeria dans les éliminatoires de la CAN et du mondial. A cette époque, le football burkinabè était dirigé par le RCB de Jules Kadéba et Isaïe Traoré. Quand ce club venait à Ouagadougou, tous leurs adversaires tremblaient. Avec mes deux autres collègues de la radio, nous avons décidé de mettre l’événement à la une pour galvaniser les Etalons. En plus, nous avons décidé de donner l’équipe probable. Tous les journalistes du monde entier ont ce droit-là. Mais vous savez ce qui s’est passé ? Notre liste a provoqué un tollé. Félix Tiemtarboum, président de la fédération a écrit au ministre des sports. Sa correspondance a ensuite été envoyée au ministère de la communication puis à la direction générale chez Patrick Diessongo. Baba Hama était notre rédacteur en chef. Nous avons été convoqués sous prétexte que nous avons gaffé. Certains ont même demandé à ce qu’on soit chassé de la radio. Selon le président de la FBF, on ne doit pas utiliser la radio nationale pour critiquer les Etalons. Heureusement qu’on avait un grand rédacteur en chef. II leur a fait comprendre que même en Europe les journalistes ont la possibilité de donner une équipe probable. Et le jour du match c’est notre équipe probable qui a été alignée. C’était la grande formation des Etalons. Nous avons ouvert le score par l’entremise de feu Aboubacary Abdoulaye. Par la suite les Nigérians sont revenus au score. Mais au retour, M’Bemba Touré ouvre le score face aux Rachidi Yekini et autres. A l’arrivée, ils nous ont fait 7 à 1 à Suruléré. A un moment, on a essayé d’être critique mais ce n’était pas facile. Si tu critiques une équipe, à ta descente, les supporters veulent te frapper. Aujourd’hui vous êtes libres. La mission d’un journaliste sportif c’est de faire la promotion du sport à travers des critiques objectives.

Il y a eu des moments où des journalistes sportifs partaient en mission sans frais de mission…
Il faut nous féliciter ! Nous avons mené une bagarre à ce sujet. Quand nous sortions avec l’équipe nationale, on nous donnait 20 000 F. Nous dormons à deux et on mangeait avec les joueurs. Lorsqu’il s’agit d’un club en campagne africaine, nous percevons 10 000 F quel que soit la durée de la mission. Une année, il y avait un match au Ghana où Sidgomdé Rouamba et Richard Yaméogo devaient faire partie de la mission. Dans notre rédaction, nous avons décidé que nos reporters ne bougent pas tant qu’ils n’auront pas de frais de mission. Et Sidgomdé Rouamba et Richard Yaméogo ne sont pas partis en mission. Le ministre de la Communication, Nourukyor Claude Somda, paix à son âme, a envoyé une lettre d’avertissement à Richard Yaméogo. Nous avons dit à l’époque que nous ne sommes pas d’accord. Nous sommes des fonctionnaires et nous avons droit aux frais de mission. Des gens estimaient que si on nous donnait des frais de mission, nous allions dormir dans des gargotes. Nous leur avons répondu que ça nous regarde. Pour résoudre ce problème, il y a eu une commission tripartite entre l’AJSB, le ministère de la Communication et le ministère des Sports. A la suite d’une rencontre, il a été décidé de donner des frais de mission aux journalistes. Le ministère de la Communication doit s’occuper des consommables et le ministère des Sports devait s’occuper des frais de téléphone et de fax. C’est comme cela que nous nous sommes battus pour entrer dans nos droits. Et aujourd’hui, quand vous sortez, on vous donne vos frais de mission.

Qu’est qu’un journaliste sportif ?

C’est une bonne question ! La définition de journaliste de manière générale est difficile à établir. On n’a pas besoin d’aller à l’école pour être journaliste sportif. Il suffit de travailler dans un organe, de vivre de cela, etc. Donc, la définition de journaliste de manière générale prend aussi en compte le journaliste sportif. En réalité, le journalisme sportif s’apprend. A Bordeaux, il y a cette branche. A l’université d’Alger, il y avait également une branche de journalisme sportif. Feu Salifou Traoré est le seul Burkinabè à avoir étudié le journalisme sportif. Il a été le seul à pouvoir brandir un diplôme qui indique qu’il est journalisme sportif. Sinon, nous sommes tous des généralistes, des communicateurs. Mais nous avons bouquiné, et s’auto formé pour y arriver. Alors, il faut s’insérer dans la définition générale en espérant que le code de l’information va peut-être, à un moment, évolué. En ce moment, l’on pourra peut-être canaliser davantage ce métier.

De votre poste de régulateur aujourd’hui des médias, quels sont les manquements que vous constatez dans la profession ?
Il faut reconnaître que de plus en plus les gens sont pros. Depuis que je suis au CSC, il y a une année et demie, on a auditionné Issaka Lengani, Dieudonné Zoungrana, la télé. On n’a pas auditionné beaucoup de gens alors qu’on surveille tous les contenus. Là où on est peu triste, c’est la manière dont les émissions interactives sont menées. Il y a quelques années, les animateurs ne maîtrisaient pas la technique. Donc, les interventions allaient tous les sens. Mais de plus en plus, avec les formations, on sent qu’il y a une maîtrise qui se dégage au niveau de ce genre d’émission. De plus en plus, l’éthique et la déontologie sont respectées. Maintenant, c’est la responsabilité sociale des journalistes qui pose problème. Il faut que les gens soient responsables. Vous pouvez avoir une information, un scoop. Mais vous devez toujours vous posez la question : est-ce que je dois la publier ? C’est là votre responsabilité apparait. Je pense que la presse burkinabè est teigneuse, critique. Elle permet de mettre à nu les tares de la gouvernance.

Vous avez exercé pendant plusieurs années à la télévision nationale en tant que journaliste reporter et présentateur. Quelles sont les qualités que doit avoir un journaliste sportif ?

Le journalisme sportif est difficile par rapport au journalisme ordinaire. Non seulement, vous êtes obligé d’avoir des connaissances du journalisme ordinaire ou journalisme généraliste, mais vous êtes obligé aussi de connaître les règles des disciplines sportives. Ce n’est pas du jeu. Il y a beaucoup de disciplines sportives. Même au football, les règles évoluent. Donc, il faut bouquiner, il faut s’auto former. Le journaliste sportif doit faire plus de sacrifice pour être efficace et performant.
Aujourd’hui pour être un bon journaliste il faut être rigoureux, respectueux de l’éthique, de la déontologie et de la responsabilité du journaliste. Il faut se cultiver. J’ai toujours des bouquins sur les lois de jeu qui sont aujourd’hui dépassées. La narration est bien différente selon que l’on soit en radio ou en télé ou encore à l’écrit. Il faut donc s’intéresser à un domaine et s’y spécialiser sinon vous passez à côté. Par exemple, un joueur qui dribble un autre, on n’a pas besoin de dire cela en télé mais plutôt comment il a réussi à le faire, par contre en radio il y a le besoin de le dire puisque l’auditeur ne le voit pas. Ce sont des ficelles de ce genre qu’il faut maîtriser pour être performant.

Quels ont été les grands moments, les événements qui ont marqué la carrière de Alexis Konkobo ?

Je citerai quatre événements. Le premier grand événement qui m’a marqué c’est en 1996, à notre qualification sur le terrain pour la Coupe d’Afrique des nations. C’était la première fois que nous y allons après 1978 et tous les problèmes qu’il y a eu pendant cette CAN. Le deuxième événement c’est la CAN 98 qui a suivi. J’avais en charge la poule de Ouagadougou où j’ai pratiquement retransmis tous les matches des Etalons jusqu’en quart de finales parce que les autres étaient à Bobo-Dioulasso. J’étais obligé de copter en urgence Zézouma Millogo pour retransmettre un match parce qu’il en avait deux en simultanée, ce n’était pas facile. Je me rappelle également les deux coupes du monde : celle des juniors aux Emirats arabe unis où les Etalons ont été éliminés par le Canada au second tour, c’était extraordinaire. Aussi celle des cadets en Nouvelle Zélande. Quand nous dormions à 4 heures du matin il était 16 heures ici et on nous appelait pour nous envoyer de l’argent pour que nous fassions le tour, je me souviens de ce périple là aussi. Sinon le fait même de toucher aux grands terrains d’Afrique a été des moments intenses de ma carrière. Je pense à Blida en Algérie, le stade du 28-Septembre de Conakry, Félix Houphouët-Boigny à Abidjan, celui de Bujumbura où j’ai pu côtoyer de grands reporters d’Afrique.
Le Burkina Faso regorgeait de grands joueurs dans le passé. Les Abdoulaye Compaoré, François Bado, Dominique Sanou, Joe Ouattara, Zacharia Sanou pour ne citer que ceux-ci. Et à partir de 1985 lorsque j’ai commencé à retransmettre il y avait Grégoire Nikiéma, MBemba Touré, Gualbert Kaboré. Si nous avions ces effectifs aujourd’hui nous remportons la CAN.

Vous voulez dire que le niveau a baissé ?

La comparaison est difficile parce que nous regardons les grands à travers le monde et nous voulons que nos équipes atteignent ce niveau. C’est ce qui fait qu’on a le sentiment que le niveau a baissé. C’est vrai que nous n’avons plus de « génies » comme à l’époque alors que ce sont les « génies » qui font les actions d’éclat, qui décantent les matches. Mais nous avons le minimum et surtout le collectif et nous espérons qu’avec Salitas et Rahimo qui nous donnent satisfaction aujourd’hui, les autres seront obligés de suivre en termes d’organisation. Sinon ils vont mourir.

La FBF vient de désigner un sélectionneur local, une première depuis 2006. Un commentaire.

Je ne mets pas en doute la compétence de l’entraineur, mais j’estime que les conditions ne sont pas réunies pour qu’un national puisse véritablement réussir. Il peut arriver qu’il réussisse et ce serait un cas d’exception qui viendrait confirmer la règle. Je le dis parce que pour entrainer une équipe nationale il faut avoir du vécu et ce vécu ce n’est pas seulement les clubs de première division. Si vous prenez les entraineurs qui tiennent les équipes nationales, ils ont déjà entrainé des sélections ou de grands clubs avant. Saboteur fait partie de ceux-là. C’est vrai qu’il faut bien commencer quelque part mais dans ce cas, il ne faudrait pas lui demander le ciel car vous savez qu’il est à ses débuts, qu’il va trébucher et qu’il y aura des manquements. Si vous êtes d’accord avec tout ceci alors on y va. Mais si vous voulez être performant et avoir des résultats là c’est autre chose. Je suis d’accord pour la valorisation de l’expertise nationale mais il faut qu’on ait le courage d’envoyer quelques entraineurs nationaux en formation à l’extérieur pour cinq voire dix ans pour qu’ils reviennent avec la technique. Pour revenir à l’entraineur actuel, le choix peut se justifier par le fait qu’on ne veut plus donner vingt millions à un entraineur expatrié par mois, mais il y a des détails qu’il faut prendre en compte tels le niveau auquel il sera rémunéré pour pourvoir garder la tête haute devant certains joueurs. Car le management moderne exige tout cela.

Que pensez-vous donc du choix Kamou malo pour diriger les Etalons A? Le choix de Kamou Malo peut s’expliquer par le fait que pour s’attacher les services des entraineurs expatriés, il faudrait débourser des sommes colossales, et cela peut avoir des impacts sur son rendement. Ce qui interpelle la fédération à mettre l’entraineur local dans les conditions requises pour faciliter son travail et sa main mise sur son effectif. Nous lui souhaitons bon courage dans son nouveau challenge, et espérons qu’avec le concours de Firmin Sanou qui a travaillé avec Paulo Duarte et Paul Pute, de Alain Nana capitaine des Etalons en 1998, de la direction technique, et de toutes les personnes ressources extérieures, il pourra relever les défis qui lui ont été assignés. Parce qu’il faudrait conjuguer nos efforts pour avoir une équipe nationale à la hauteur de nos ambitions. Kamou Malo a été nommé en fonction des objectifs fixés, nous ne devons donc pas être exigeants avec lui parce qu’il n’a pas encore la grosse expérience qu’il faut, il est à sa première sélection nationale. Il a ses qualités qu’il a pu prouver dans le Faso foot des années durant, mais il ne faut pas lui demander plus que ce qu’il peut apporter, ou l’en vouloir si toutefois il ne parvient pas à honorer les attentes fixées. Nous avons fait un choix réfléchi donc il faut l’assumer. Et s’il s’avère démesuré, il faudra aller chercher ce qu’il faut. L’entraineur a bien précisé qu’il ne chamboulera pas toute l’équipe actuelle. Il ne pouvait pas s’attendre à des objectifs en deçà de ce qui lui a été confié, à savoir reconstruire l’équipe-fanion et la qualifier pour la CAN 2021, parce que le Burkina Faso ne peut plus se permettre d’être absent à la coupe d’Afrique des nations au Cameroun, compte tenu du rang que l’on occupe au classement FIFA, et la poule où nous sommes logés, en compagnie des équipes qui sont nettement à la portée des Etalons, comme le Malawi, le Soudan du Sud ou les Seychelles. Le gros morceau sera l’Ouganda qui a fait une belle et encourageante CAN 2019. Mais le Burkina doit faire preuve de dynamisme et de volonté, et jeter un regard sur les éliminatoires passées où la Mauritanie à créer la surprise du groupe. Ce serait donc logique de se qualifier vu le palmarès que nous avons maintenant, même si d’aucuns pensent que cela parait incertain au regard des 16 mois de contrat du nouveau sélectionneur des Etalons. S’il n’arrive pas à qualifier l’équipe il bénéficiera de circonstances atténuantes, parce qu’il n’a pas encore de vécu et d’expérience à ce niveau. Mais c’est évident qu’il apportera ce qu’il peut. Il pourra se bonifier au fil du temps. Donc le peuple burkinabè doit être clément et indulgent envers lui. Son jugement doit être relatif à ce qu’il va apporter à l’équipe nationale. Même s’il faut clairement avouer qu’une non qualification des Etalons ne sera pas bon pour la renommée de notre football. Qu’est-ce qui explique les crises qui émaillent certaines fédérations burkinabè ? Ce n’est plus du bénévolat au sein de certaines fédérations. Il y a un intérêt financier qui s’impose pour les différentes missions. Les nageurs viennent d’arriver de Seoul, il y a évidemment des intérêts financier et matériel qui doivent être dégagés. Il y a également des personnes qui aiment la discipline, qui veulent apporter leur touche. C’est l’ensemble de ces données qui fait qu’aujourd’hui ces fédérations vivent des crises. Il faudra mettre les membres de ces fédérations dans les conditions et leur donner les moyens nécessaires pour mener à bien leurs activités, et améliorer leur condition de vie. Cependant, au-delà de cette réalité, Il ne faut pas attendre la subvention du ministère pour mener une activité. Il faudra que les responsables dans les différentes administrations de sport se rendent utiles, et apportent quelque chose à la discipline, la faire avancer, mettre les athlètes dans de meilleures conditions, leur apporter la formation qu’il faut pour leur permettre de progresser et d’être performants lors des compétitions. Que compter vous faire après votre admission à la retraite ? Au soir de ma retraite, je compte faire une ferme en tant que fanatique de la nature. Planter des arbres et élever des animaux. J’aime admirer les arbres et les animaux. Et naturellement en ma qualité de journaliste, je vais continuer dans le sport et la consultation de façon générale.
Parce que dans le métier, il n’y a pas de retraite. On peut toujours apporter son expérience. Et pourquoi ne pas diriger une fédération. Cela me ferait plaisir d’apporter ma touche, à l’image de Didier Drogba qui est en train de vouloir prendre le poste de président de la Fédération ivoirienne de football, et de Kini Daba qui est à la retraite mais se trouve à la fédération de judo.
Il est possible que je mène une étude pour la création d’une radio, et si cela s’avère porteur et viable je me lancerais. Parce qu’actuellement les radios et les télés ont beaucoup de difficultés pour survivre, dues au tissu économique qui est très faible, et l’espace qui se voit de plus en plus réduit par la « TNT ». Mais ça me ferait plaisir de créer une radio, rappelons-nous du regretté Pierre Claver Tassembedo qui a fait près de 17 ans de radio après sa retraite. Je veux surtout apporter toute mon expérience vécue au service du sport burkinabè.

La rédaction

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