Le programme de renforcement musculaire en salle de gym prévoit deux séances par semaine sur un mois pour les deux sœurs.

Elles ont 16 et 19 ans et sont sur la bonne voie pour se faire un nom en athlétisme sur l’échiquier international. Zalissa et Awa Zongo se sont en effet distinguées ces dernières années dans plusieurs compétitions continentales et sous régionales en remportant des médailles dont la couleur laisse espérer un bel avenir pour les deux sœurs et partant, l’athlétisme burkinabè.

Le pagne soigneusement noué autour des reins, remonté au- dessus des genoux et surmonté d’un t-shirt noir, Zalissa s’affaire à rincer les dernières bassines qui ont servi pour la vaisselle de cette matinée du 29 mai 2025. Il est 9h passées. C’est jour férié et elle termine les tâches ménagères entamées plus tôt en compagnie de son aînée Awa habillée, elle, d’une robe bleue Kôkô dunda. Un début de journée d’apparence ordinaire à l’image de celui des nombreuses autres filles de leur âge du quartier Sabaribougou de Bobo-Dioulasso. Sauf que pour Awa Zongo (19 ans) et Zalissa Zongo (16 ans), athlètes, la métamorphose est frappante pour nous qui les avions rencontrées la veille.

La matinée d’avant, ce sont en effet, deux corps, muscles saillants, totalement différents que nous trouvons à la salle de gymnastique Energy Form au quartier Kôkô en plein exercices. Ici les athlètes ont tout ce dont ils ont besoin comme charge additionnelle pour développer leur force maximale et la force explosive indispensables pour atteindre des résultats au haut niveau, à en croire leurs encadreurs. Les sœurs Zongo en sont conscientes, ne ménagent aucun effort pour ce faire, et sont sur la bonne voie en témoignent leurs performances croissantes.

Awa Zongo : « pour les entraînements, le coach est disponible pour nous peu importe l’heure ce qui fait que nous pouvons suivre les cours normalement ».

Les dernières datent du mois d’avril à la faveur du 4e championnat d’athlétisme des cinq Nations U18 et U20 à Abidjan. Awa et sa petite sœur Zalissa ont fortement contribué à porter haut les  couleurs du Burkina Faso. Avec leurs camarades, elles ont glané au total 56 médailles dont 25 en or permettant au pays d’occuper la première place au classement général. Du haut de ses 1,74m pour 62 kg, Awa a survolé la compétition chez les U20, en se classant 1re en saut en longueur avec un bond à 5,56 m mais aussi au triple saut où elle décroche la médaille d’or avec 11,96 m.

Dans la catégorie inférieure sa sœur cadette n’entendait pas restée silencieuse au moment de conter leurs exploits aux parents. « Ma grande sœur m’a toujours motivée. C’est grâce à elle que je suis venue dans l’athlétisme mais aussi pour gagner comme elle », confie Zalissa. Elle est encore dans la phase où elle effectue plusieurs épreuves selon son entraîneur et sur cette compétition elle y est allée à fond. Avec une performance de 12,10 m au triple saut elle s’adjuge la médaille d’or dans cette épreuve tout comme aux 400m, au lancer de poids et aux relais 4X100.

En tout, ce sont huit médailles qu’elle rapporte de l’expédition abidjanaise. Des lauriers loin d’être inédits pour les sœurs au niveau continental. En 2023 déjà, Awa avait terminé vice- championne d’Afrique cadette au triple saut en Zambie avec 12,53m et une médaille de bronze en longueur avec un saut à 5,68m. Au Ghana un an plus tôt elle montait sur la plus haute marche du podium aussi bien au triple saut qu’en saut en longueur au championnat d’Afrique de la région 2.

Une bonne dynamique

Zalissa, avec son centimètre de plus en taille (1,75m) et ses deux kilos de plus (64kg) n’est pas moins performante à son  âge  sur  les  épreuves  qu’elle  expérimente. « Elle a des aptitudes plus poussées avec un régime plus long car plus grande. Dans toutes les compétitions sous régionales où elle a été, elle a toujours eu deux ou trois médailles. Elle est actuellement à plus de 12 m au triple saut et si elle continue de travailler, l’année prochaine elle va prendre 13 mètres. Pour une cadette de 16 ans c’est exceptionnel. Nous pourrons compter sur elle aux 200m également car très puissante au niveau des jambes, il reste à travailler le haut du corps pour un bon équilibre.

D’ici là ces deux sœurs vont être de grandes satisfactions pour le Burkina Faso », assure le directeur technique national de la Fédération burkinabè d’athlétisme Missiri Sawadogo, un de leurs entraîneurs. Et il y a de quoi être confiant quand on sait que la 3e meilleure performance africaine au triple saut réalisée aux championnats d’Afrique d’athlétisme 2024 par la Camerounaise Véronique Kossendra Rey est de 13,35m.

« Nous nous occupons des tâches
ménagères aussi bien chez grand-mère
que chez les parents dès que nous
avons du temps libre », indique Zalissa
Zongo.

La dernière médaille olympique en 2024 de l’épreuve a été obtenue grâce à une tentative à 15,02 m. Au saut en longueur, la championne aux mondiaux en salle tenus en mars 2025, Claire Bryant a remporté le titre avec un saut à 6,96m. On peut donc être optimiste avec le DTN quant à voir un jour les sœurs Zongo accrocher le wagon du top mondial si elles continuent de progresser et bénéficient de soutien adéquat de la part des autorités. « Elles n’ont pas de bourses.

Nous les avons inscrites dans un projet du Fonds national pour la promotion des sports et des loisirs et c’est ce qui permet de temps à autre de leur donner de quoi s’alimenter convenablement, et pour se déplacer. A part ça en général pour ce qui est du niveau auquel elles sont c’est la débrouillardise », indique le DTN Sawadogo. Mais les deux sœurs ne lâchent rien. Elles rêvent de suivre les pas de leurs aînés Marthe Koala et Fabrice Zango. Et pour cela, elles se soutiennent mutuellement et sont prêtes aux sacrifices nécessaires. «

D’ordinaire nous nous chamaillons tout le temps mais avant chaque compétition les parents nous donnent des conseils pour pouvoir prendre soin l’une de l’autre et c’est ce que nous faisons. Je crois que Zalissa a le talent, et si elle s’entraîne plus elle va s’améliorer davantage », affirme Awa Zongo. « C’est plus motivant d’avoir sa sœur à coté car nous développons cette saine concurrence entre nous et avant ou pendant la compétition elle me guide à sa manière et cela me permet de garder mon sang froid.

Je l’écoute et ça marche », renchérit Zalissa Zongo. Cette complicité est appréciée par leurs encadreurs qui y voient un atout pour tout le monde. « C’est une bonne chose car elles se complètent. C’est vrai qu’il y a une saine rivalité entre elles mais il arrive que la grande sœur nous donne un coup de main dans le coaching de la petite sœur en corrigeant certaines choses.

A l’inverse, si la petite sœur aussi sent un relâchement de la grande sœur elle se plaint auprès de cette dernière et c’est une bonne opportunité que je n’avais jamais eue », confirme le coach Missiri Sawadogo. L’histoire des sœurs Zongo avec l’athlétisme est des plus ordinaires. Premières d’une fratrie de quatre frères et sœurs, c’est en classe de 6e que Awa a pris goût à l’athlétisme à l’âge de 11 ans à travers le cours d’Education physique et sportive (EPS). Elle va tellement s’y investir que ses autres cours vont en pâtir.

Des performances scolaires satisfaisantes

Elle reprend la classe d’où la réticence des parents à la laisser poursuivre. « Après les entraînements, lorsqu’elle rentrait elle était si fatiguée qu’elle n’arrivait pas à réviser », se souvient sa maman Massiéta Zongo/Ouattara. Mais avec l’intervention du coach et la bonne collaboration qui s’est installée depuis lors entre les parents et les encadreurs, tout rentre dans l’ordre et elle se reprend. Il en a été de même pour la petite Zalissa quelques années plus tard. Aujourd’hui inscrites au

Lycée Ouézzin Coulibaly, elles ont trouvé la formule pour allier bonnes performances scolaires et sportives. Leurs bulletins scolaires attestent que le contrat a été bien rempli cette année. De la classe de 2nde Awa a validé son passage en classe supérieure avec une moyenne générale de 11,68. Zalissa, elle, va en 3e l’année prochaine avec 11,40. Des résultats satisfaisants pour les responsables de l’établissement qui saluent les efforts et l’exemplarité des deux athlètes à qui il n’est accordé aucune faveur.

Au dernier championnat des cinq nations les deux sœurs ont glané une dizaine de médailles à elles seules.

« En tant qu’élèves nous n’avons rien à leur reprocher sur le plan comportemental ou disciplinaire. Elles sont parfois absentes pour les compétitions mais lorsqu’elles reviennent elles se mettent à jour. Elles sont évaluées au même titre que les autres et cela est valable pour tous les autres athlètes. Nous sommes satisfaits de leurs résultats et nous les félicitons pour cela », avoue le proviseur Mamadou Simboro. C’est

avec une grande fierté que les parents se disent prêts à les accompagner pour qu’elles aillent le plus loin possible dans leur passion. « Ça va maintenant et nous continuerons à les soutenir tant que les bons résultats scolaires suivront », indique maman Zongo. Ils leur ont ainsi permis de rester avec leur grand-mère au quartier St Etienne cinq jours sur sept pour réduire les distances et leur permettre de bien récupérer. Elles en ont en effet besoin car le calendrier de travail prévoit des séances du lundi au samedi. Entre salle de gym, terrain du LOC et autres lieux de la ville exploités pour leur relief atypique, Awa, Zalissa et leurs camarades sont de plain pied dans la préparation du championnat d’Afrique d’athlétisme U18 et U20 prévu du 16 au 20 juillet 2025 au Nigéria où les deux sœurs sont très attendues.

Voro KORAHIRE

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