Né et grandi en France, Habib Bamogo a mis du temps avant de répondre à l’appel de la mère-patrie, le Burkina Faso. A l’époque, plus d’un fan du football burkinabè se demandait pourquoi cette réticence de l’enfant de Pissila. Dans l’entretien, il revient sur son arrivée tardive chez les Etalons. Il parle aussi de sa carrière, du football burkinabè, de sa courte aventure avec les Etalons, etc. Depuis la fin de sa carrière, c’est la première fois qu’il fait une sortie dans un média local. Exclusivité.

Il y a belle lurette que le public sportif burkinabè s’impatientait d’avoir de tes nouvelles.

Effectivement avec juste raison, et je suis heureux de pouvoir m’exprimer. Je veux expliquer aujourd’hui qu’après avoir raccroché les crampons, il y a une période où on calme un peu les choses. Nous essayons durant cette période, de retrouver les gens. Toute chose qui n’était pas évident quand vous êtes en activité. Aujourd’hui, j’ai un poste de responsable de recrutement des jeunes sur toute la France au profit du club anglais d’Everton. Tout se passe bien. C’est un métier qui me permet de rester au contact du football, un sport que j’aime.

Pour la jeune génération qui ne t’a pas connu, qui es-tu ?

Habib Bamogo est un Franco-Burkinabè, né le 8 mai 1982 à Paris de père et de mère burkinabè. Je suis originaire de Kolma, un petit village non loin de Pissila, à 1h de Kaya. J’ai grandi en France. J’ai découvert le Burkina Faso pour la première fois à 5 ans. Après, j’y ai été assez régulièrement. En sortant de ce club, je suis parti au centre de formation de Montpellier. C’est de là que tout a commencé.

Quelles sont les équipes avec lesquelles tu as évolué ?

J’ai commencé ma préformation à 12 ans au centre de formation de l’INF Clairefontaine, l’un des centres de préformation les plus réputés en France et même du monde. A l’époque, des gens de l’extérieur, même de Barcelone, venaient suivre nos séances et s’inspirer du modèle du centre. Ensuite, je suis allé à Montpellier. C’est là-bas que j’ai commencé ma carrière professionnelle. J’y suis resté 3 ans. Cela a été une bonne expérience. Après Montpellier, j’ai joué à Marseille, l’un des clubs les plus populaires en France, un club très spécial. J’ai également joué à Nantes, un club très respecté en France. J’ai eu aussi une très belle expérience dans la liga espagnole pour avoir joué au Celta Vigo. Puis, je suis revenu en France où j’ai passé 4 saisons à Nice. J’ai connu la Championship anglaise (NDLR : championnat de D2 anglais). Un championnat qui n’était certes, pas d’un niveau technique élevé mais très physique avec beaucoup d’engagement.

Quel genre d’attaquant étais-tu ?

J’étais un attaquant ou un ailier assez rapide. J’aimais beaucoup provoquer balle au pied, dribbler et éliminer. Les dribbles étaient une de mes qualités premières. Mon défaut premier était que je n’aimais pas jouer de la tête.

De tous les clubs qui t’ont vu passer, lequel gardes-tu un bon souvenir ?

Il y a deux qui m’ont marqué. Le premier est Montpellier. J’étais l’enfant du club pour être issu du centre de formation. J’ai toujours des relations avec ce club. J’ai de bonnes relations avec le président de ce club. C’était comme ma maison. Le second était l’Olympique de Marseille, un club très spécial. Jouer au Vélodrome tous les week-ends était quelque chose de spécial. Aussi, lorsqu’on jouait à l’extérieur, le stade était plein. Même si ça reste un club très complexe de l’intérieur, ça a été pour moi une belle expérience. Je suis très fier d’avoir porté les couleurs de l’Olympique de Marseille.

Pourquoi ton cœur a balancé fort entre ton pays d’accueil et celui de tes origines ?

Je suis né en France. J’ai été dans des écoles de football françaises. Tout est fait pour que dans vos têtes, vous vous dites qu’un jour, vous allez jouer en équipe de France. A 17 ans, j’étais déjà en équipe de France. Quand vous commencez à être appelé avec les petites catégories de l’équipe de France, vous vous fixez comme objectif de jouer un jour avec les A. Je pense que pour le bien du football burkinabè, le mieux serait d’essayer de démarcher les jeunes le plutôt possible. Parce qu’un jeune de 16 ans ne réfléchit pas de la même façon qu’un adulte de 23, 24 ou 25 ans. Il y a des compétitions africaines qui sont intéressantes notamment la CAN junior. Je pense que c’est dès le plus jeune âge qu’il faut faire un travail sur le terrain pour commencer à parler aux jeunes, qui comme moi sont nés en France pour leur mettre dans la tête que le football burkinabè les attend. Qu’il y a des gens au pays qui les attendent et que ça serait intéressant pour eux d’évoluer sous les couleurs de leur pays d’origine.

Finalement, tu as opté pour le Burkina ?

Je ne peux pas cracher dans la soupe, la France m’a beaucoup donné sur le plan sportif, de l’éducation et sur le plan humain. Mais, le Burkina Faso reste mon pays d’origine. Il reste le pays de mes parents, de mes frères et sœurs. Plus le temps passe et plus je suis fier d’être Burkinabè. Pour nous qui avions grandi en France, l’on prend conscience plus tard. Depuis que j’ai arrêté le football, j’ai été au Burkina Faso en 2017. J’ai été au pays au moins huit mois dans l’année. Maintenant, dès que j’ai le temps, je suis à Ouagadougou. J’adore y être.

Comment as-tu été sollicité par les autorités du football burkinabè ?

Le Burkina m’avait sollicité très tôt, juste l’année avant que je ne parte à l’Olympique de Marseille par l’intermédiaire de Seydou Diakité, alors président de la Fédération burkinabè de football. J’étais dans une phase ascendante de ma carrière. Je recevais déjà des pré-convocations pour l’équipe de France A. C’est clair que cela me demandait beaucoup de réflexion. C’est pour cela que j’ai dit que si l’on m’avait convoité dès l’âge de 16 ans, j’aurai pu avoir le temps de réfléchir de 16 jusqu’à 21 ans et faire mon choix. Mais cet aspect est arrivé un peu plus tard et le processus a pris beaucoup plus de temps.

Malheureusement, ton aventure avec les Etalons a été courte. Comment expliques-tu cela ?

Pour être honnête, mon histoire avec les Etalons a été courte. J’ai participé à une CAN, l’une des pires de l’histoire de cette compétition. C’était en Angola avec cette attaque meurtrière de l’équipe togolaise. Paix aux âmes de ceux qui sont décédés ce jour. Dans ma tête, je n’étais plus dans la compétition parce qu’on parle de la vie des gens. Mieux, on était dans la même région où s’est passée l’attaque. Dans le groupe, la tête n’y était plus. Il y a aussi qu’à cette période, je suis arrivé dans une phase où j’étais à Nice et tout se passait bien. Ensuite, mon entraîneur Frédéric Antonetti est parti et j’ai commencé à avoir des problèmes avec le club, puisque c’est lui qui m’avait choisi. Lorsqu’il est parti, je n’avais plus de soutien. Il y a eu un nouveau coach qui est arrivé avec de nouveaux joueurs. Je ne jouais plus assez. J’étais plus dans une phase descendante. J’étais moins en forme. Avec les Etalons, nous avons eu un match à domicile à Ouagadougou. Je m’étais gravement blessé à la cuisse. J’ai mis du temps à me remettre. Je n’ai pas pu revenir comme je voulais. Le petit regret que j’ai, c’est de n’avoir pas pu donner au Burkina tout ce que j’aurai pu lui donner sur le plan footballistique. Si l’on parle des années 2000, j’étais l’un des meilleurs attaquants de Ligue 1 en France à 20 ans. Cela aurait pu créer un impact dès les années 2000, si j’étais arrivé en sélection. Aujourd’hui, ce n’est pas fini. Je pense que j’ai une grosse expérience du football international que je pourrai apporter au Burkina.

Quelle est ton appréciation du niveau du football burkinabè ?

Ces dernières années, le Burkina Faso se qualifie régulièrement aux phases finales des CAN. Mieux, il a frôlé de remporter le trophée notamment avec sa place de finaliste en 2013 et de 3e à l’édition de 2017. Ce qui n’était pas légion. C’est déjà un signe que le niveau n’est pas mal. Mais quand on est dans une phase de gloire, il faut toujours des gens à côté qui préparent l’après. Ceux-ci vont commencer à suivre les jeunes. C’est à peu près cela qui a manqué au Burkina Faso d’où son absence à la CAN 2019. Maintenant, il faut construire quelque chose autour des joueurs comme Bertrand Traoré, Edmond Tapsoba, etc. Ce qui demande un gros travail. Cela demande d’avoir des émissaires sur le continent européen qui vont aller suivre leurs matches, aller voir ce qui se passe dans leur club, aller les suivre à l’entraînement, aller dîner avec les joueurs dans leur club. C’est un travail très important pour préparer le futur.

As-tu des projets pour le football burkinabè ?

Je suis toujours l’actualité du football burkinabè. J’ai beaucoup d’idées. Au-delà de ces idées, j’ai une bonne expérience parce que j’ai été formé au football français. J’ai participé au football africain. J’ai une vision globale du football. Aujourd’hui, je travaille pour un club. Si demain, ou dans le futur, je me rapproche des dirigeants burkinabè, je n’hésiterai pas à proposer des choses.

Es-tu en contact avec des dirigeants ou des joueurs burkinabè ?

Je suis toujours en contact avec Mady Panandétiguiri, Alain Traoré, Patrick Zoundi. De temps à autre, nous nous envoyons des messages. En général, ce sont de bons amis. Bertrand Traoré, lui, est plus jeune mais on se voit de temps à autre surtout avec mon boulot qui nécessite que je bouge beaucoup.

Interview réalisée par Yves OUEDRAOGO

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