Elle a longtemps existé. Mais, ces dernières années, la violence dans les aires de jeu du Faso foot a pris une dimension inquiétante.
Rien que pour cette saison, l’on dénombre une demi-douzaine de faits majeurs d’agression lors de rencontres dans plusieurs villes du pays. Les acteurs se rejettent la responsabilité, mais, s’accordent sur l’urgence de trouver un remède à cette gangrène qui ronge le football national.

L’image est encore fraiche dans les mémoires. Un arbitre assis sur la pelouse au milieu de ses collègues, un bandage blanc sur la tête recevant des soins. Ce jour 15 mai 2021, le corps arbitral a été une fois de plus frappé par la violence dans nos stades. Cette fois-ci, c’est un projectile envoyé depuis les gradins qui atteint le second assistant en pleine tête lors du match de la 29e journée du championnat national de D1 entre l’EFO et l’AS SONABEL. Un fait qui est loin d’être un cas isolé. Lors d’une opposition de la 15e journée du même niveau de compétition entre l’ASFA-Y et KOZAF le 13 décembre 2020 au stade Issoufou- Joseph-Conombo, les arbitres Hubert Tiendrébeogo, Boukaré Koanda, Yacouba Boina et Eric Yaméogo sont pris à partie par des supporters. Le premier assistant reçoit des jets de sachets d’eau du public pendant la rencontre.

A la fin du match perdu par l’ASFA-Y, les arbitres sont restés une quinzaine de minutes pendant que des supporters remontés attendaient leur sortie pour en découdre. Ils ont pu rejoindre les vestiaires que grâce à l’intervention des forces de sécurité. Deux semaines plus tard en D2 au stade Batiébo-Balibié de Koudougou, un joueur et le porteur d’eau de l’équipe hôte, le Bouloum Poukou Sport (BPS), s’en prennent physiquement à l’officiel (Seydou Tiama) de la rencontre entre leur équipe et l’AS Kourita. Ce qui a entrainé l’interruption du match à la 70e. La journée suivante (3 janvier) dans la même division, le fait marquant vient du stade régional de Banfora où l’USY est allée affronter l’USCO.

Des joueurs de l’équipe du Yatenga venus à la rescousse de leur entraineur des gardiens agressé pendant la mi-temps sont molestés à leur tour par des supporters. Les blessés ne pourront plus reprendre la partie qui est également interrompue. Le 25 avril, c’est à Dédougou que l’arbitre central de la rencontre entre l’OSM et l’AJEB sera victime de blessure. Lors de ce match de la 20e journée du championnat de D2, le maître du jeu reçoit un coup de tête du joueur Sékou Koné de l’OSM pour lui avoir donné un second carton jaune synonyme de rouge. La partie s’arrête à la 40emn. Bref, autant d’exemples qui témoignent de l’ampleur de la violence qui a émaillé le Faso foot cette saison.

La méconnaissance des lois du jeu

Les raisons de ce regain de « tension » sont diverses selon les acteurs, mais, tous reconnaissent que les enjeux des compétitions constituent le principal motif. La particularité de la saison en cours avec quatre équipes à reléguer en D2 est source de grosse pression au sein des équipes. « En D2 où le championnat se joue par poules, chacun veut accéder en D1. C’est plus compliqué, car, les clubs sont de même niveau et les conditions dans lesquelles ils jouent sont de moindre qualité. La pratique devient donc difficile et la moindre décision arbitrale ou des organisateurs peut entrainer des actes de violence », a expliqué le secrétaire exécutif de la Ligue de football professionnel (LFP), Abdoul Karim Ouédraogo.

L’on pointe également du doigt la méconnaissance des lois du jeu et du règlement des compétitions. Le règlement évolue et n’est pas toujours bien maitrisé par certains groupes d’acteurs. En guise d’illustration : sur le fait incriminé lors de la rencontre EFO # AS SONABEL où l’arbitre assistant a été blessé, alors que l’arbitre central dit avoir fait le geste à plusieurs reprises pour signifier que le ballon a touché une partie du corps avant d’aller à la main, le président des supporters de l’EFO en a eu une autre compréhension. « C’est vrai que de nombreux supporters ne connaissent pas les détails des lois du jeu. Mais, comme ils suivent beaucoup les matchs, on peut dire qu’ils sont au parfum du règlement. Sur la faute qui donnait lieu au pénalty dans notre match contre l’AS SONABEL, l’arbitre qui était au milieu de terrain a fait le geste pour dire qu’il n’y avait rien.

Et pendant que les joueurs protestaient, l’adversaire a profité pour inscrire un autre but », a soutenu le président des supporters de l’EFO, Amado Kouanda dit « Yerko ». Il estime que ce sont les erreurs d’arbitrage qui occasionnent la violence. Un avis partagé par le président de la section football de l’ASFA-Y, Seydou Kabré. « C’est souvent inacceptable, car, par moments on a l’impression que des arbitres arrivent avec un parti pris. Ces trois dernières années, le niveau de notre football est élevé. Mais, je constate que ce n’est pas le cas chez les arbitres », s’est-il indigné.  Aussi souhaite-t-il que l’on redouble d’efforts dans le choix des hommes, car, tous les arbitres n’ont pas la capacité de supporter la pression de certains matchs.

Mais, à écouter le président de l’Amicale des arbitres du Faso foot (AMAF), Seydou Bélem, cela relève de préjugés. Car, cette donne a toujours été prise en compte. « Nous bénéficions de formations assez régulièrement de la part des instances internationales. Et même dans le contexte de la COVID-19 où ils n’ont pas pu se déplacer l’an dernier, nous avons fait les cours par visioconférence avec les experts de la FIFA. Ceci pour dire qu’en matière de connaissance des lois du jeu, nous ne sommes pas logés à la même enseigne », se défend M. Bélem. Pour lui, cette recrudescence des actes violents est aussi en partie due à l’inefficacité des sanctions prononcées.

Des sanctions diversement appréciées

En effet, pour la majorité des cas cités, des sanctions ont été prononcées principalement à l’encontre des clubs. Des décisions selon le secrétaire exécutif de la LFP fondées sur des textes qui datent de 2018 que sont le code disciplinaire de la FBF, le code d’éthique, le règlement général des compétitions et les règlements spécifiques de chaque compétition. Ainsi, entre autres, le BPS avait écopé d’une amende, de la délocalisation de deux de ses matchs à domicile et le remboursement des frais médicaux du blessé. L’USCO, elle, avait été sanctionnée par la perte du match en faveur de l’USY, le payement d’une amende de 100 000 FCFA, la suspension de son stade pour 5 matchs à domicile dont deux avec sursis et le remboursement des frais médicaux. Ce sont des sanctions de même nature qui ont été infligées à l’EFO qui a dû s’acquitter de 500 000 FCFA, sommée de rembourser les frais médicaux et jouer deux matchs à huis clos. Mais pour le premier responsable de l’AMAF, au-delà de leur faiblesse, ces mesures constituent même un recul par rapport à celles que comportaient les anciens textes et qui préconisaient des retraits de points. « L’an dernier, un arbitre a été frappé et l’équipe du fautif a été sanctionnée d’une amende de 100 000 FCFA. Au prochain match, les mêmes arbitres étaient sur un autre terrain et des supporters leur rappelant les faits ont fait comprendre qu’ils étaient prêts à débourser un million pour avoir le droit de les frapper dix fois », a précisé Seydou Bélem. Mais pour le secrétaire exécutif de la Ligue de football professionnel, ce n’est pas le degré ou la nature de la sanction qui détermine le comportement des acteurs par rapport à la violence, mais, plutôt l’incompréhension de certains faits. « Les supporters peuvent être sincères dans leur réaction, car, si par exemple un entraineur, ou un dirigeant n’est pas au parfum de l’évolution de certaines lois, il peut avoir une réaction qui va entrainer de la violence de la part de supporters qui seront convaincus que l’on est en train de brimer leur équipe », a-t-il rétorqué.

Renforcer la sécurité dans les stades

Les différentes composantes semblent avoir pris la pleine mesure de la gravité de la situation et chacun entend œuvrer pour un apaisement. « A chaque fois que l’occasion se présente, que ce soit au terrain d’entrainement ou dans des cadres plus formels ou encore au stade, j’ai toujours fait de la sensibilisation et dit à mes camarades supporters que nous pouvons saisir des instances compétentes pour faire valoir notre requête et non pas par la violence », a confié Amado Kouanda. Mais dans l’immédiat, l’arbitre Seydou Bélem préconise de renforcer la sécurité sur les terrains car dit-t-il, « en D2 par exemple, il y a des moments où ce sont des vigiles en nombre limité, deux ou trois, qui assurent cette tâche ». Il est suivi dans ce sens par l’ancien arbitre international Drissa Modeste Sessouma aujourd’hui instructeur d’arbitres. Convaincu que le nombre d’agents de sécurité est dissuasif, ce dernier recommande de mettre l’accent sur cet aspect tout en intensifiant les fouilles à l’entrée. « Généralement, les agressions sont du côté du 2e assistant c’est-à-dire celui opposé à celui des officiels. Donc faire en sorte qu’il y ait moins de gens de ce côté afin de mieux contrôler les choses. Aussi, instaurer un briefing avec les responsables avant chaque match sur la question, car, par moments, la responsabilité des occupants du banc de touche est engagée », a insisté celui qui est aussi commissaire de match.

Voro KORAHIRE

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