« Je ferai tout pour que nous soyons plusieurs Burkinabè dans le centre de formation de Montpellier ».

Avec sa détermination et son abnégation au travail, Abou Kouanda a réussi contre vents et marées à se hisser dans l’organigramme des techniciens de Montpellier Hérault de France. Actuellement coach adjoint des U17 de cette formation, le jeune technicien de 37 ans a des ambitions. Il ne le cache pas.

Qui est Abou Kouanda ?

Je suis un jeune passionné de football de nationalité burkinabè. Je suis du quartier Paspanga de Ouagadougou. Notre grand père, paix à son âme, feu Oumarou Kouanda est le fondateur de l’Etoile Filante de Ouagadougou (EFO). Je suis le petit frère d’Issouf Kouanda dit « Maçon » qui a aussi évolué à l’EFO. J’ai joué dans les petites catégories du Santos FC, de l’EFO, de TP FC qui est une équipe de mon quartier Paspanga. J’ai aussi joué dans l’équipe d’Amadou Sampo. Une équipe appelée Juntos où je suis passé quand j’étais gamin avec une génération où il y avait Jonathan Pitroipa et pleins d’autres joueurs talentueux qui méritaient de réussir aussi dans ce sport.

Depuis quand es-tu à Montpellier ?

Je réside à Montpellier depuis 2006. J’y suis allé une première fois en décembre 2005 pour 21 jours. Je suis revenu avant de repartir en 2006 pour m’y installer.

Comment t’es-tu retrouvé dans cette ville?

J’étais bénévole dans une association dans mon quartier pendant les vacances scolaires. On avait pour but de construire des écoles dans les villages, des puits, et faire le reboisement. C’est à la suite de cela que j’ai rencontré celle qui allait être plus tard la mère de mes enfants. Actuellement, j’ai deux enfants dont une fille de 13 ans et un garçon âgé de 9 ans qui joue au centre de Montpellier Hérault en U10. Quand je suis arrivé en France, je me suis orienté très vite dans le football.

Ce qui m’a poussé à le faire, c’est quand des frères burkinabè ont été arnaqués par des soi-disants agents de joueurs. Ces agents n’ont pas été honnêtes avec eux. Car, malgré les millions de FCFA qu’ils ont dépensés, ils se sont retrouvés en France sans club et sans permis pour pouvoir continuer à se battre pour réaliser leurs rêves. A la suite de plusieurs demandes d’aide de leur part, j’ai décidé de passer mes diplômes de football, créer mes relations et pouvoir aider ceux qui sont déjà en France et aussi ceux qui voudront venir. Je remercie Dieu d’avoir pris cette décision, parce que, je me suis dit que même si je n’ai pas réussi à être un joueur professionnel, j’ai une autre opportunité de réussir dans le milieu du football.

Quelles sont les différentes étapes que tu as franchies avant d’être à ce niveau ?

Waoouh !! Il y en a eu plusieurs. J’avoue que j’ai fait beaucoup de sacrifices pour y arriver.Plusieurs personnes m’ont dissuadé que Montpellier ne prenait pas de stagiaires et ne payait pas, maisj’en ai fait fi. Je me suis surtout mis en tête que chacun a sa chance. J’avais la détermination. Vu que les entraînements se passaient le plus souvent les matins et les après-midis, je suis allé demander à faire un stage.

C’est Fréderic Mendy, l’actuel entraîneur adjoint de l’équipe professionnelle qui m’a ouvert les portes de ce grand club familial avec beaucoup de valeurs, de respect, de travail et d’humilité. M. Mendy était à l’époque entraîneur des U16. Du coup, je travaillais dans une alimentation de nuit jusqu’à 1h du matin et les matins, des entraînements au centre de 9h à 11h30. Les mardis et les jeudis, on s’entraînait les après-midis. C’était fatigant. Je partais des fois à l’entraînement à vélo sous la pluie et le froid ou avec le bus.

Malgré tout, je n’ai pas abandonné. J’étais déterminé à faire le maximum pour m’imposer dans le centre. Vu que c’est ma passion, j’étais toujours heureux d’aller aux entraînements et de toucher le ballon avec les jeunes et de leur donner des conseils. Ça me fait énormément plaisir et surtout travailler pour ce grand club. Deux saisons après, Fréderic Mendy est passé chez les professionnels féminins. Ce qui m’a permis de découvrir le football professionnel féminin et d’apprendre l’exigence du haut niveau grâce à Dieu et à Frédéric Mendy.

L’on sait que c’est souvent difficile pour un étranger, surtout Africain subsaharien de franchir toutes ces étapes pour être à ton niveau. Comment as-tu fait, et quelle a été ta force ?

Effectivement, c’est très difficile pour les étrangers d’être parmi les entraîneurs de ces catégories U16, U17, etc. La chance que j’ai eue est d’avoir rencontré Frédéric Mendy comme je vous le disais tantôt. C’est lui qui m’a pris sous son aile. Il m’a proposé de continuer avec lui. Mais, c’est aussi dû à mes valeurs humaines, mon humilité, mon respect et à ma détermination qui ont fait qu’il m’a beaucoup apprécié.

Vu que j’ai grandi dans les quartiers, je sais comment communiquer avec un jeune. Ce qui fait que tous les jeunes du centre m’adorent et c’est à travers cela que les directeurs et coachs m’ont montré que j’ai ma place dans le centre. Malgré que certains m’ont dit d’arrêter parce que n’ayant pas de salaire au début, je n’ai pas abandonné. J’ai compris qu’ils ne m’ont pas fait un contrat tout de suite parce qu’ils voulaient être sûrs que je suis fait pour ce sport.

Y-a-t-il des footballeurs burkinabè dans cette équipe que tu encadres ?

Malheureusement non, à part mon fils qui est avec les U10.C’est justement une situation qui m’embête sérieusement dans le centre de formation à Montpellier Hérault. Le fait qu’il n’y ait pas de Burkinabè dans aucune des catégories. Je ferai tout pour que nous soyons plusieurs Burkinabè dans le centre de formation de Montpellier.

Quelles sont tes relations avec la famille Nicollin, propriétaire de Montpellier ?

Laurent Nicollin est un président exemplaire. Il est très familial. Il traite tout le monde de la même manière. Ce qui fait qu’on a encore plus envie de travailler, de donner le meilleur de nous-mêmes pour faire grandir l’équipe et de faire partir des meilleurs centres de formation en France. Quels sont actuellement tes diplômes d’entraineur ? Actuellement, j’ai mon diplôme de Brevet de moniteur de football.

C’est une formation de 9 mois qui rassemble plusieurs modules à savoir préparateur physique, entraîneur des gardiens, entraîneur de beach soccer. J’ai un diplôme de préparateur mental. Le fait de cumuler des matches officiels permet d’avoir d’autres diplômes plus rapidement. C’est ce que je compte faire pour acquérir d’autres diplômes. Je compte faire ma demande de carte d’agent de joueurs auprès de la Fédération burkinabé de football.

As-tu déjà aidé un footballeur à tenter le professionnalisme dans ton club ?

Oui, mais, mon objectif est de le faire surtout pour les jeunes Burkinabè. Cela me fera énormément plaisir. Il y a diverses nationalités comme congolaise, ivoirienne, sénégalaise, comorienne, camerounaise mais pas de joueurs burkinabè.

Quelle appréciation fais-tu du football burkinabè depuis la France ?

Je suis issu de la grande famille « bleu et blanc » de l’EFO. J’ai joué pour ce club quand j’étais tout petit. J’ai joué au Juntos, l’équipe d’Amadou Sampo et ensuite au Santos où j’ai joué dans les catégories cadettes jusqu’en junior. Du coup, je suis de très près le championnat burkinabè.

Il y a des amis qui sont devenus des coachs. Je trouve que le football burkinabè a vachement évolué. Il y a plusieurs centres de formation bien équipés pour le haut niveau. La preuve, nous avons beaucoup de joueurs dans de grands clubs et qui ont été formés au Burkina Faso. Ça fait vraiment plaisir de voir ces jeunes se donner à fond dans leur club et aussi avec l’équipe nationale.

Serais-tu un jour tenté d’entrainer une équipe nationale burkinabè ?

En tant que Burkinabè, c’est toujours un honneur de servir son pays. Pour l’instant, je continue de travailler pour acquérir de l’expérience au haut niveau. Si l’opportunité se présente un jour pour mettre cette expérience au profit de mon pays, ça sera avec fierté. Mais, je n’en fais pas une fixation. Je profite de l’occasion que vous m’offrez pour rappeler que nous devons créer notre propre identité, notre manière de jouer au football, avec nos valeurs, beaucoup de discipline, de travail et d’intelligence.

Cela permettra aux joueurs d’évoluer et de pouvoir s’adapter au football de haut niveau très rapidement. Je suis un passionné de football et je sais que les joueurs ont besoin de voir le public dans les stades. Leur présence permet aux joueurs de faire du spectacle et c’est cela la beauté du football. Si la Fédération arrive à trouver des idées qui innovent et rendent le championnat burkinabè attrayant, ce sera une bonne chose pour le peuple burkinabé. Il y a plein d’idées qu’ils peuvent mettre en place.

Par exemple à chaque mi-temps pour faire une animation avec des sponsors qui offrent des cadeaux à trois ou quatre tireurs qui touchent la barre transversale à une certaine distance. J’ai plusieurs idées intéressantes qui pourraient sûrement permettre de mettre l’ambiance et d’attirer les supporters dans les stades.

Interview réalisée par Yves OUEDRAOGO

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