Au début de la dernière décennie, le nom d’un technicien de football a commencé à se faire entendre. Il s’agit de Mouni Kouanda, alors entraineur adjoint de Kassoum Ouédraogo Zico académie. 14 ans après, ce quinquagénaire a pris des galons. Il est compté parmi les meilleurs coachs du Burkina Faso. Diplômé de la Licence B et C, coach Mouni fixe ses objectifs et fait un tour d’horizon du football burkinabè qu’il connait.

Qui est Mouni Kouanda ?

Je suis l’actuel entraineur de l’ASEC de Koudougou. Je suis né dans les années 70 dans la province du Bazèga, à Kombissiri. Je suis marié et père de trois enfants. Je suis un ancien élève du collège de la Salle et du lycée Saint-Joseph de Ouagadougou. En tant que footballeur, j’ai joué pendant des années dans le quartier à Bilbalogo avec l’équipe d’Union FC. En 1996, j’ai fait mon premier cours d’arbitrage à l’époque dirigé par Nouhoun Ouattara. Ensuite, j’ai continué à jouer avec l’équipe de National FC du secteur 16 jusqu’en 2001, où, suite à une blessure, j’ai plongé dans l’encadrement technique. À partir de 2002, j’ai commencé les cours d’entraîneur de football. J’ai suivi des stages avec les membres de la Direction technique nationale. C’est véritablement à partir de 2007 que j’ai pu avoir mon premier stage d’entraîneur de football et j’ai obtenu le diplôme d’initiative fédérale de la Fédération burkinabè de football (FBF). Dans la suite logique, j’ai participé à beaucoup de stages. Tout cela était dans l’informel. C’est à partir de 2010 que tout a été formalisé. Et depuis lors, j’ai pu obtenir les diplômes de la Licence C et B.

Depuis quand êtes-vous dans le coaching ?

J’y suis depuis 1998. Mais, c’est en 2010 que j’ai été reconnu par la FBF. Depuis lors, j’ai pu participer à la montée de KOZAF de la 3e division à la division une. Après KOZAF, j’ai pris la direction de Bobo-Dioulasso où j’ai pris la direction technique de Bobo sports. Après la formation bobolaise, je suis revenu à Ouagadougou, où, en tant que coach adjoint de l’AS SONABEL, nous avons été finaliste malheureuse de la Coupe du Faso et remporté la Super coupe AJSB. Ensuite, c’est le Real du Faso qui m’a accueilli. Là-bas aussi, nous avons été champion de la D3, de la D2 pour nous retrouver en D1. Et cette année, je suis à l’ASEC de Koudougou.

Que peut-on retenir comme bilan partiel de l’ASEC-K ?

Nous occupons pour le moment la 8e place après 24 journées de compétition. C’est un bilan mitigé, car, au départ, nous avons entamé la saison avec beaucoup de sérénité. Ce qui nous avait permis d’occuper le fauteuil de leader pendant un bon mois. Tout compte fait, nous sommes toujours dans nos objectifs qui sont le maintien et faire mieux que la saison dernière. Il reste encore quelques journées et nous sommes sur la bonne voie.

Qu’est-ce qui vous a motivé à prendre les rênes de l’ASEC-K ?

Après le non renouvellement de mon contrat avec le Real du Faso, les dirigeants de l’ASEC-K m’ont contacté. J’ai trouvé que c’était un bon challenge dans la mesure où c’était une équipe de l’élite, mais aussi de l’intérieur. Je me suis dit qu’en obtenant un bon résultat avec elle, cela va me permettre non seulement de rehausser mon niveau et me faire une bonne visibilité.

Quelle est la force de cette formation de l’ASEC-K ?

Sans hésiter, je dirai le 12e homme. A Koudougou, les supporters sont déterminés derrière leur équipe. Au risque de me répéter, la force de l’ASEC-K est le grand apport des supporters.

Quelle appréciation faites-vous du niveau du championnat national ?

Le niveau est très relevé. Il est vrai que les cassures, notamment cette saison ne sont pas faites pour arranger, mais, cela a au moins montré le niveau des entraîneurs. Je le dis parce que sur le plan de la planification, nous, coachs, avons pu élever notre niveau parce qu’il fallait travailler pour ramener les joueurs au top niveau. Il fallait être beaucoup plus intelligent et travailler de telle sorte à ne pas avoir beaucoup de blessures et être au top pour aller disputer les places. Cela a occasionné un championnat difficile. La preuve est que jusque-là, aucune équipe ne peut se targuer qu’elle sera championne. Comme il est aussi difficile de dire quelle équipe sera reléguée.

Le championnat a connu des cassures. Comment avez-vous vécu cette situation ?

L’interruption du championnat nous a beaucoup peinés. Il y a eu beaucoup d’impacts, non seulement sur l’état physique des joueurs, les entraînements, le comportement. La situation était très difficile dans la mesure où il y avait des clubs aux ressources très limitées comme le nôtre. Ce qui nous a beaucoup perturbé. Surtout que l’interruption est intervenue quand nous étions sur une bonne lancée. Ça nous a coupé les jambes.

Le football burkinabè a-t-il mal à ses dirigeants selon vous ?

Je ne dirai pas cela. J’avancerai peut-être que le problème du football burkinabè est lié à l’environnement et à l’organisation d’une manière générale. Tout le monde est responsable de ce qui se passe actuellement. L’on ne peut pas accuser uniquement les dirigeants dont certains accusent un mauvais management. Il faudra surtout voir le côté organisationnel. Et le football burkinabè gagnerait à revoir à ce niveau.

Quelle comparaison faites-vous des dirigeants de l’époque à ceux de nos jours ?

A ce niveau, il faut savoir raison gardée. De nos jours, les dirigeants ne sont pas financièrement nantis. Alors qu’à une certaine époque, des sociétés et des mécènes n’hésitaient pas à mettre la main à la poche. Il y avait même
des supporters qui soutenaient financièrement les clubs. Les dirigeants actuels sont laissés à eux-mêmes. Avec l’évolution de la technologie, beaucoup préfèrent suivre un match d’un championnat européen devant le
petit écran que de venir au stade, soi-disant que le championnat local ne produit pas du spectacle. Avant, il y avait cette race de présidents de clubs comme Georges Marshall, Noufou Ouédraogo, Karamoko Sall etc. Avant et aujourd’hui, il y a une grande différence.

Quel commentaire faites-vous des choix des entraineurs des différentes catégories des Etalons ?

Ce sont de bons choix. Si les premiers responsables de notre football estiment que ce sont eux qui peuvent bien présider aux destinées de nos équipes nationales sur le plan technique, je suis entièrement d’accord. Ce que nous pouvons faire, c’est de prier pour eux, car, c’est le Burkina qui gagne. Quand vous regardez, ce sont tous des entraîneurs qui ont un bon vécu. Ils ont travaillé avec beaucoup de jeunes. Je pense que les choix ont été vraiment bien étudiés.

Si vous étiez la tête pensante des Etalons, allez-vous prendre la même décision que Brama Traoré en se passant des 3 capitaines pour son premier regroupement ?

Le Burkina Faso gagnerait en s’abstenant de certaines polémiques. Brama Traoré est l’un des meilleurs entraîneurs du Faso foot. Les trois capitaines sont aussi les meilleurs de l’équipe nationale à l’heure actuelle. Brama les a vus naître. Il les a entraînés. Si dernièrement, Brama ne les a pas appelés, je pense qu’il a ses raisons. Lui-même pourrait mieux vous expliquer. Il faut savoir raison garder. Je pense que les uns et les autres doivent se parler d’homme à homme. Le Burkina a besoin de Brama Traoré et des trois capitaines. Il n’y a pas de polémique à se faire à ce niveau. Les Burkinabè doivent parler le même langage. Ils doivent accompagner Brama Traoré et ramener la sérénité au sein du groupe Etalons pour que nous puissions engranger des résultats probants.

Brama Traoré avait-il le choix de faire le contraire avec les trois en question ?

Je ne l’ai pas beaucoup côtoyé. Mais, je le connais très bien. Je pense que s’il a fait un choix, nous devons le respecter. C’est à lui de clarifier les choses avec les trois. Je pense qu’il y a des non-dits. Mais, nous ne rentrerons pas dans ces détails. Ce que nous recherchons, c’est une réconciliation de tous les Burkinabè autour des Etalons.

Un commentaire sur les élections à venir à la FBF. Avez-vous un penchant pour quelqu’un ?

Ce qui est important, c’est celui qui va venir rassembler les Burkinabè autour du même objectif qui est celui de faire avancer le football Burkinabè. Je souhaite qu’on trouve la personne qui pourra bien le faire. Nous ne pouvons pas avancer dans la division. L’exemple de 2013 est révélateur. En cette année où le Burkina devait participer à la CAN, de bonnes volontés se sont mises debout pour prôner l’union sacrée autour des Etalons. Le résultat, on le connait.

Quels sont vos objectifs personnels ?

Je souhaite bien finir ma carrière, car, je ne voudrais pas rester un entraîneur à vie. Mon vœu le plus cher est d’avoir une très bonne retraite, c’est-à-dire finir en bonne santé avec un sentiment du devoir accompli. J’aimerais qu’un jour qu’on dise que Mouni Kouanda a contribué à rehausser le niveau de notre football. C’est mon vœu le plus cher.

Coach Mouni est-il intéressé pour entrainer une catégorie des Etalons ?

Pourquoi pas ! Je suis un entraineur avant tout. Si l’on me fait appel un jour, j’apporterai ma pierre à l’édifice. Mais, je précise que l’équipe nationale n’est pas une fin en soi.

Qu’est ce qui fait courir coach Mouni qui tourne de club en club, est-ce l’argent ?

Celui qui dit qu’il ne joue pas pour l’argent peut être traité de cinglé. Outre qu’il faut s’alimenter pour avoir l’énergie, il y a aussi que tu dois subvenir aux besoins de ta famille. Mais, avant tout, il faut avoir de l’amour pour le travail. Par exemple, quand on me sollicite, je regarde d’abord le projet que le club me propose. Il ne s’agit pas seulement de signer et d’aller percevoir un salaire à la fin du mois. Tout compte fait, je voulais rappeler qu’aujourd’hui, il y a des mécontents dans notre football. Je pense que ceux qui vont diriger le football burkinabè dans l’avenir doivent penser à ces gens.

Je veux parler des entraineurs qui s’adonnent dans l’informel dans les quartiers. Nous avons le devoir de restaurer beaucoup de choses dans notre football. Ce sont des messieurs qui forment des jeunes qui se retrouvent en première division, dans les centres de formation et même à l’extérieur. Ces entraineurs sont les oubliés du système. Alors que dans toute chose, il faut une base. Je demande aux nouvelles autorités du football de travailler à restaurer l’image de ces entraineurs. Il faut du respect aux entraîneurs des quartiers. Une fois que l’enfant est parti, il y a une coupure. Une coupure qui suit l’enfant. C’est d’ailleurs pourquoi nous ne pouvons pas avoir des professionnels dignes de ce nom, parce que la base a déjà échoué.

Même si ces entraîneurs n’ont de diplômes, ils ont besoin d’être valorisé. Les footballeurs burkinabè d’une manière générale doivent revenir à la base. Ils doivent reconnaître ceux-là qui ont été leurs géniteurs dans le quartier. Permettez-moi ce cri du cœur envers nos dirigeants. De nos jours, nous avons de jeunes talents un peu partout dans le monde. Lorsque ces derniers sont sélectionnés en équipe nationale, des passeports sont immédiatement mis à leur disposition pour aller jouer. Et une fois que ces enfants reviennent dans leur club pour demander un passeport pour aller en Europe ou en Asie, c’est tout un cauchemar. Les joueurs sont comme des militaires. Eux aussi partent pour la défense du pays. Pourquoi ne pas utiliser ces mêmes documents pour permettre aux joueurs d’obtenir le passeport s’ils en demandent ? Au niveau de la fédération, il faut travailler pour que le championnat à venir, tous les joueurs présentent un passeport. Cela va faciliter les choses. Je voulais à travers vos colonnes rendre un hommage à mon père spirituel Piouhouri Webonga. C’est grâce à lui que je suis entraineur de football.

Interview réalisée par
Yves OUEDRAOGO

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici
Captcha verification failed!
Le score de l'utilisateur captcha a échoué. Contactez nous s'il vous plait!