Poste spécifique sur un terrain de football, le gardien de but a besoin de qualités physiques, mentales et athlétiques pour performer. Pour faire la différence, les derniers remparts cultivent des pratiques et astuces censées leur garantir du succès. Les gardiens de but burkinabè n’échappent pas à la règle. Nous levons un coin du voile sur les petits secrets des goalkeepers.
L’image a fait le tour du monde à l’époque. Nous sommes le 8 novembre 1998 au stade du 4- Août de Ouagadougou, à l’occasion de la finale de la coupe des leaders entre l’Etoile
filante de Ouagadougou (EFO) et le Racing club de Bobo Dioulasso (RCB). La
rencontre était dans ses ultimes moments.
Le RCB menait au score. Alors que la formation bobolaise filait tout droit vers le
sacre, contre toute attente, un penalty est sifflé en faveur des Stellistes. Les joueurs
du RCB protestent. Sauf le gardien de but Mohamed Kaboré dit Koasa. Il rassure, frappe sa poitrine promettant à ses coéquipiers d’arrêter le penalty. Promesse
tenue puisqu’il a fait échec à l’essai du capitaine de l’EFO, Firmin Sanou. Il explique : « ce jour-là, beaucoup ont cru que j’avais fait recours au mysticisme.


piger les attaquants par les anticipations
Pourtant, il n’en est rien. En frappant la poitrine, ce seul geste a suffi pour intimider
le tireur ». Boucher de profession à l’époque et footballeur à ses temps libres,
Mohamed Kaboré dit Koasa se rappelle avoir quitté directement l’abattoir, accompagné par ses collègues bouchers pour rejoindre ses coéquipiers pour le déplacement de la capitale. « Après notre sacre, j’ai négocié avec mes dirigeants pour aller présenter le trophée à mes collègues bouchers qui m’ont beaucoup soutenu », se rappelle-t-il.
Faire douter le joueur…
Koasa n’est pas le seul portier à jouer la carte de l’intimidation de ses adversaires. Son ainé d’une autre génération, Laurent Ouédraogo, utilisait la même stratégie pour
déconcentrer ses vis-à-vis. Son stratagème est d’amener le tireur a changé de
trajectoire. « Je sors sur le ballon en laissant un côté large faisant. C’est un piège que je tends. Ce côté qui semble largement ouvert attire le tireur qui tombe dans le piège. Lors des tirs au buts j’utilise la même technique », laisse-t-il entendre.
Laurent Ouédraogo était redoutable dans l’épreuve des tirs au but. C’était un spécialiste. « Pour les penaltys, je pouvais amener le tireur à tirer là où je veux. Par exemple, s’il pose la balle et il s’incline trop, je sais où il va la mettre », explique l’ancien sociétaire de l’USO et du Stella club d’Adjamé. Il se rappelle que c’est lors de cette épreuve qu’il a été l’un des
premiers footballeurs burkinabè avec le Kadiogo à battre l’Asante Kotoko de Kumassi sur son propre terrain.
« Ce jour-là, notre dernier tireur n’a pas pu exécuter sa sentence puisque j’ai fait le boulot bien avant », relate-t-il. En 1982 au tournoi CSSA à Cotonou, c’est après la même épreuve avec un Laurent Ouédraogo imperturbable dans les cages que le Kadiogo a battu la Côte d’Ivoire. « Quand on parle de chance dans les tirs au but, ça me fait sourire », confesse-t-il. Pour lui, c’est une épreuve de nerf et seuls les aguerris et les rusés peuvent s’en sortir.
Les portiers burkinabè forts dans les penaltys

Mohamed Kaboré pour déstabiliser ses
adversaires.
En son temps et selon des témoignages, Laurent Ouédraogo était craint par les
attaquants lors des duels aériens. « Je ne faisais pas de cadeaux aux attaquants dans
les duels aériens. Ils me craignaient. Par exemple pour les duels aériens, j’invitais mes défenseurs à me remplacer dans les buts », confirme-t-il. Sur les aptitudes des
tirs au but, Ibrahim Diarra constate que la majorité des gardiens de but burkinabè
sont forts dans cet exercice. Il se rappelle d’un déplacement des Etalons au Ghana
pour affronter les Black Stars de ce pays.
Ayant eu l’information que les professionnels ghanéens ne seront pas de
la partie, le coach des Etalons, Oualiken Amokrane, met sa stratégie en fonction de
ces absences. « A quelques minutes du coup d’envoi, il constate dans les vestiaires
que tous sont là. Paniqué, il vient informer ses joueurs. A la question de savoir quelle
sera la stratégie à adopter, Oualiken sans hésiter annonce qu’il n’y a plus de stratégie
possible. « Tout le monde défend et tout le monde attaque », avait répondu Oualiken
Amokrane, se rappelle encore aujourd’hui Ibrahim Diarra. Même s’il insiste n’avoir pas d’astuces ou de petits secrets sur l’aire de jeu, Ibrahim Diarra tout comme Ibrahim
Traoré dit Baya se souviennent de cette rencontre de la finale de la coupe de l’hôtel
indépendance entre l’ASFA-Y et EFO en 1992.
Influencer par la parole
Baya gardait les perches de l’ASFA-Y et Ibrahim en faisait autant de l’autre côté. « Le
sort du match a été décidé à l’issue des tirs au but après un match nul et vierge. L’ASFA-Y
s’est finalement imposée par 11 tirs réussis contre 10 à l’EFO. Diarra a arrêté 6 et moi 7
», se remémore Ibrahim Traoré. Lui, avait cette malice de piéger les attaquants par les
anticipations sur les centres et sur les balles en profondeur. « J’ai compris très tôt que le
gardien doit jouer le rôle de libero. Ce qui fait que je jouais très avancé avec les risques de
lob », reconnait-t-il.
Outre ses anticipations et ses sorties souvent risquées, Baya avait cette faculté à amener le joueur à mettre le ballon où il le souhaite. « Je fais semblant d’aller à gauche et il met la balle mollement de l’autre côté. J’essayais de les influencer en allant parler à l’adversaire en lui disant par exemple que je sais là où il va tirer, notamment lors des tirs au but. Tu le perturbes en mettant le doute dans sa tête.
Ce qui n’est plus autorisé aujourd’hui », souligne l’ex-sociétaire de l’ASFA-Y. Daouda Diakité, le héros de la demi-finale de la CAN 2013 face aux Black Stars du Ghana (il avait fait échec au dernier tireur ghanéen, offrant la victoire aux Etalons), lui, excellait dans les face à face. « Je les remportais le plus souvent parce que je partais d’un côté en poussant mon vis-à-vis à mettre la balle de l’autre côté. Aussi, je jouais sur les premières intentions de mes adversaires », souffle-t-il. Avec l’évolution du football et les règles de jeu à ce poste, il n’est pas évident que la nouvelle génération de goalkeepers tire au maximum profit de cet héritage.
Yves OUEDRAOGO
