Le lupus est une maladie qui survient lorsque le système immunitaire qui protège l’organisme contre les microbes ou les substances étrangères se dérègle et se retourne contre les cellules de l’organisme. Selon les spécialistes, il est une maladie silencieuse, pernicieuse pouvant attaquer toutes les parties du corps et son traitement se fait à vie. Il peut engendrer la mort si le mal n’est pas diagnostiqué à temps. Pour en savoir sur cette pathologie, Sidwaya est allé à la rencontre des personnes vivant avec le lupus et des spécialistes en rhumatologie.
Test du VIH, de l’hépatique, du paludisme, de la tuberculose, de la fièvre typhoïde, etc. Les patients de lupus font recours à plusieurs examens, mais sans toujours savoir au juste de quoi ils souffrent. Ils sont souvent stigmatisés et discriminés comme des personnes atteintes du VIH. Agnès Marie Odile Kiba est de ceux-là. Elle vit avec le lupus depuis environ 20 ans. Durant ces années, en plus du poids de la maladie, elle dit avoir souffert du regard accusateur de son entourage, de la société. « Tout a commencé en 2003. J’ai commencé à souffrir sans savoir de quoi il s’agit. J’ai fait une année d’errance de centre de santé en centre de santé. Une année d’hospitalisation avant que mon médecin traitant me dise que ça peut être le lupus », témoigne Mme Kiba. Les analyses ne pouvant pas se faire au Burkina Faso, faute de laboratoires qualifiés, son médecin lui a fait des prélèvements sanguins qu’il a envoyés en Europe pour examen.
Le résultat du test a relevé que dame Odile souffre de lupus. Depuis 2003, la vie de Mme Kiba est faite de douleurs quotidiennes, surtout articulaires, musculaires, de raideurs des mains … « On a de la peine à se lever. On peut être réveillé à 5h du matin, mais se mettre debout à 8h. C’est une maladie handicapante », explique-t-elle. Quant à Stéphane Simporé, il a découvert sa pathologie en 2015. « Bien avant 2015, j’étais tout le temps malade. On me disait que c’était le paludisme, l’anémie, la typhoïde … On a dit tellement de choses ; et ce qui était paradoxal, les différents examens médicaux relatifs aux maladies que l’on soupçonnait se sont révélés toujours négatifs », raconte M. Simporé. Il soutient avoir traversé les pires moments de sa vie. « On dit que j’ai le paludisme malgré que le test soit négatif. On me gavait de médicaments de palu sans succès et on passe à un autre traitement sans résultats : le mal persiste. Enfin, on me dit que c’est parce que je ne me repose pas ; alors qu’il y avait une maladie derrière qui me fatiguait qu’on appelle lupus », relate Stéphane Simporé.
Des causes non maîtrisées
Selon le chef de service de rhumatologie à l’hôpital de Bogodogo et présidente de la Société burkinabè de rhumatologie (SBR), Pr Wendlassida Joëlle Stéphanie Zapsonré, le lupus est une maladie peu connue. « Quand quelqu’un commence à maigrir, à faire la fièvre, à tousser, ou même avoir mal partout, on peut déjà penser au paludisme, à la fièvre typhoïde, à la tuberculose, et même jusqu’à faire le test de dépistage du VIH/SIDA, alors qu’il peut s’agir du lupus », soutient-elle. Pourtant, insiste-t-elle, si le lupus n’est pas diagnostiqué à temps, cela peut provoquer d’autres complications et mettre en péril la vie de la personne, « car on va commencer à traiter d’autres maladies qui n’ont rien à voir avec le lupus », précise-t-elle. Sur la pathologie à proprement dit, le rhumatologue Dr Aboubacar Ouédraogo, explique que le lupus est une maladie « auto-immune systémique à expression surtout ostéoarticulaire et dermatologique associée à la production de multiples anticorps dont les plus caractéristiques sont dirigés contre certains composants du noyau, tel que l’ADN natif ». En termes simples, dit-il, il s’agit d’un dérèglement du système immunitaire qui protège l’organisme contre les microbes ou les substances étrangères, au point qu’il se retourne contre les cellules de l’organisme. A en croire Dr Ouédraogo, le lupus peut se manifester chez tout le monde, mais avec un taux élevé chez les femmes (9 malades sur 10).
« Les raisons pourraient être les secrétions hormonales et la maladie peut attaquer, entre autres, les organes tels que la peau, la chevelure, le cœur, les vaisseaux sanguins, les poumons, les reins, l’appareil digestif et le système nerveux », indique-t-il. Pour ce qui concerne les manifestations cardiaques et vasculaires, le rhumatologue précise que le lupus peut attaquer la péricardite, la myocardite et l’endocardite. « Les mani-festations hématologiques sont ressenties au niveau de l’adénopathie, la splénomégalie, l’anémie, la leucopénie et des troubles de la coagulation de sang. Les manifestations neuropsychiatriques constituent la 3e cause de mortalité du lupus. Il affecte le système nerveux central avec comme conséquences, des convulsions, une paralysie, la neuropathie périphérique, la psychose, la confusion et des hallucinations », ajoute Dr Ouédraogo. Le diagnostic du lupus prend en compte plusieurs paramètres. Selon le rhumatologue, Dr Enselme Yamyéllé Zongo, médecin au CHU de Bogodogo, l’inventaire des composants des systèmes sont nécessaires, pour voir s’ils respectent les normes de l’organisme en état de bonne santé. « Comme nous savons que le lupus affaiblit le système immunitaire, quand on fait les examens, on cherche à savoir si les composants du système de défense sont en nombre suffisant dans le sang. S’il se révèle que la quantité des défenseurs n’est pas normale, alors il y a danger. On procède à d’autres analyses pour découvrir la nature du mal », indique Dr Zongo.
Ecouter les médecins
Depuis 20 ans Agnès Marie Odile Kiba lutte contre le lupus. Selon elle, il s’agit d’un combat au quotidien. Comme toutes les maladies chroniques, dit-elle, le lupus a des exigences. « Tu ne dois pas boire de l’alcool ni fumer. Il faut beaucoup se reposer, car un effort prolongé peut le déclencher », note-t-elle. Le coût de traitement est de 50 000 F CFA pour la prise en charge mensuelle du lupus simple. La maladie devient grave et nécessite des traitements lourds quand elle attaque le foie, les poumons, les reins, le cœur et le système nerveux. « Il faut écouter les médecins et se faire suivre et être exigent avec soi-même, si l’on veut avoir une vie qualitative », conseille Mme Kiba. Au Burkina, souligne le Pr Wendlassida Joëlle Stéphanie Zapsonré, la plupart des formes de lupus sont des formes acceptables, parce qu’elles ne sont pas très sévères. « La plupart du temps, les formes graves que l’on rencontre dans notre pays se situent au niveau des os et des articulations. Avec les traitements, les malades sont soulagés », informe-t-elle. Elle poursuit en disant qu’il faut se faire suivre régulièrement et surtout éviter les circonstances qui peuvent déclencher la maladie. « Le stress en lui-même est un facteur déclenchant de la maladie. Il faut également éviter de s’exposer beaucoup sous le soleil. Cela détruit certaines cellules au niveau de la peau et déclenche une inflammation qui peut activer la maladie », a fait savoir la rhumatologue. Elle ajoute que si le malade est bien suivi, il peut vivre le plus longtemps possible avec le mal qui ne se guérit pas.
Disposer de laboratoires bien équipés
Le lupus est une maladie qui affecte majoritairement les femmes. Cependant, selon le Dr Aboubakar Ouédraogo, il ne diminue pas la fertilité chez la femme. « Bien que la maladie en elle-même n’entrave pas la capacité de conception, certains traitements peuvent avoir des répercussions sur la fertilité. La nature chronique de la maladie et les traitements associés peuvent influencer la conception.
Certains médicaments utilisés pour traiter le lupus peuvent affecter la fertilité, et dans certains cas, ils sont même contre-indiqués pendant la grossesse en raison du risque de malformations congénitales », nuance Dr Ouédraogo. La grossesse étant un facteur pouvant influencer le cours de la maladie et présenter des défis supplémentaires pour la santé maternelle et fœtale, les rhumatologues conseillent aux patientes atteintes de lupus de communiquer avec leur médecin traitant lorsqu’elles envisagent un projet de grossesse afin de le planifier pour minimiser les risques et garantir les meilleures conditions possibles pour la conception. Au Burkina Faso, 75 patients de lupus sont suivis en rhumatologie. Dans l’optique de trouver un cadre de réconfort à toutes ces personnes victimes de cette pathologie, avec des amis, Agnès Marie Odile Kiba a créé l’Association des personnes vivant avec le lupus au Burkina Faso dont elle est la présidente. L’association souhaite que le Burkina Faso dispose de laboratoires équipés pour diagnostiquer rapidement le lupus et à moindre coût. En plus de la prise en charge rapide des patients, elle demande une baisse du coût des médicaments pour les rendre accessibles en vue d’alléger la souffrance des personnes atteintes de lupus.
Hubert BADO