Un aveu d’impuissance

La France menace de retirer ses 5 100 hommes du Mali au moment où l’affront terroriste s’affiche de plus belle. Si les Français s’en tiennent aux enjeux qui ont poussé le président François Hollande à donner suite à la demande de Bamako en 2013 pour intervenir et arrêter l’élan terroriste, se retirer, c’est sacrifier toute une sous-région fragilisée également par la pandémie de la COVID-19. Il y a des non-dits dans les propos du président, Emmanuel Macron, qui ont besoin d’être clarifiés, lorsqu’il affirme que si le Mali allait dans le sens de l’islam radical. Le colonel Assimi Goïta et ses hommes sont-ils des « collabos » des terroristes ? Auquel cas, c’est toute la sous-région, « infestée » par les terroristes qui doit se mettre debout pour les combattre.

Dans tous les cas, à ce jeu de souveraineté, la France, après avoir ouvert la boîte de pandores en entérinant le coup d’Etat au Tchad, ne peut pas s’en prendre aux soldats maliens qui ont repris le pouvoir. Surtout, si le prétexte donné est avéré. « Vendre les secrets défense d’un pays souverain à un autre », fut-il l’ancienne puissance coloniale. Non, Paris « bluffe », parce que si les Jihadistes cassent le verrou qui mène des lignes de front à Bamako, soit les dirigeants militaires restent pour faire face, ou alors, ils se retranchent dans leur Bunker de Kati, laissant le peuple malien sans défense et créant une situation pire que ce qu’elle n’aurait été avant l’intervention des Français en 2013. Partir actuellement sans avoir achevé le « job » pour lequel ils sont là depuis huit ans ne saurait être une solution. Sauf que dans le retranchement, la précarité dans laquelle sera plongé le Mali, peut naître une forme supérieure du patriotisme. Le chauvinisme avec cette conséquence noble de montrer au peuple qu’avec ou sans l’aide, il peut se tracer une voie royale. Ainsi, si par hasard, Barkhane plie bagage et que les soldats maliens acceptent descendre dans l’arène, les généraux maliens quittent les salons feutrés et climatisés des états-majors, pour le chaud soleil des Ifoghas, de Kidal, de Tombouctou, partout où tonne le canon, lançant l’opération « libérons notre pays » par nous-mêmes, avec succès, la France aura bu le calice jusqu’à la lie.

Ce serait la fin d’un mythe d’invulnérabilité du Nassara dans l’esprit d’une Afrique francophone, dont la jeunesse est partagée entre tourner la page des soixante ans de présence avec un penchant vers le « pouvoir se réaliser sans les autres » et demeurer sous le joug français. Dans tous les cas, ce sont d’abord des menaces qui, à la confrontation de la réalité du terrain, pourront se muer en des sanctions ciblées. A l’étape actuelle, en réalité, le choix de se retirer, qui relève de la souveraineté du peuple français à travers ses dirigeants, ne doit donc pas faire peur, puisqu’il faut, de toutes les façons, un jour partir. Le prétexte gêne un peu, parce que cela donne l’impression d’un aveu d’impuissance de la force coloniale, qui n’aurait pas pu exercer une pression pour éviter à ceux qui passent pour des patriotes au Mali et dans une large partie de l’opinion africaine, de remettre leur pays sur orbite. Macron sait au fond de lui-même que si Barkhane se retire, ce que l’histoire retiendra sera moins sa puissance de feu qui a stoppé l’élan terroriste, que son impuissance à aider des partenaires à bouter hors de leurs territoires des pieds nickelés de terroristes. Dans un pays démocratique, comme la France, ce sont des petites choses qui peuvent générer de grandes et graves conséquences lors des élections.

Jean Philippe Tougouma

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