Il n’y avait pas l’ombre d’un doute. Le Président centrafricain, Faustin-Archange Touadera, a annoncé sa candidature à un 3e mandat, le week-end écoulé à Bangui, au cours d’un congrès de son parti, le Mouvement des cœurs unis. Ce scenario se dessinait depuis plusieurs mois. L’homme fort de la Centrafrique avait minutieusement préparé son terrain, malgré les coups de boutoir de l’opposition. En œuvrant en 2023 à la modification de la Constitution, qui consacre désormais la non limitation des mandats présidentiels et le passage du quinquennat au septennat, Touadera a créé les conditions pour s’offrir un autre mandat à la présidentielle d’octobre 2025.
Avec cette révision constitutionnelle, le compteur a été pratiquement remis à zéro pour le chef de l’Etat centrafricain, qui entame la 7e république, avec ses compatriotes. Il reste à savoir si cette nouvelle candidature va passer comme une lettre à la poste. Si les soutiens de Touadera, qui l’appelaient à briguer un nouveau mandat jubilent, ce n’est pas le cas des partisans de l’opposition qui voient d’un très mauvais œil son projet de rester aux affaires. Il faut alors redouter un regain de tensions en Centrafrique, où l’autorité du président est contestée. Sa volonté de garder le pouvoir est perçue par ses pourfendeurs comme une volonté de s’éterniser à la tête du pays.
Déjà que sa réélection en 2020 a été rejetée par les opposants, qui y ont vu le résultat de fraudes massives, son intention de garder les clés du palais présidentiel irrite davantage dans la rue. Il faut craindre de nouveaux remous sociopolitiques en Centrafrique, dont le cheminement n’a jamais été un long fleuve tranquille. Ce pays d’Afrique centrale a connu un passé trouble, fait de coups d’Etat et de rebellions armées, et sa situation actuelle n’est guère meilleure. Au pouvoir depuis 2016, Touadera a hérité d’une insécurité préoccupante, non encore résolue, en dépit des sacrifices consentis par le gouvernement centrafricain pour venir à bout des groupes armés.
La situation est plus ou moins critique dans le Nord-Ouest et le Sud-Est du pays, où les habitants sont exposés à toutes sortes de danger. Axes routiers minés, pillages, tueries…, les groupes armés qui opèrent dans ces parties de la Centrafrique font preuve d’animosité, poussant les populations à fuir vers des zones plus sécurisées. Il y a urgence à ramener la paix dans le pays. Le premier ennemi des Centrafricains, c’est l’insécurité. Ils ne peuvent plus se payer le luxe de se chamailler autour de questions électorales. Ils ont intérêt à dialoguer, pour ne pas précipiter le pays dans une nouvelle crise sociopolitique. La candidature de Touadera ne fait pas l’unanimité, mais est-ce pour autant qu’il faut tenter le diable ?
Les élections à venir doivent se dérouler dans un climat apaisé, comme le souhaite tout patriote centrafricain. Mais rien n’est encore perdu. Dans la mesure où le Président Toaudera s’est dit favorable à un dialogue avec l’opposition, dans son adresse de nouvel an en décembre 2024, l’espoir est permis. Majorité et opposition doivent anticiper sur d’éventuels troubles en se mettant autour de la table. Il y a nécessité d’engager des échanges francs en vue de la tenue d’un scrutin équitable et transparent. Si la période préélectorale s’annonce incertaine avec l’annonce de la candidature de Touadera, celle post-électorale pourrait être pire, en ce sens que les résultats issus d’un scrutin mal organisé ou entaché d’irrégularités pourraient être vigoureusement contestés par l’opposition. Mieux vaut prévenir que guérir, dit l’adage populaire.
Kader Patrick KARANTAO