Dans la situation économique et sécuritaire que traverse notre pays, la réactivation de l’économat des Forces de défense et de sécurité (FDS), en Conseil des ministres du 12 mars 2025 et celle d’une société d’Etat d’approvisionnement et de distribution de produits de grande consommation dénommée Faso Yaar, le 9 avril dernier, suscitent enthousiasme et espoir.
L’expérience des Faso Yaar sous la Révolution d’Août 83 offre un précédent intéressant en matière de protection des consommateurs. Ces boutiques populaires, instaurées sous Thomas Sankara ont eu pour but d’assurer l’accessibilité des produits de première nécessité et permis la maitrise des prix, luttant ainsi contre les abus et évitant la surenchère au consommateur. Par cette approche, l’Etat assumait pleinement son rôle de régulateur, mettant en place des mécanismes concrets pour contenir les augmentations des prix et assurer la justice sociale. Ces initiatives qui visaient à stabiliser le pouvoir d’achat des populations ont néanmoins été abandonnées au fil du temps, avec le retour aux mécanismes libéraux de distribution. Si cette ouverture a favorisé la diversification de l’offre, elle a aussi exposé les consommateurs à des fluctuations incontrôlées des prix et à la spéculation, notamment en période de crise.
Aujourd’hui, dans un contexte de flambée des prix et de perturbation des circuits commerciaux, certaines de ces idées méritaient d’être réexaminées pour inspirer leur relance. Parce que l’histoire récente prouve que face à des chocs économiques majeurs, une régulation étatique reste essentielle. La montée vertigineuse des prix de certaines denrées alimentaires telles que le riz, le sucre et l’huile, durant le mois de jeûne musulman et carême catholique, donne à réfléchir à plus d’un. Le gouvernement a donc lancé la vente du sucre SN-SOSUCO au prix règlementaire dans des boutiques témoins et celle du riz dans plusieurs localités du pays afin de soulager les consommateurs.
Le contexte national imposait la mise en place d’un dispositif pérenne d’approvisionnement des populations en produits de première nécessité à des prix « raisonnables ». Entre l’insécurité liée au terrorisme, les déplacements de populations, la perturbation des circuits classiques de ravitaillement et l’augmentation des prix des denrées alimentaires, la nécessité d’un dispositif d’approvisionnement maîtrisé devient impérieuse. Le retour des Faso Yaar s’inscrit ainsi dans une stratégie visant à offrir aux populations des conditions de vie et de travail plus stables. « Cette société est dotée d’un capital de 2 milliards F CFA entièrement détenu par l’Etat et ses démembrements et viendra contribuer à assainir les circuits de distribution du marché intérieur en matière de disponibilisation de produits de grande consommation », indiquait le ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat, Serges Gnaniodem Poda.
La relance de tels mécanismes ne va pas être sans contraintes, contexte oblige. Les Faso Yaar, nouvelles générations, doivent ainsi se doter d’outils de contrôle performants, s’appuyer sur les technologies modernes et intégrer une approche inclusive en collaborant avec divers acteurs pour ne pas fausser le jeu économique.
Au-delà des aspects logistiques et organisationnels, les Faso Yaar renvoient aussi à un choix politique fort : celui de la résilience et de la souveraineté économique. Dans un pays où la situation sécuritaire fragilise le tissu social et économique, garantir à l’ensemble des Burkinabè un cadre d’approvisionnement sécurisé, à des prix encadrés, participe aussi à la stabilisation du climat social. Plus encore, en favorisant les circuits courts et les productions locales, un tel système peut avoir un impact durable sur l’économie nationale.
Si le pari est bien tenu, les Faso Yaar sont susceptibles, à terme, de jouer un rôle plus large dans la politique économique nationale. Ils peuvent servir de levier pour faciliter l’écoulement des produits locaux, encadrer certains prix, lutter contre la spéculation et créer un effet d’entraînement positif sur l’économie locale, mais aussi contribuer à une meilleure structuration du commerce intérieur. Cette décision s’impose comme une réponse moderne et adaptée aux réalités du présent. Car, si l’idée a refait surface, son succès dépend de la capacité de tous les acteurs à en faire un outil efficace, au service du bien commun.
Par Assetou BADOH