Wayiyan, allons aux assises !

Mon voisin, celui qui a des crises d’alcoolémie, m’a demandé ce matin ce qu’était une assise. Je n’ai pas eu le temps de lui répondre quand il me chargea avec mille autres questions : est-ce qu’il y aura assez de place pour s’asseoir ? Est-ce qu’aux assises-là, les gens vont vraiment s’asseoir ? Et même s’ils s’asseyent, est-ce qu’ils vont déposer tous leurs bagages ? Est-ce qu’ils vont vider leurs sacs ? Est-ce que certains ne vont pas faire asseoir d’autres pour asseoir leurs desiderata et mieux s’asseoir ? Je dis voisin, ça fait trop de questions en même temps ! Il me demande si on avait vraiment besoin d’asseoir tout ce beau monde et dépenser autant de moyens qu’on pouvait affecter ailleurs ? Nous pouvons nous asseoir chacun chez soi et méditer sans complaisance aux sujets à l’ordre du jour. Le pays est déjà mal assis, on ne peut pas se permettre de s’asseoir. Il faut rester debout et faire les choses debout.

La meilleure des assises, c’est celle que l’on tient avec soi-même, à l’abri de tout intérêt personnel ou corporatiste, de tout calcul politique et il faut que les Burkinabè entrent en eux-mêmes, dans une introspection sans complaisance et décident de faire bloc pour relever les défis du moment ! Est-ce que chacun s’est déjà assis chez lui et en lui avant d’aller aux assises ? Est-ce que les gens seront bien assis et est-ce que certains n’en sortiront pas rassis, parce que déjà mal assis avant les assises ? Et puis, qu’en est-il de ceux qu’on a assis depuis et qui ont marre de s’être longtemps assis sans le moindre sursis ? Est-ce qu’on peut, sans assises, dire à quelqu’un de s’asseoir de côté et lui demander encore de venir s’asseoir à côté, dans des assises sans le rassurer que cette fois-ci il ne sera pas seul à être assis et qu’après les assises, il ne va plus rester assis. Mon voisin m’a demandé si j’ai été invité aux assises.

Je lui ai dit non et il s’est étonné et a même tonné : ce n’est pas possible ! Ils ne vous ont pas invité ? Pourtant, nous avons, nous aussi, un rond-point de pneus au quartier ! C’est vrai qu’il n’est pas aussi grand que les autres, mais, c’est tout un symbole auréolé de tous les drapeaux consacrés et nous y veillons aussi les nuits. Je dis voisin, on ne peut pas inviter tout le monde. Il y a des représentants des différentes couches sociales, politiques, religieuses, coutumières et traditionnelles. Ils y seront tous en notre nom ! Mon voisin m’a demandé si tous ceux qui participeront à ces assises ont payé leur facture d’eau et d’électricité. Je dis voisin, quel rapport y a-t-il entre les assises et le paiement des factures d’eau et d’électricité ? Payer sa facture, c’est la moindre des choses pour tout citoyen digne de ce nom ! Il m’a regardé avec un air méchant avant de m’éclabousser avec sa colère : tu n’as pas vu les listes ? Quelles listes, voisin ? Enfin, il n’y a pas un Burkinabè qui peut consommer autant d’eau et ne pas payer ses factures pendant autant d’années ! Nous sommes au pays des Hommes intègres voyons ! Et puis, qu’est-ce qui prouve que la Nationale de l’eau qui a commis une telle fuite sur sa page avec tous les risques d’inondations ne s’est pas trompée ?

Qu’est-ce qui te dit que c’est la Nationale de l’électricité qui a osé susciter de telles masses électriques avec tous les risques d’électrocution ? D’ailleurs, cette dernière liste a aussitôt disparu en moins d’une heure après sa publication et certains ont vite crié à un retrait coupable. Bref, aucun de ces clients publiés n’a officiellement et publiquement réagi. Aucune des deux structures n’a officiellement communiqué sur la publication de ces listes. Donc, rien ne prouve même que ce soit elles qui ont publié, même si c’est sur leurs pages. Il paraît que tout est communication et qu’on ne peut pas ne pas communiquer, mais l’absence de communication aussi est une communication ! En tout cas, mon voisin est formel, il faut publier la liste des participants aux assises. Et il dit : si moi j’accuse un retard de paiement de ma facture d’eau de 4 000 F CFA seulement en une semaine, je serai frappé par une pénalité d’au moins 2 000 F CFA.

Si je ne paie pas ma facture pendant trois ou quatre mois, ils viendront couper l’eau et arracher mon compteur. Et dire que dans ce même pays, des personnes physiques ou morales totalisent des dizaines de factures impayées sur des années d’ « impunité » entretenues jusque-là dans la discrétion, voire dans le secret. C’est du deux poids deux mesures ! Il faut vite remuer au fond des eaux troubles de nos canalisations sans oublier de voir s’il n’y a pas de masses et que le courant passe bien. Je dis voisin, est-ce que tu sais que ces clients publiés ont même le droit d’ester les publicateurs de listes en justice pour violation de données à caractère personnel et laver leur honneur éclaboussé ou électrocuté ! Il cracha au sol son venin et leva le doigt tremblotant au ciel sans mot dire comme s’il voulait maudire. Voisin, du calme, ne t’en fais pas, aucun de ces présumés fautifs ne sera aux assises. Pour aller aux assises, il faut être bien assis avec une intégrité sans faille et dans les détails. Ecoute, ce n’est pas la pagaille ! Et même si par miracle, certains s’y retrouvaient, c’est sûr qu’ils ne devaient pas être sur la liste et par conséquent, la liste doit être revue et republiée ! Wayiyan, allons seulement aux assises sans rien aiguiser, avec ou sans factures, sans fissure ni fracture, sans bavure ni blessure.

Clément ZONGO clmentzongo@yahoo.fr

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