
L’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (ASFA) organise la rencontre des chefs cuisiniers africains et la réunion politique sur les alimentaires africains, sur le thème : « Ma nourriture est africaine : Les chefs et les acteurs du changement façonnent l’avenir de l’alimentation. Unir les voix pour un système alimentaire africain juste et durable », du 23 au 25 juillet 2025, à Addis-Abeba, en Ethiopie.
Dans une interview accordée à Sidwaya en début juillet 2025, le président d’honneur du ROPPA, Mamadou Cissokho, disait que « la première souveraineté d’un pays est alimentaire ». L’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (ASFA) veut faire de cette vérité une réalité et une priorité sur le continent africain. En ligne droite avec ce combat qu’elle mène au quotidien, l’ASFA organise la rencontre des chefs cuisiniers africains et la réunion politique sur les alimentaires africains, du 23 au 25 juillet 2025, à Addis-Abeba, en Ethiopie, sur le thème : « Ma nourriture est africaine : les chefs et les acteurs du changement façonnent l’avenir de l’alimentation. Unir les voix pour un système alimentaire africain juste et durable ».
Si la cuisine africaine est sacrée, elle reste menacée par les systèmes alimentaires étrangers importés. Dans l’ambition d’endiguer cette menace, cette rencontre, qui réunit une centaine de participants venus des quatre coins du continent, vise à célébrer et à mettre en valeur le riche patrimoine culinaire de l’Afrique, les diverses traditions culinaires du continent, mais aussi à explorer la manière dont elles peuvent être préservées, modernisées et placées au cœur de l’identité et de la nutrition africaines. Elle a également pour objectif d’analyser de manière critique les politiques alimentaires et agricoles actuelles en Afrique, en identifiant les principales lacunes et contradictions qui sapent la souveraineté alimentaire, excluent les systèmes alimentaires traditionnels, pour enfin définir une voie stratégique à suivre à travers une déclaration et un plan d’action visant à inscrire les systèmes alimentaires africains dans les programmes politiques nationaux et régionaux.
Selon la cheffe de cabinet et conseiller du ministre éthiopien de la Planification et du Développement, Hanna Abebe, l’Ethiopie est une terre au riche patrimoine agricole, où l’agriculture n’est pas seulement une activité économique, mais un mode de vie. « Nos systèmes alimentaires nourrissent notre population, façonnent notre culture et stimulent notre économie. Cependant, ils sont de plus en plus menacés par l’irrégularité des précipitations, la hausse des températures, la dégradation des terres et l’imprévisibilité croissante des chocs climatiques », a-t-elle souligné.
Pour y répondre, le gouvernement éthiopien a disposé de plusieurs instruments comme, entre autres, une stratégie de résilience climatique, un plan national d’adaptation, une contribution déterminée au niveau national, une stratégie de développement à faibles émissions à long terme, et travaille donc à aligner la transformation des systèmes alimentaires sur les actions de la politique climatique, a indiqué Hanna Abebe.
Sortir de la colonisation alimentaire
Pour le représentant de l’ASFA, Fassil Gebeyehu Yelemtu, l’alimentation est un droit humain, malheureusement de nombreuses faiblesses structurelles constituent un obstacle à sa matérialisation. Malgré les incertitudes du futur, l’ASFA œuvre à apporter des réponses à ces lacunes, à valoriser les vertus des mets endogènes africains, à apporter le changement nécessaire, a-t-il fait savoir.
Tout en saluant l’ASFA pour son leadership dans la lutte pour la souveraineté alimentaire en Afrique, la présidente de la commission de l’agriculture, du tourisme et des ressources naturelles de l’Assemblée législative d’Afrique de l’Est (EALA), Françoise Uwumukiza, a appelé à aligner les politiques et les législations sur les systèmes alimentaires sur la sagesse, les valeurs africaines et sur les besoins des communautés. Si l’urbanisation a conduit à des habitudes alimentaires importées, il importe de sortir de la sous-valorisation des mets traditionnels africains. Et cela passe, a-t-elle soutenu, par la promotion de l’agroécologie, le soutien aux banques de semences locales, la réduction de la dépendance aux intrants importés.
Pour le coordonnateur général de l’AFSA, Dr Million Belay, l’alimentation n’est pas un bien comme tout autre et savoir qui la contrôle est important, et relève d’ailleurs d’un agenda politique. C’est pourquoi la souveraineté alimentaire est fondamentale. Et pour la réaliser, il faut sortir de la colonisation alimentaire, décoloniser les systèmes éducatifs africains, mais aussi du récit selon lequel l’agroécologie est incapable de nourrir l’Afrique, ainsi que du harcèlement publicitaire qui pousse à consommer des produits malsains et formate les mentalités de nos enfants, a-t-il souligné. Et l’ASFA, en plus de la résistance qu’elle mène, constitue également un laboratoire de solutions. En partenariat avec l’Union africaine (UA), elle travaille à doter le continent de systèmes alimentaires viables orientés vers le bien-être des communautés, le respect de l’environnement, des valeurs socioculturelles africaines.
Cette rencontre continentale est saluée par plus d’un. « L’initiative est à encourager, car ce ne sont pas les autres qui vont venir nous apprendre à mieux manger. Il est important qu’ensemble, nutritionnistes, chefs cuisiniers, journalistes, transformateurs, etc. se retrouvent pour voir comment travailler dans une synergie et avoir des actions devant contribuer à l’amélioration de nos systèmes alimentaires », a confié la nutritionniste béninoise résident en France et fondatrice de Nutri Afrik, Audray Akakpo. Elle appelle à mettre le bien-être des populations au cœur des priorités.
Mahamadi SEBOGO
(Depuis Addis-Abeba, Ethiopie)