Ancien directeur de l’Agence d’information du Burkina et ancien secrétaire général des Editions Sidwaya, Issa Soma, s’est exprimé sur son parcours et sur les missions d’une agence de presse, à travers un entretien réalisé, ce jeudi 23 mai 2024, dans le cadre du Jubilé de diamant de l’AIB.
Sidwaya (S.) : Vous avez servi pendant longtemps à l’Agence d’information du Burkina (AIB), en tant que rédacteur en chef puis directeur. Pouvez-vous revenir sur votre parcours à l’AIB ?
Issa Soma (I.S.) : Je retiens que nous étions quatre jeunes journalistes sortis fraichement de l’Institut des sciences et techniques de l’information et de la communication pour donner du sang neuf à l’AIB. Nous avons reconstitué les desks. Nous avons essayé de travailler en équipe et avons créé de nouvelles rubriques pour animer les bulletins du quotidien à l’époque. Je retiens également qu’à notre arrivée, Jean Philippe Tougouma et moi avons eu la chance de faire un stage dans une structure qui s’occupait
du développement des agences de presse ouest-africaines. On est reparti à l’école dans les années 90 pour une formation d’approfondissement, ce qui nous a permis de donner une nouvelle impulsion à l’AIB.
A l’époque, on avait tellement bien pris les choses en main si bien que notre doyen Benin Bilélé a pu aller comme reporter de guerre au Liberia. On était bien encadré par des anciens, comme Feu Basile Baloum (ndlr, directeur de publication de l’Indépendant après Norbert Zongo), qui pouvait vous faire reprendre votre papier quatre fois avant qu’il ne passe. C’est l’occasion pour moi d’appeler les jeunes journalistes à l’humilité. Il n’y a pas à dire que je suis cadre dans le métier. La qualité des productions de l’AIB était reconnue au-delà des frontières du pays des Hommes intègres.
L’AIB était considérée. Ses journalistes étaient associés aux activités ministérielles et aux voyages présidentiels. L’AIB était une famille, les journalistes pouvaient faire des reproches aux téléscriptrices qui pouvaient également corriger les papiers des journalistes.
On vivait dans cette symbiose. Il en était de même pour les correspondants. Lorsqu’un correspondant envoyait un papier, on prenait le soin de le corriger et de lui envoyer la version finale, ce qui n’est pas évident aujourd’hui car tout le monde dit qu’il connait.
S. : Ce lundi 27 mai 2024, l’AIB a 60 ans. Quelle lecture faites-vous de cette actualité ?
I.S. : Le parcours de l’AIB me rend triste parce que cette agence créée en 1964 n’a pas pu décoller, jusqu’à nos jours. Elle a essayé mais je crois que les premiers responsables de la maison ne savaient pas, ou du moins, ne savent pas encore ce que c’est qu’une agence de presse. C’est cela mon regret.
En principe, l’AIB devait fonctionner comme un office avec une autonomie financière. On n’a pas pu cerner le territoire national. A l’époque, on a tenté mais on n’a pas réussi. Les correspondants faisaient du très bon travail. Les dépêches étaient revendues à la radio nationale et à la télévision. Il y a eu plusieurs tentatives qui n’ont pas abouti.
Je prie vraiment de tout cœur pour que les nouvelles autorités voient l’intérêt de l’agence et investissent pour faire d’elle une vraie agence permettant aux journalistes de
travailler dans de bonnes conditions. Si l’AIB était autonome, elle serait une très grande boîte et allait être citée parmi les agences de presse de la sous-région comme l’Agence ivoirienne de presse et l’Agence sénégalaise de presse. Ce qui est réconfortant aujourd’hui, c’est que quelques médias citent l’agence.
S. : Justement, qu’est-ce qu’une agence de presse pour les personnes non averties ?
I.S. : Une Agence de presse est un organe de presse qui a des correspondants dans toutes les localités du pays, qui lui envoient des informations, au niveau central, pour être traitées et dispatchées dans les autres organes de presse.
L’agence fait partie des instruments de souveraineté d’un Etat. Ce qui implique qu’elle doit disposer de moyens nécessaires pour travailler. Elle fournit des informations crédibles à 99,99% en ce sens que l’agencier ne relate que des faits, pas de commentaire et n’emploie ni des qualificatifs ni des adverbes. Il rapporte uniquement les faits.
S. : Quels conseils pouvez-vous prodiguer aux jeunes journalistes de l’AIB ?
I.S. : Je pense que les jeunes qui travaillent à l’AIB et qui vont y travailler demain doivent comprendre que le journalisme est un sacerdoce. Aussi, ces jeunes doivent accepter d’apprendre, se mettre au sérieux dans le travail et demeurer humbles car l’agencier, c’est celui qui fait bien son travail dans l’anonymat.
S. : Auriez-vous une anecdote à raconter à nos lecteurs ?
I.S. : Je me rappelle que le Président Thomas Sankara avait son bureau à l’Agence d’information du Burkina. Il avait ouvert la voie pour qu’il y ait une vraie agence. Toutes les représentations diplomatiques du Burkina étaient abonnées au bulletin quotidien de l’AIB qui paraissait comme le quotidien Sidwaya d’aujourd’hui. Malheureusement, le coup d’Etat (ndlr, 15 octobre 1987) est survenu.
S. : Quel est votre ultime souhait pour l’AIB ?
I.S. : Mon souhait est que les autorités puissent comprendre le rôle d’une agence d’information et trouver les moyens nécessaires pour faire de l’AIB une grande agence. Cela permet de centraliser l’information, de la traiter avant que les autres médias n’en fassent échos.
Interview réalisée par
Youssouf SEOGO