Développement agricole au Burkina: le nouveau ministre Salifou Ouédraogo annonce une petite révolution

Salifou Ouédraogo, «sernapiste» et ingénieur du développement rural, a officiellement pris les commandes du ministère en charge de l’Agriculture le lundi 28 janvier 2019 à Ouagadougou. Si sa formation et ses expériences lui servent d’atouts, sa vision et ses intentions annoncées s’avèrent aussi en phase pour un nouveau souffle dans le monde agricole.

Fraîchement installé le 28 janvier 2019, le nouveau ministre de l’Agriculture et des Aménagements hydrauliques, Salifou Ouédraogo, a exposé sa vision d’une «économie agricole dynamique», s’appuyant sur une agriculture familiale reboostée. A l’occasion, il a donné des indications qui sont de nature à révolutionner la pratique agricole en milieu rural, si elles sont réellement suivies d’effet.

Sa mission principale au sein du gouvernement mis en place le 24 janvier 2019 : «Faire de l’agriculture un secteur à très haute valeur ajoutée pour booster l’économie burkinabè». Pour y arriver, l’ingénieur en développement rural, par ailleurs spécialiste des projets de développement durable et de sécurité alimentaire ainsi que des techniques expérimentales de productions animales, peut compter sur une riche expérience dans ce domaine.

Son passage aux projets FAO «Forêt et Sécurité Alimentaire en Afrique Sahélienne», à l’ONG SOS Sahel et au Centre régional de promotion agropastorale CRPA-Centre) lui aura permis d’être en contact avec les producteurs et d’acculer de l’expérience sur la réalité agricole des pays sahéliens comme le Burkina Faso. Cela suffira-t-il à faire face aux multiples défis de l’agriculture burkinabè ? Peut-être pas, mais l’ancien «sernapiste» (il a effectué son service national populaire de 1986 à 1987) à une vision et des idées qui peuvent faire changer la dynamique actuelle de ce secteur.

Oser changer les techniques de production

En effet, Salifou Ouédraogo, a indiqué à la cérémonie de passation des charges avec son prédécesseur qu’il considère comme axe d’intervention prioritaire la mécanisation de l’agriculture. L’amélioration réelle des moyens techniques de production constituera, sans aucun doute, une révolution au Burkina Faso. Toutes les analyses pointent la faible productivité du secteur primaire qui reste dominé par une agriculture de subsistance, pratiquée à un niveau familial avec des outils aratoires les plus rudimentaires.

Le Programme national de développement économique et social (PNDES), le tableau des interventions actuelles de l’Etat n’avait pas fait de la mécanisation agricole un grand défi à relever, même si des projets tiennent en compte cette solution. La mécanisation est absente des indicateurs de la transformation structurelle souhaitée pour le secteur agricole par le PNDES qui retient comme hypothèses : la maîtrise de l’eau pour l’agriculture, développement des infrastructures rurales, l’accès aux marchés, la sécurisation foncière en milieu rural et l’accès au financement.

En proposant une «forte mécanisation de l’agriculture», le ministre s’aventure sur un terrain ameubli par des discours et des dabas davantage que par des tracteurs. Les choses pourraient rapidement changer si le gouvernement de Christophe Dabiré consent, au cours de son mandat, à équiper les producteurs d’outils techniques perfectionnés. La daba, outil emblème de l’agriculture sans lendemain mérite d’être conservé au musée afin que s’épanouisse l’agriculture en phase avec nos réalités actuelles.

Dans la lignée des bonnes idées, le ministre Ouédraogo a aussi annoncé une «utilisation raisonnée des intrants agricoles minéraux et surtout organiques». Dans notre numéro d’Août 2018, nous parlions du péril de l’engrais chimique dans les régions de l’Est et surtout du Centre Sud. Car, pour obtenir de bon rendement à tout vent et faire face à la rareté de la main d’œuvre, les producteurs ont recours à toutes sortes d’intrants, au risque de leur santé, de celle des animaux et de l’environnement. La mise en œuvre de la Centrale d’achat des intrants et de matériels agricoles devrait faciliter le ministre dans cette orientation nouvelle.

Revenir à la discipline administrative

Par ailleurs, pour réussir sa mission, le ministre espère de ses agents le respect minimum des obligations professionnelles et des règles d’éthique de leur service. Il a souhaité en effet que ses agents observent les principes de ponctualité, de loyauté, de l’intégrité et du respect de la hiérarchie entre autres, qui sont constituent en fait la base minimale des obligations d’un agent de l’Etat mais qui, face à l’incivisme ambiant, paraissent comme des principes directeurs des anges. L’absentéisme, l’insubordination, la corruption, le détournement et la collision d’intérêts sont monnaies courantes dans l’administration burkinabè. Si le ministre réussit à rasseoir la discipline, il aura également impacter le monde agricole à ce niveau-là.

S’il s’est montré volontariste et jouit d’une certaine crédibilité de par son expérience, le ministre Ouédraogo ne va pas réinventer la roue. Il poursuivra en effet la mise en œuvre du PNDES qui compte mettre un accent particulier sur l’aménagement des terres et l’irrigation. Dans ce cadre, les grands chantiers concernent entre autres l’aménagement de 15 mille hectares de périmètres agrosylvopastoraux et halieutiques au Centre Nord, au Centre et dans les Hauts Bassins. Il y aussi l’aménagement de 2 mille hectares pour la culture du blé au Sourou.

Il a aussi rappelé la nécessité de concrétiser la Banque agricole du Faso, la mise en place d’un fonds de développement agricole et d’un mécanisme d’assurance agricole. Car jusqu’à présent, l’agriculture, considérée, comme pilier principal de l’économie nationale ne bénéficie que d’un faible accès aux crédits. Les établissements financiers rechignent à accorder du crédit aux agriculteurs, leur fixant des conditions qu’ils sont incapables de satisfaire.

Espérons que le ministre Salifou Ouadrago apportera un vent nouveau au secteur agricole qui, malgré le financement public à coût de milliards et les discours volontaristes, ne permet pas au pays se consolider sa souveraineté par une autosuffisance alimentaire.

Aimé Mouor KAMBIRE