Campagne sèche à Dano: 200 mille francs d’appoint à gagner

Aussitôt les récoltes terminées, près d’une centaine de paysans ont pris d’assaut les plaines aménagées et les berges du barrage de Dano. Les années précédentes, ils en ont tiré des revenus qui leur ont permis de payer l’écolage de leurs enfants. Des échanges avec eux au début de l’année 2019 ont permis de lire leur optimiste  et de recueillir leurs attentes.

Nous sommes au barrage de Dano, non loin de la colline Ioba d’où coule le nom de la province. Ce vendredi 18 janvier 2019, avant le lever du soleil, les maraîchers sont déjà à pied d’œuvre dans la plaine. Munis de pioches, de dabas et d’arrosoirs, ils labourent, sèment et arrosent à mains nues.

Avec les moyens de bord, ils travaillent sans relâche, à améliorer leurs conditions de vie. Ils ont été installés dans ce bas-fond de 20 ha par la fondation DREYER, une ONG qui appuie les producteurs dans le cadre de la lutte contre la pauvreté.

La plaine présente un aspect verdoyant. Elle laisse étaler plusieurs cultures, entrecoupées de bananerais qui forcent l’admiration. Les 88 producteurs installés sur le site n’en démordent pas. Ils s’en tirent  à bon compte.

Aux yeux des producteurs, l’importance de ce bas-fond aménagé n’est plus à démontrer. Grâce à celui-ci, Demba Dabiré a de quoi s’occuper sur place en saison sèche. Il déploie toute son énergie à bêcher la terre aride, laissant échapper derrière lui une épaisse nuée de poussière.

Mais la pénibilité du travail n’entame en rien sa volonté de transformer cette terre inculte en un jardin d’Eden où on peut trouver du maïs, des choux, de la salade, de l’oseille, de la tomate, de la carotte et de l’aubergine. D’où son envie de rester encore plus longtemps dans la plaine.

En effet, après les récoltes, plusieurs producteurs accourent vers ce lieu. C’est le cas de Hyppolite Dabiré que nous avons trouvé en train de désherber sa parcelle. « Les pépinières se meurent par manque de moyens pour acheter les produits de traitement », confie-t-il.

«Je gagne nettement mieux que ceux qui vont en Côte d’Ivoire»

Le maraîchage est rentable, croit-il savoir tout en indiquant que tout est lié à la disponibilité de l’eau en permanence.  A force de persévérer, Yves Hien a désormais le sourire aux lèvres. Avec les revenus qu’il gagne, il arrive à prendre en charge ses petits besoins et de se soigner en cas de maladie. «Je gagne ma vie ici », se réjouit-il.

Pour lui, il n’est plus question de quitter le village pour quelque raison que ce soit ou d’encourager encore quelqu’un à aller à l’aventure. « C’est nettement mieux par rapport à ceux qui vont travailler comme ouvriers dans les plantations en Côte d’Ivoire », affirme-t-il.

Que dire de François Somé, un autre producteur, qui se fait de l’argent dans le maraîchage ? «Je peux avoir entre 150 000 et 200 000 FCFA à chaque récolte», dévoile-t-il.

Même s’ils n’arrivent pas à réaliser de grands projets avec les revenus issus de la vente de leurs produits, les maraîchers de Dano en sont fiers parce qu’ils sont au moins occupés. Pascal Somé, propriétaire de 0,25 ha, ne dira pas le contraire. « C’est avec ces revenus que je paie la scolarité de mes enfants », avoue-t-il.

Des propos corroborés par son cousin François Somé qui déclare : « L’exploitation de ce bas-fond en saison sèche nous permet d’avoir quelque chose ». Foi de Tiériffar Placide Hien, directeur provincial de l’agriculture du Ioba, cette activité se porte bien dans sa circonscription administrative.

A l’écouter, elle connaît un essor remarquable. Si bien que les produits maraîchers sont vendus au-delà de la province du Ioba en particulier à Diébougou, Gaoua et même au Ghana. Quant aux superficies emblavées, il assure qu’elles devraient connaître une hausse par rapport à la campagne précédente où elles étaient de 475 ha, eu égard aux nombreux travaux d’aménagement entrepris çà et là.

A Dano, le maraîchage nourrit son homme. Malheureusement, des obstacles et pas des moindres sapent l’œuvre salvatrice des braves producteurs.

Les petites retenues pénalisent les producteurs

Tieriffar Placide Hien est conscient des retombées socioéconomiques de la campagne sèche dans sa province. Car, en plus de contribuer à la sécurité alimentaire, elle procure des revenus aux producteurs. D’un côté comme dans l’autre, fait-il remarquer, cette campagne a bel et bien sa place dans l’agriculture au niveau de la province.

Toutefois, il n’ignore pas les nombreuses difficultés auxquelles sont confrontés les producteurs sur le site. « Nous n’avons pas un grand barrage dans notre province», explique-t-il. C’est pourquoi, il dit déconseiller l’utilisation des cultures à cycle long, justement à cause du tarissement précoce des barrages.

Le système mis en place par la fondation Dreyer pour irriguer les parcelles peine à satisfaire tous les producteurs. Pour pallier ces insuffisances, ils ont creusé des puits. Malgré cela, ils ne semblent pas sortir de l’ornière du fait de la multiplicité des problèmes. Par exemple, le manque d’un soutien conséquent de la part de l’Etat, en matériels et en intrants ne leur permet pas d’optimiser la production. « Nous ne recevons aucune aide de l’Etat », atteste Pascal Somé.

Des propos balayés du revers de la main par Placide Hien, le directeur provincial en charge de l’agriculture. « On ne peut pas dire que l’Etat ne fait rien, il fait quelque chose, mais ce n’est pas suffisant », dit-il. D’ailleurs, il les exhorte à s’organiser en coopérative, la seule condition pour bénéficier de l’aide de l’Etat.

A ce propos, Yves Hien rappelle en substance que l’unique assistance dont ils ont bénéficié jusque-là de la part du gouvernement est signée Salif Diallo, au moment où il était ministre de l’Agriculture. « C’est lui qui nous avait appuyé avec des intrants, une charrette et une brouette », se souvient-il.

Pour lui, ce qui préoccupe le plus actuellement, c’est la porosité de la clôture qui favorise l’intrusion des animaux dans le périmètre irrigué et surtout l’ensablement progressif du barrage. «Le grillage qui sert de clôture, installé depuis 2005, est abîmé», indique-t-il. Il pointe également du doigt la responsabilité des producteurs qui mènent des activités sur les berges du barrage, accélérant du même coup son ensablement. En plus de ces entraves, les producteurs ont souvent du mal à écouler convenablement leurs productions, par manque de débouchés.

La concurrence avec les produits venus d’autres horizons du Burkina devient de plus en plus insupportable si bien qu’ils ne savent plus à quel saint se vouer. « Les commerçants les vendent moins cher par rapport aux nôtres », déplore François Somé.

Des solutions à envisager

Les producteurs commencent à s’organiser en coopérative agricole comme l’ont suggéré les responsables en charge de l’agriculture au niveau de la province. En début d’année 2019, ils ont mis en place une coopérative agricole, leur ouvrant la voie à l’aide de l’Etat. Un des objectifs poursuivis par cette organisation est de défendre les intérêts de ses membres. Les producteurs de Dano réclament en outre la réhabilitation du barrage et si possible, l’extension de l’aménagement du site en vue de permettre à d’autres personnes d’en profiter. « Il faut un autre grillage tout neuf et surtout un curage du barrage », conseille Yves Somé. Parmi les aides sollicitées, figure le soutien en matériel et en intrants.

 

 

En dehors des soutiens en intrants dont ils bénéficient de la part de la fondation  Dreyer, chaque producteur se débrouille à sa manière. « Elle nous donne les intrants à crédit et le remboursement se fait à la récolte », dévoile Pascal Somé.

Malgré toutes ces difficultés, la campagne sèche est prometteuse pour les producteurs de Dano cette année. Il appartient aux autorités de les accompagner afin qu’ils puissent atteindre leurs objectifs et relever le défi de la production maraîchère dans la province du Ioba.

Ouamtinga Michel ILBOUDO

omichel20@gmail.com