Alternance pacifique du pouvoir :Le Niger sur la bonne voie

L’année 2020 a marqué les trente ans de la  fin du parti unique et le début de la démocratisation dans la plupart des pays de l’Afrique de l’ouest. Le bilan non exhaustif fait ressortir des fortunes diverses en matière d’alternance pacifique du pouvoir même s’il y a des éclaircies comme le cas nigérien

Le dernier trimestre de l’année 2020 aura vu nombre  de pays africains et surtout ceux de la partie ouest tenir des élections présidentielles ou générales (Présidentielle et législatives). Guinée et Côte d’Ivoire en octobre, Burkina Faso en novembre, Ghana et Niger en décembre.

En  mars 2021, on devra par principe assister  au Niger à une passation pacifique du pouvoir, entre un chef de l’Etat sortant et son successeur nouvellement élu. En effet Mahamadou Issoufou qui a dirigé le pays pendant 10 ans et étant au terme de ses deux mandats constitutionnels n’était pas candidat à l’élection présidentielle du 27 novembre 2020. Et à l’issue du premier tour, c’est son dauphin désigné, Mohamed Bazoum qui est arrivé en tête. Cet ancien ministre des Affaires étrangères et de l’Intérieur affrontera lors d’un second tour prévu le 21 février 2021, Mahamane Ousmane, arrivé en deuxième position de cette présidentielle et  qui a déjà dirigé le pays, entre 1993 et 1996.

Si le processus arrivait à son terme, ils seront nombreux à applaudir car des cas similaires ont tendance à se raréfier

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Quel que soit l’issue de ce scrutin,  ce type d’alternances pacifique   en Afrique, on en recherche sur le continent et singulièrement en Afrique de l’ouest.  Parce qu’au début de la décennie 90, cette partie de l’Afrique avait donné des signes d’espoir en matière de démocratie  et force est de constater que trente  ans plus tard l’exemple des pays modèles de l’époque n’a fait que très peu d’émules. A cette époque en effet, des pays comme le Benin et le Mali étaient considérés comme les « éclaireurs » pour les autres pays sur la voie de la démocratisation.  Car, à l’image de la plupart des pays africains, ils avaient connu des  régimes du parti unique. Mais leur particularité réside dans le fait qu’ils avaient réussi à mettre fin à ce système en se tournant résolument vers le multipartisme, la liberté d’expression et d’association.

Trente ans après,  force est de constater que la «  mayonnaise » n’a pas pris ou à très peu pris. Seuls le Benin, le Sénégal et maintenant le Niger pour la partie francophone et le Ghana et dans une moindre mesure le Nigéria semblent tenir la route même si tout est loin d’être parfait.

Le Mali qui avait suscité tant d’espoir en réussissant à mettre en place un régime démocratique avec Alpha Omar  Konaré au pouvoir après une Transition militaire menée par Amadou Toumani Touré semble revenir à la case départ : deux coups d’Etat, en 2012 et 2020 et de nouveau une Transition contrôlée par l’Armée (présidence, vice-présidence et présidence du Conseil National de Transition).

Et que dire de la Côte d’Ivoire et de la Guinée Conakry où, contre toute attente, les actuels chefs d’Etat ont entamé un troisième mandat, alors que la Constitution n’autorise que deux. Une situation qui a engendré comme on pouvait imaginer, des violences pré et post électorales avec son lot de morts et d’opposants embastillés, avec une crispation de la scène politique.

Faut-il alors désespérer de cette partie du continent qui était sur « la bonne voie » ? Si l’on doit considérer que la démocratie est une quête permanente surtout sous nos tropiques, la réponse est assurément  négative. Mais en même temps, cette quête doit être accompagnée d’efforts à tous les niveaux : santé, éducation, infrastructures routières, croissance économique, développement de l’agriculture, respect des droits humains, etc.  On a comme souvent l’impression que la consolidation de la démocratie se résume uniquement à l’organisation de compétitions électorales de façon régulière. Mais cela seul ne suffit pas. La rigueur, la probité, la discipline et  la transparence dans la gestion de la chose publique ne font pas toujours partie des priorités. Et les élites sur qui l’on compte généralement pour sortir nos pays de l’ornière s’illustrent malheureusement la plupart du temps par une conception prébendier du pouvoir, reléguant au second plan l’intérêt général.

La conséquence de tout ceci est que la plupart des dirigeants s’accrochent au pouvoir à travers des modifications constitutionnelles, comme on en a vu ces  dernières années, rendant les alternances pacifiques, fort difficiles

Il n’est donc pas étonnant que trois décennies après, l’impression d’un faux départ soit toujours de mise.

Gabriel SAMA