CEDEAO : l’autre revers

La Communauté écono-mique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) n’est pas au bout de ses peines avec les divergences des vues quasi courantes au sein de ses Etats-membres. Après ses dissensions avec le Burkina Faso, le Mali et le Niger, l’Organisation sous régionale se retrouve, une fois de plus, dans des démêlées politico-diplomatiques avec un de ses pairs : la Guinée-Bissau. Une mission politique de haut niveau, conduite par l’ancien ministre des Affaires étrangères nigérian, ambassadeur Bagudu Hirse, à Bissau a dû quitter précipitamment le pays, le 1er mars dernier, après des menaces d’expulsion formulées par le Président, Umaro Sissoco Embaló. Selon un communiqué rendu public, cette mission avait été mandatée par la présidence de la Commission à l’effet de présenter aux autorités bissau-guinéennes, sa feuille de route pour des élections présidentielles et législatives prochaines.

L’on se rappelle, en effet, que lors de la 66e session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Organisation, tenue le 15 décembre 2024 à Abuja, il avait été demandé à la Commission de déployer une mission politique de haut niveau dans le pays pour soutenir les efforts des acteurs politiques et des parties prenantes en vue d’un consensus politique sur le calendrier électoral. La délégation devrait également travailler à faciliter un dialogue entre les acteurs politiques dans une dynamique de consolidation des acquis démocratiques.

Car, et c’est connu de tous, Umaro Sissoco Embaló, dont le mandat constitutionnel tire à sa fin, cristallise l’attention de la classe politique et risque de créer des troubles dans le pays. Alors que son pouvoir est arrivé à échéance depuis, le 27 février 2025, le Président Embaló, a unilatéralement fixé la date des prochaines élections au 30 novembre prochain. Ce qui n’est pas du goût de l’opposition politique du pays qui projette déjà des manifestations sur toute l’étendue du territoire nationale. Déjà, l’opposition, emmenée par l’ex-Premier ministre, Domingos Simoes Pereira, n’a pas tardé à appeler à paralyser le pays. Mais, à la vérité, c’est l’attitude du Président Embaló qui surprend d’autant qu’elle contribuera à fragiliser davantage cette institution, critiquée pour diverses raisons. Ce que l’on peut dire, est que Umaro Sissoco Embaló donne ainsi un autre revers pour la CEDEAO, victime, disons-le, de ses propres compromissions. Bien plus, selon de nombreux analystes, c’est un véritable camouflet qui vient remettre au goût du jour la question de sa crédibilité et de son efficacité à atteindre ses objectifs initiaux. Et, sans aucunes prétentions, elle donne raison à ceux qui pensent qu’elle n’est ni plus ni moins qu’une organisation discréditée, incohérente de par ses décisions de deux poids deux mesures. Sinon, comment comprendre que M. Embaló, qui a dirigé la présidence de la Commission de l’institution, du 3 juillet 2022 au 24 février 2024 et ayant été aux avant-postes des mises en garde contre d’autres pays dans la sous-région en vienne à rejeter, aux yeux de tous, une mission de l’institution qu’il a lui-même dirigée. Autant dire qu’il est toujours plus facile de prendre des décisions quand cela concerne les autres. De ce qui précède, l’on se demande comment la CEDEAO, victime de ses propres contradictions parviendra à entendre raison au régime de Bissau qui semble déterminé à assouvir ses ambitions politiques démesurées.

Soumaïla BONKOUNGOU

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