Claire Ouédraogo Rouamba, présidente de l’Association Song-Taaba des femmes unies pour le développement : « Nous nous battons pour le développement socioéconomique de la femme »

Présidente de l’Association Song-Taaba des femmes unies pour le développement (ASFUD), coordonnatrice nationale du ‘’Mouvement Je m’engage’’ et apicultrice, Claire Ouédraogo Rouamba vient de remporter le 1er prix de la IIIe édition du prix Francophone pour l’égalité des genres à Lomé au Togo. Dans cet entretien accordé à Sidwaya, elle parle de cette distinction et de son engagement dans le milieu associatif dans la région du Centre.

Sidwaya (S.) : Tu es une héroïne du développement des femmes et des jeunes filles en milieu rural surtout dans la région du Centre. Comment est née cette passion pour la vie associative ?

Claire Ouedraogo Rouamba (C.O.R) : Mon engagement est né dans un village appelé Songpèlsé, situé dans la commune rurale de Tanghin-Dassouri où des femmes ont voulu trouver de l’eau. A l’époque le problème d’eau était très crucial. Nous nous sommes mises en groupement en créant le Groupement villageois féminin Song-Taaba de Songpèlsé (GVFS/S) qui est devenu l’Association Song-Taaba des femmes unies pour le développement (ASFUD). En trois ans de combat, nous avons eu un château d’eau. Cela m’a permis d’être invitée au premier forum alternatif de l’eau qui s’est tenu à Genève en Suisse en 2004. Actuellement, nous avons trois châteaux d’eau, une dizaine de forages, des puits à grand diamètre pour vraiment soulager les femmes. Personnellement, le problème d’eau a joué sur ma scolarité. Je parcourais au moins dix kilomètres par jour pour aller chercher de l’eau avant d’aller à l’école. C’était dans un village à l’ouest du Burkina appelé Poura. Cela m’a poussée à faire en sorte que les jeunes filles puissent aller à l’école et que les femmes soient soulagées concernant les corvées d’eau. Qu’elles puissent faire autres choses que passer toute une journée à chercher de l’eau. J’ai 27 ans de vie associative. A l’ASFUD, notre mission est de libérer les femmes de leurs chaines. Qu’elles puissent être des actrices de développement. Nous nous battons pour le développement socioéconomique et culturel de la femme et de la jeune fille.

S : Ce combat de l’ASFUD s’étend aussi à la promotion de l’éducation ?

C.O.R : Je n’ai pas eu la chance de continuer les études. Mon frère qui payait ma scolarité est malheureusement décédé. Donc je n’ai pas pu suivre les études comme il le fallait. Lorsque nous avons eu l’eau, nous avons demandé à l’ONG Nouvelle planète qui a mis en place le centre artisanal et la miellerie, de construire les premières écoles. La coopération suisse a également construit des salles de classe. L’association des Amis de Songpèlsé en Suisse et la fondation Solstice nous accompagnent aussi dans le parrainage des élèves. Nous avons environ 200 élèves de la région du Centre qui sont parrainés.

S : L’ASFUD se bat pour apporter le développement en milieu rural. Est-ce que cet engagement des femmes est-il accompagné par leurs hommes ?

C.O.R : Au début, c’était difficile. Prenons l’exemple de l’apiculture, lorsque j’ai voulu mettre les ruches, on dit qu’une femme ne fait pas de l’apiculture chez nous. On m’a fait comprendre que si je mets les ruches sur les arbres, ils ne produiront plus de fruits. J’ai résisté et j’ai mis en place une coopérative qui regroupe aujourd’hui cinq villages. Je travaille avec beaucoup d’hommes. On ne peut pas promouvoir le développement sans les hommes. Nous devons travailler avec les hommes. Nous sommes une association féminine mais nous avons des hommes qui sont membres de l’ASFUD. Grâce à un partenaire, à savoir la Journée mondiale de la prière des femmes (JMPF), nous travaillons avec une cinquantaine d’hommes dans le domaine de la maraicherculture. Ils travaillent avec leurs épouses qui sont aussi membres de l’ASFUD. Au regard de nos acquis, les hommes arrivent à dépasser les pesanteurs socioculturelles. Ils sont conscients du soutien de leurs femmes avec les activités économiques. Ce sont les femmes qui paient la scolarité des enfants. Beaucoup de nos membres ont des enfants à l’université grâce aux Activités génératrices de revenus (AGR). Leurs maris sont fiers d’elles.

S : Lors du Forum International Francophone 2023 de XOESE, tenu du 27 au 30 novembre 2023 à Lomé au Togo, vous avez remporté le 1er prix de la IIIe édition du Prix francophone pour l’Egalité des genres’’. Selon vous, qu’est-ce qui vous a permis de gagner ?

C.O.R : Cela fait cinq ans de partenariat avec le Fonds pour les femmes francophones. Ce sont neuf projets financés à hauteur de plus de 40 millions de F CFA, 400 bénéficiaires directs et 2 000 bénéficiaires indirects. C’est un parcours avec de bons projets qui a contribué à impacter la vie des bénéficiaires. Le fonds veut aussi montrer le travail des militantes, les encourager à faire plus. En remportant le 1er prix de la IIIe édition du Prix francophone pour l’Egalité des genres’’, c’est le Burkina Faso qui a été honoré. Le prix est composé d’un trophée et d’une somme d’argent. Je remercie la présidente du fonds Madame Massa Almeida.

S : Quels sont les projets qui ont été mis en œuvre en collaboration avec le Fonds pour les femmes francophones ?

C.O.R. : Nous avons le projet autonomisation des femmes, la participation citoyenne des femmes à la bonne gouvernance, le projet d’autonomisation des jeunes filles. Il y a aussi féminisme en action qui a permis d’outiller 24 organisations sur le marketing digital en leur dotant de téléphones et en leur apprenant à vendre sur les réseaux sociaux. Cela a aidé à relancer les activités économiques de ces femmes qui sont dans le domaine de la transformation. Cela a aussi permis à notre coopération d’avoir des partenaires dans la sous-région pour vendre notre miel. Je n’oublie pas le ‘’Mouvement Je m’engage’’, réalisé dans le cadre du forum génération égalité qui s’est tenu en 2021.Nous avons battu une campagne pendant 50 jours et fait des plaidoyers auprès des autorités. Nous avons plaidé pour la prise en compte de lignes budgétaires dans les communes pour appuyer les femmes rurales qui sont dans la transformation, la production et leur insertion dans les sphères de décision.

S : Que signifie ce prix pour vous ?

C.O.R : C’est une invite à aller encore plus loin.Ca va nous galvaniser davantage. Ce prix est dédié à toutes les femmes du Burkina Faso qui malgré la situation sont toujours debout. Lorsqu’on travaille et que le mérite est reconnu, cela fait chaud au cœur.

Alassane KERE

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