Commémoration du 3 Janvier-1966 : l’UAS évalue la contribution du mouvement syndical à l’ancrage de la démocratie

Le mercredi 3 janvier 2024 à Ouagadougou, l’Unité d’action syndicale a commémoré le soulèvement du 3 janvier 1966. Le baptême des trois grandes salles de la Bourse du travail de Ouagadougou et un panel sur la contribution du mouvement syndical à l’ancrage de la démocratie au Burkina Faso ont été les moments forts de la célébration.

Le mouvement syndical a énormément contribué à l’ancrage de la démocratie au Burkina Faso. C’est ce qui ressort du panel organisé par l’Unité d’action syndicale, hier mercredi 3 janvier 2024 à Ouagadougou, à l’occasion de la commémoration du soulèvement populaire du 3-Janvier 1966. Le thème du panel a porté sur « La contribution du mouvement syndical à l’ancrage de la démocratie au Burkina Faso » et a été présenté par deux panélistes. Le premier panéliste, Dominique Yaméogo, a présenté « Les luttes syndicales pour l’ancrage de la démocratie : exemples et acquis ». Le second panéliste, Norbert Ouangré a, quant à lui, abordé «Les défis actuels des luttes syndicales dans un contexte de lutte contre les groupes armés terroristes ». Dans sa communication, Dominique Yaméogo a d’emblée indiqué que le mouvement syndical de 1960 à nos jours a joué sa partition pour plus de démocratie et de liberté au Burkina Faso.

Pour étayer ses propos, il s’est appesanti sur quelques moments historiques du Burkina Faso et du mouvement syndicat. D’abord en 1966, le conférencier a expliqué que le président Maurice Yaméogo voulait instaurer un parti unique et caporaliser les syndicats. «Face à cette volonté de museler les partis politiques et les syndicats, greffée aux questions liées au pouvoir d’achat des ménages et des atteintes aux libertés, la réaction des travailleurs a été immédiate à travers la contribution du mouvement syndical à l’avènement du soulèvement du 3 janvier 1966 », a-t-il déclaré. Le général Sangoulé Lamizana va succéder à Maurice Yaméogo pour une transition de courte durée. Mais selon le panéliste, le général va manœuvrer pour se maintenir au pouvoir. Il va ainsi demander à ses compatriotes de faire des sacrifices. « Les travailleurs ont accepté de consentir à l’Impôt unique sur les traitements et les salaires (IUTS). Mais l’IUTS devrait être conjoncturel pour faire face à la situation du moment mais il s’est par la suite imposé à l’ensemble des travailleurs jusqu’à nos jours », a-t-il relevé. En sus, le 8 février 1974, selon le panéliste, le président Lamizana a opéré un « coup d’Etat de palais ». « Au lieu de la révolution, il a préféré la rénovation et a voulu aussi instaurer un parti unique, le Mouvement national pour le renouveau. Cette situation a conduit le mouvement syndical a organisé la grande grève historique des 17 et 18 décembre 1975 qui a paralysé entièrement le pays et permis d’aller vers le multipartisme », a soutenu Dominique Yaméogo. Le conférencier a en outre signifié que tous les différents pouvoirs qui se sont succédé au Burkina ont voulu verrouiller les libertés démocratiques. « En novembre 1980, le Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN) a opéré un putsch. Durant cette période, des syndicalistes ont été déportés à Dori », a estimé le conférencier.

La contribution dans la lutte contre le terrorisme

Les participants ont suivi avec intérêt les deux sous-thèmes.

Pour lui, l’objectif visé était de les punir car la localité était considérée comme un calvaire. Au lieu d’un redressement, d’autres militaires dont les meneurs sont entre autres le commandant Jean-Baptiste Ouédraogo et le capitaine Thomas Sankara ont, à leur tour, fait un putsch avec le Comité du salut du peuple (CSP). Le CSP1 a évolué de 1982 à mai 1983. Sous le CSP2, le capitaine Thomas Sankara a été arrêté jusqu’au 4 aout 1984. Cette date marque un véritable putsch baptisé « révolution », a précisé le conférencier. Sous le Conseil national de la Révolution (CNR), le mouvement syndical a produit une déclaration en janvier 1985 pour dénoncer les atteintes aux libertés.

Ce qui a suscité le courroux du CNR et une terreur s’est abattue sur les leaders syndicaux, selon Dominique Yaméogo. Par la suite, des contradictions internes au sein du CNR vont conduire au drame d’octobre 1987 et le capitaine Blaise Compaoré va s’emparer du pouvoir et dit être venu pour un redressement. Mais cela n’a pas été le cas et le mouvement syndical va encore connaitre des déboires bien qu’il ait contribué à écrire la Constitution du 2 juin 1991 pour plus de liberté. « Le pouvoir de Blaise Compaoré a voulu verrouiller la Constitution et c’est cela qui nous a conduits à l’insurrection d’octobre 2014 », a soutenu M. Yaméogo. Concernant la situation actuelle, le conférencier a déploré que des membres d’organisations de la société civile s’opposent aux manifestations des syndicats alors que ces derniers manifestent nuit et jour. Il a relevé que cette politique de deux poids deux mesures n’est pas acceptable avant d’inviter ceux qui estiment que le mouvement syndical n’a pas beaucoup contribué dans la lutte contre le terrorisme à revisiter l’histoire. « Le mouvement syndical a sensibilisé, formé et interpellé les autorités pour que l’armée soit mieux formée et équipée. Très peu de salariés s’enrôlent dans les groupes terroristes au Burkina Faso, cela est dû au travail d’éducation depuis plusieurs années du mouvement syndical », a-t-il souligné.

Les défis du moment

Le second panéliste, Norbert Ouangré, a abondé dans le même sens que le premier panéliste en donnant des exemples de contribution du mouvement syndical dans la lutte contre le terrorisme avant d’aborder les défis actuels des luttes syndicales dans un contexte de lutte contre les groupes armés terroristes. M. Ouangré a indiqué que dès le 17 janvier 2016, l’Unité d’action syndicale, dans une déclaration, a attiré l’attention des autorités sur la menace de la crise dans la bande sahélienne. Quid des défis ? Le communicateur a relevé la question de l’insécurité, les graves atteintes aux libertés comme l’interdiction de manifester, les réquisitions arbitraires et les enlèvements.

Il a par ailleurs évoqué d’autres préoccupations relatives au code du travail révisé qui tarde à être adopté alors que le patronat et les syndicats se sont entendus sur certains points, les engagements pris par le gouvernement avec le FMI dans le cadre d’un accord de prêt, toute chose qui peut avoir des répercussions néfastes sur les conditions de vie des travailleurs et la révision « illégale » de la Constitution. Face à ces défis, M. Ouangré a lancé un appel aux responsables syndicaux, aux militants et aux travailleurs à surmonter la peur qui est réelle aujourd’hui pour dynamiser leurs structures respectives et renforcer le mouvement syndicat pour plus d’acquis démocratiques. Avant la tenue du panel, les responsables syndicaux ont baptisé les trois grandes salles de la Bourse du travail de Ouagadougou. Elles ont été respectivement baptisées « Salle du 3 janvier 1966 », « Salle des 17 et 18 décembre 1975 » et « Salle du 16 septembre 2015 ».

Abdoulaye BALBONE

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