Le Mali et la Côte d’Ivoire sont à couteaux tirés. Si les relations entre les deux pays ne sont pas au beau fixe, depuis l’arrivée au pouvoir de la junte militaire au Mali, elles se sont totalement dégradées avec l’incident du 10 juillet 2022. Ce jour-là, 49 éléments des forces spéciales ivoiriennes, venus pour relever un détachement chargé d’appuyer le contingent allemand de la Mission onusienne de maintien de la paix au Mali (MINUSMA), ont été arrêtés à l’aéroport international de Bamako.
Motif invoqué par les autorités maliennes pour justifier cette arrestation, les soldats concernés sont des mercenaires. Elles disent ignorer tout de leur présence sur leur territoire. Des mercenaires à la solde de qui et à quelle fin ? La réponse à cette question donne lieu à toutes les spéculations, même si au palais de Koulouba, le colonel Assimi Goita et ses hommes y voient une volonté du président, Alassane Ouattara, de déstabiliser leur régime. En réaction, le gouvernement ivoirien a indiqué avoir préparé l’arrivée du contingent incriminé dans les règles de l’art.
En connaissance de cause, Abidjan a demandé la libération « sans délai » des soldats ivoiriens « injustement arrêtés » en territoire malien. En clair, l’exécutif ivoirien ne se sent coupable de rien. Aussi a-t-il rappelé que sept contingents ivoiriens se sont succédé à l’aéroport de Bamako depuis la signature, en juillet 2019, d’une convention avec les Nations unies, sans qu’il y ait eu des soucis pareils. Mais comment une simple relève de soldats au profit de la MINUSMA a-t-elle pu tourner à l’incident diplomatique ?
Il est difficile de se prononcer, tant nos Etats sont rodés en matière de participation à des missions de maintien de la paix. Ni la Côte d’Ivoire ni le Mali ne sont novices dans le domaine, à moins de tabler sur d’autres raisons. Pour certains observateurs, le colonel Goita cherche des poux sur des crânes rasés, pour ne pas dire qu’il veut en découdre avec les autorités ivoiriennes, en particulier le président Ouattara. Les deux personnalités, à en croire certaines indiscrétions, ne s’apprécient pas.
Cette inimitié a été sans doute renforcée par les sanctions économiques et financières imposées par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) au Mali, avec la bénédiction du président Ouattara. Ces sanctions aux lourdes conséquences ont été levées, le 3 juillet dernier, mais le colonel Goita et son entourage semblent garder une dent contre le chef de l’Etat ivoirien. Ce qui pourrait expliquer cet incident. Qui veut tuer son chien l’accuse de rage, dit-on.
Peu importe les raisons, l’Afrique de l’Ouest est confrontée à d’énormes défis, avec en tête la lutte contre le terrorisme, que ses dirigeants ne devraient pas consacrer leurs énergies à des querelles inutiles. Au-delà de leurs modestes personnes et intérêts égoïstes, ils doivent trouver les voies et moyens pour contrer l’hydre terroriste qui gagne du terrain. En plus du Mali, du Niger et du Burkina où la situation est très préoccupante, les groupes armés ont étendu leurs actions aux pays côtiers.
La Côte d’Ivoire en a déjà été victime, tout comme le Togo et le Bénin. L’heure n’est donc pas aux bagarres inutiles ou aux projets de déstabilisation, si cela est avéré, mais à la conjugaison des efforts pour combattre un ennemi commun qui menace la stabilité de l’Afrique de l’Ouest. On n’a pas besoin de faire un dessin, pour signifier cela à nos chers gouvernants. L’heure est grave…
Kader Patrick KARANTAO