Côte d’Ivoire : une occasion à saisir

Le président Koudou Laurent Gbagbo et son acolyte, Charles Blé Goudé, définitivement acquittés le 31 mars 2021 par la Cour pénale internationale (CPI), vont pouvoir rentrer en Côte d’Ivoire. Mieux, le premier sus-cité va bénéficier du statut d’ancien chef d’Etat. L’assurance a été donnée hier par le président ivoirien Alassane Ouattara. Ainsi, déjà engagées dans la réconciliation, les autorités d’Abidjan ne devront pas se faire prier en saisissant le retour annoncé des deux leaders pour donner du tonus au processus.

A ce propos, les ennemis d’hier, autant que faire se peut, devront bannir les velléités revanchardes et autres attitudes bellicistes, si tant est qu’ils veulent d’une Côte d’Ivoire débarrassée, ad vitam aeternam, de ses vieux démons. Et, c’est ce sur quoi le nouveau gouvernement de Patrick Achi doit s’atteler, au plus vite. Mais, c’est la conduite des uns et des autres, avec en prime les ex-pensionnaires de la CPI, qui sera déterminante dans l’atteinte de cet objectif. Par-delà tous, osons espérer que le retour de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé dans leur pays insuffle une dynamique nouvelle en lui redonnant son lustre d’antan pour le bonheur du peuple ivoirien.

En attendant de regagner leur mère-patrie, le Woody de Mama et l’ex-dirigeant « charismatique » des Jeunes patriotes peuvent se délecter cette victoire devant cette juridiction internationale. Après l’euphorie manifestée par leurs partisans et autres élucubrations tous azimuts consécutives à ce verdict des juges de la CPI, il sied de se pencher sur les tenants et aboutissants de leur libération.

Faut-il en rire ou en pleurer ? Se demandent certains. De toute évidence, la mise en liberté des deux leaders de la scène politique ivoirienne ne manquera pas d’influer la politique du pays dans bien d’aspects. Bien de leçons, en effet, sont à tirer et on s’interroge déjà sur ce qui pourrait advenir dès qu’ils retrouveront les siens. Avec ce verdict, on peut déjà penser que les responsabilités, dans le conflit fratricide qui s’est soldé par de nombreux morts, demeurent clairement à être situées. Or, des ayants-droit de victimes attendaient que jaillisse « toute la vérité », à l’issue du procès.

Car, toute proportion gardée, le moins que l’on puisse dire, est que la mise en liberté des deux figures du landernau politique ivoirien passe pour certains, comme la fin de tout espoir de justice pour les victimes de la guerre civile qui a fait trois mille morts, selon les Nations unies. Fin de la justice, puisque personne n’a été punie pour les crimes de guerre perpétrés pendant les cinq mois qu’a duré ce conflit armé, excepté quelques-unes qui ont été condamnées par la justice ivoirienne dont d’autres ont même déjà bénéficié d’amnistie.
Face à ce constat, faut-il encore mourir pour un politicien, est-on tenté de s’interroger ? Autant dire, s’il est encore nécessaire de le dire, que la guerre n’aurait jamais dû avoir lieu. Il aurait fallu s’asseoir et discuter. L’essence même de la démocratie étant les compromis et les accords, soient-ils fugaces.

En désespoir de cause, l’acquittement de Laurent Gbagbo et de son colistier, Blé Goudé peut être saisi par les dirigeants actuels pour en faire le socle d’une véritable réconciliation nationale. Mais sauront-ils y parvenir ? Rien n’est moins sûr. Autant d’autres questions taraudent les esprits et l’on est enclin à se les poser pour qui connaît bien les soubresauts de la politique au bord de la lagune Ebrié. Faut-il le rappeler, des dissensions ont éclaté après la réélection contestée du président Alassane Ouattara pour son troisième mandat, avec des rancunes toujours tenaces, malheureusement. Cela dit, la libération de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, devrait être une aubaine pour les Ivoiriens, sans distinction aucune, pour faire une introspection et savoir que tout n’est que vanité dans les démocraties en construction en Afrique.

En effet, face à des dirigeants mus par une appétence immodérée du pouvoir, au grand dam des démocrates, il est indiqué que quelle que soit la conviction politique, il est bon de savoir raison garder, en ne privilégiant que l’intérêt général, la cohésion et la paix des cœurs. La notion de démocratie semble, à la vérité, un leurre pour bien de leaders politiques. Par voie de conséquence, dans la course au pouvoir sous nos tropiques, tous les moyens sont bons pour y parvenir, narguant les pauvres populations qui n’attendent pourtant que de meilleures conditions d’existence.

Soumaïla BONKOUNGOU

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