Génération «moto moto», avenir au poteau !

La police a saisi une soixantaine de motocyclettes appartenant aux enfants cascadeurs de la cité de toutes les libertés. C’est bien, mais pourvu que de telles opérations se répètent pour nous permettre de vivre en paix. Pourvu que certains parents n’usent pas de leurs relations pour soustraire l’engin du bambin gâté. Une telle opération devait aller au-delà de la simple amende à la privation temporaire de liberté, mais nous sommes en démocratie. Selon des sources dignes de foi, le même jour de l’opération, des parents ont appelé qui de droit pour demander de libérer la moto confisquée de leur pourriture. On peut citer des noms, mais cette chronique n’est pas un pamphlet au rabais, écrite pour calomnier. A entendre ces indiscrétions, on peut secouer la tête et cultiver tranquillement son pessimisme quant à l’éveil des consciences.

Quand le poisson pourrit par la tête, à quoi sert la queue ? Il y a même des voix qui se sont élevées pour saluer la passion de ces enfants et encourager leurs funestes acrobaties. Il paraît qu’il y a un terrain à la sortie de la ville dédiée à ces gymnastiques mécaniques, mais en vérité, ces acrobates ne veulent pas s’offrir en spectacle hors de la ville ; ce ne sont pas des sportifs amateurs de motos ; ce sont de morveux snobs qui se croient tout permis et imbus de leurs turpitudes ostentatoires. Combien sont morts de leur belle mort ? Combien ont endeuillé des familles par leur exubérance suicidaire ? Combien ont été condamnés à la hauteur de leur forfait ? Pendant que les âmes sensibles se lèvent pour s’incliner devant le cortège funèbre qui passe, eux, ils soulèvent la moto pour rencontrer la douleur de la famille éplorée. Pendant que les vaillants fils de la Nation tombent sur le champ de bataille sous les balles assassines de l’extrémisme, eux ils déversent leur adrénaline sur le champ de la bêtise. Vous voyez, c’est ça la vraie démocratie ! C’est ça la liberté ! Mais m… à la démocratie des acrobaties à péripéties burlesques. M.. à la liberté mal délimitée qui verse dans la perversité. Et c’est avec ça qu’on veut bâtir un Burkina meilleur. C’est avec une telle jeunesse de l’insouciance que nous comptons relever les défis de demain. A bien réfléchir la nuit, très souvent, on ne veut même plus se réveiller le lendemain.

A bien faire un tour d’horizon de la vie de cette nation, on a la nostalgie de l’ère de la vraie intégrité. Après la grande traversée, nous peinons à tenir la dragée haute. Quand la relève est un mauvais élève sans rêve, quelle trêve faut-il espérer pour ceux qui crèvent sous le poids des âges ? Quand la jeunesse devient la belle excuse qui accuse et récuse sans la moindre ruse, qui peut donner sa place à quelqu’un qui s’amuse ? Pendant la campagne électorale, on leur distribuera des motos à cascader pour gagner comme au loto. Pendant la campagne, on organisera des tournois pour les «épanouir» le temps d’un match en attendant les tirs au but aux urnes. On ne peut pas respecter un jeune qui, subitement, soulève la roue de sa moto en pleine circulation. On n’a aucun égard pour un jeune qui passe son temps à surfer sur les réseaux sociaux, à «liker» tout et rien et à télécharger les clips de l’année, réalisés par le meilleur qu’il n’est pas. On ne peut pas confier des responsabilités à une jeunesse qui a fait de sa paresse une opportunité au service de la bassesse. On ne fait pas confiance à un jeune qui marche en cloche-pied, froc baissé, sans ceinture, le slip dehors comme dans un «bon» clip. On ne peut pas se fier à un jeune qui marche et roule en vitesse, les écouteurs enfouis dans les oreilles, pendant que les boussoles de la patrie peinent à montrer le nord avec honneur et fierté. Nous sommes en danger quand nous ne pouvons pas compter sur nos enfants. Nous sommes dans le désarroi quand la courroie de transmission nous lâche en pleine montée. Cette jeunesse qui ne lit plus dans un bon livre sait retenir par cœur des pages de textes des tubes de la saison.

Cette jeunesse qui se moque du journal de 20h et ignore l’histoire du Burkina sait tout raconter sur la vie d’Arafat Dj, de Dadju ou des Kardashians. Comment voulez-vous qu’elle aime son pays si elle ne l’a jamais connu ? Comment voulez-vous qu’elle sache que son pays a failli ne plus exister dès le 5 septembre 1932 ? Et que sait-elle du 4 septembre 1947 dans la vie de son pays ? Pourquoi voulez-vous qu’elle défende sa patrie par son attitude et son comportement ; par son attachement et son engagement ? Et comment voulons-nous qu’elle soit un exemple si nous n’en sommes pas un à ses yeux ? Combien se posent ces questions et combien les posent vraiment à la jeunesse plutôt que de lui tendre un billet de 2000 francs, un T-shirt froissé à l’effigie de l’éphémère héros d’un temps ? Combien sommes-nous à dire la vérité qui blesse à la jeunesse qui nous guérira du stress demain ? Répondez bon sang !

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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