Les principaux syndicats de travailleurs nigérians, le Nigeria Labour Congress (NLC) et le Trade Union Congress (TUC) sont sur les nerfs. Après plusieurs manifestations pour dénoncer des réformes économiques rendant la vie plus corsée aux populations, ces organisations sont revenues à la charge, en appelant à une grève générale illimitée, depuis le lundi 3 juin 2024. Les travailleurs de plusieurs secteurs (ferroviaire, santé, bancaire, éducation, électricité, aviation, construction…) ont répondu à l’appel des syndicats, vent debout contre la suppression de la subvention du carburant et du contrôle des devises par le président Bola Ahmed Tinubu.
A peine entamé, ce mouvement d’humeur a engendré, entre autres désagréments, des coupures de courant, des perturbations du trafic aérien et la fermeture des écoles. Les mesures décriées, notent les protestataires, ont entraîné une hausse vertigineuse du prix de l’essence et une augmentation du coût de la vie. La chute du naira par rapport au dollar justifie en partie cette situation.
En un an, le taux d’inflation est passé à 33,6%, selon les données de la Banque centrale nigériane, à telle enseigne que les Nigérians tirent le diable par la queue. Le coût du transport s’est envolé, les prix de produits de première nécessité aussi. Les tarifs de l’électricité ont aussi connu une hausse qui passe mal dans l’opinion. Ils sont nombreux, les Nigérians, à rationner leur alimentation ou à ne pas pouvoir manger à leur faim.
En connaissance de cause, les syndicats exigent une augmentation du salaire mensuel minimum actuel de 30 000 nairas (20 dollars) à 500 000 nairas (336 dollars). S’il rejette cette proposition qui va occasionner une hausse de la masse salariale, le gouvernement nigérian s’est engagé à faire une concession à l’issue de la première journée de grève illimitée. Aussi l’exécutif a-t-il promis de doubler le salaire minimum pour le porter à 60 000 nairas (environ 40 euros).
Comme quoi, le mouvement d’humeur des syndicats a commencé à porter ses fruits, même s’ils sont loin d’être satisfaits. S’ils ont pris acte de cette concession, les syndicats entendent poursuivre leur grève, le temps de consulter leurs bases pour voir la suite à donner. Etant sur le grill, le président Tinubu a intérêt à ménager son peuple dans un contexte de cherté de la vie, en ne rajoutant pas avec des mesures compliquées. La grogne que vit le pays n’est pas à son honneur et il doit œuvrer à apaiser les cœurs.
Dans l’esprit de nombre de Nigérians, le chef de l’Etat, lui-même fortuné, travaille à favoriser les riches, plutôt que d’aider les pauvres populations à vivre décemment. Ne trainant déjà pas une bonne image, eu égard à sa gouvernance marquée par la corruption et les abus quand il était gouverneur de l’Etat du Lagos, le président Tinubu joue gros avec cette fronde. Sa gouvernance économique n’est pas de nature à redorer son blason. Il doit travailler à soulager ses compatriotes qui attendent beaucoup de son régime.
Kader Patrick KARANTAO