Je lis, donc je suis !

Dis-moi combien de livres lis-tu par mois ou par an et je dirai quel niveau de culture tu as ! Cette affirmation peut paraître pompeuse, voire arrogante. Mais la vérité est là ! Nous ne lisons plus comme au bon vieux temps ; nous ne cherchons plus à savoir juste pour le Savoir. La lecture est devenue une corvée pour certains et ceux qui s’y complaisent se comptent sur les bouts des doigts. A l’heure du presque Tout numérique, le livre est devenu un objet d’ornement en agonie dans les rayons poussiéreux des bibliothèques. Malgré la reconversion du livre physique en document virtuel sur la toile, certains ont un poil dans la main au point de ne pouvoir tenir un livre. Ils préfèrent se gratter dans le sens du poil sur des sites à poils plutôt que de s’aventurer dans l’univers livresque et pittoresque de la connaissance cachée. A l’heure du Tout numérique nous sommes devenus des locuteurs d’un langage binaire où l’on part de zéro à un sans verbe, sans tête ni queue. Sans rien comprendre du puzzle, on surf au-dessus des vagues de l’Internet sans saisir le moindre sens qui couve au fond. La technologie a ravi au livre d’antan ce que celui-ci avait de tentant, de vivant et d’édifiant.
Il faut connaître la ration de lecture quotidienne des vrais grands hommes pour savoir que lire c’est se polir ; lire c’est apprendre à s’élever au-dessus de la mêlée inculte au cerveau de veau. Regardez autour de vous, les plus grands leaders des domaines les plus convoités sont de grands lecteurs. On ne comprend pas sans avoir lu ; on n’écrit pas bien sans avoir lu ; on ne parle pas avec éloquence et conviction sans avoir lu; on ne domine rien ni personne sans avoir parcouru les pages de ceux qui se sont surpassés pour dépasser le temps et trépasser sans passer. On ne dirige pas si on ne lit pas suffisamment sur soi et les autres, sur l’étant et le néant. Voilà pourquoi, ils exhiberont tout dans les livres pour mieux les cacher aux profanes au regard diaphane. Ils nous donneront des bouquins qui nous scellent le destin avec à la fin la clé du même destin, mais à dessein nous ne les ouvrirons même pas. Nous les classerons ostentatoirement au-dessus de nos têtes dans l’armoire vitrée pour nous vanter d’avoir tout lu. On peut être documenté sans avoir consulté !
Au-dessus du lit des vrais grands hommes, il y a toujours un livre de chevet qui rivalise d’utilité avec l’oreiller qui endort. Dans la tête des vrais grands hommes, il y a toujours une citation d’un auteur de renom qui sert de boussole. Dans la conduite des vrais grands hommes, il y a une rigueur qui donne du sens à chacun de leurs pas. Dans les propos des vrais grands hommes, il y a comme un livre qui se laisse feuilleter ; il y a des phrases cousues à la perfection sur un ton à propos et à tout propos. Malheureusement, de nos jours le grand homme n’a rien lu ; on lit pour lui. Le grand homme est inculte et à force de brandir sa propre effigie, il finit par verser dans le culte d’une personnalité impersonnelle et anonyme. Seuls les tonneaux vides en action font du boucan. La connaissance est l’antidote de l’arrogance, la potasse qui fait tasser la suffisance sans se lasser de se bonifier. C’est dommage que l’artiste fou ne soit pas écouté, que l’écrivain écrive en vain sans être lu, que le peintre sale ne soit vu pour être contemplé. C’est regrettable que nos enfants grandissent sans savoir tenir un livre à l’endroit ; sans pouvoir décrypter le moindre signe ; sans savoir écouter avec la tête. C’est triste que nous ne sachions plus lire entre les lignes.
Notre vie entière est devenue un grand écran ambulant qui se pavane sur fonds de clics et de bips. Notre niveau de connaissances n’est plus à l’aune du nombre de livres lus mais plutôt au nombre d’amis sur Facebook. Notre niveau de culture est une poussée d’adrénaline et d’histoires coquines dictée par la berceuse anodine. On préfèrera les télénovelas qui lassent l’intellect au journal qui traine sur le plancher ou à la littérature qui construit sans ratures. On se passera les clips les plus chauds sans s’échanger les romans, les nouvelles et les poèmes les plus prisés. On enjambera le chef-d’œuvre écrit en lettres d’or pour offrir à sa « pourriture » le superflu téléphone dernier cri. Le cadeau d’anniversaire de la petite « gâtée » sera une mini-jupe et un haut sauté comme une aile plutôt qu’un livre de poche en roc. Les rats de bibliothèques sont en extinction ; de la maternelle à l’université, le livre fait partie des vestiges de l’ère de la connaissance révolue et emmurée au musée. Même publié en ligne, le livre peine à être le point de mire d’une génération qui s’admire et se mire pour mourir de rire : « lol, mdr ! ». Victor Hugo ne nous prévenait-il pas : « l’esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui a faim ». Je lis, donc je suis !

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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