L’acidocétose diabétique est une complication métabolique aiguë du diabète caractérisée par une hyperglycémie, une hypercétonémie et une acidose métabolique. Le Dr Marie-Madeleine Rouamba, médecin interniste au CHU de Bogodogo donne des éclairages sur la maladie.
Sidwaya (S) : Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l’acidocétose
diabétique et pourquoi elle constitue une urgence médicale ?
Marie-Madelaine Rouamba (M.M.R.) : L’acidocétose diabétique est une complication aiguë du diabète. Elle survient lorsque le corps manque totalement ou partiellement d’insuline. En l’absence d’insuline, le glucose, qui est normalement utilisé comme source d’énergie par les cellules ne peut plus pénétrer dans celles-ci. Il s’accumule donc dans le sang. Face à ce dysfonctionnement, le corps utilise les graisses pour produire l’énergie nécessaire à son fonctionnement. Ce processus produit des substances appelées corps cétoniques, qui sont toxiques. L’accumulation excessive de ces corps cétoniques est responsable de l’augmentation de l’acidité du sang appelée acidocétose diabétique. C’est une véritable urgence médicale, car si elle n’est pas prise en charge précocement et efficacement, elle peut conduire au coma, voire à la mort.
S : Quels sont les principaux signes cliniques qui peuvent orienter vers
le diagnostic d’une acidocétose
diabétique ?
M.M.R : Les signes classiques du diabète, notamment une soif intense, des urines abondantes et fréquentes, une augmentation de l’appétit contrastant avec une perte de poids rapide, une fatigue extrême et une déshydratation, sont souvent présents mais accentués. Les signes typiques à l’acidocétose sont : une respiration rapide et profonde (respiration de Kussmaul) ; une haleine fruitée, caractéristique, due à la présence de corps cétoniques dans l’air expiré ; des nausées, vomissements et douleurs abdominales à type de crampes ; des troubles de la conscience : confusion, agitation, somnolence, voire coma dans les cas graves. Lorsque ces signes apparaissent chez une personne diabétique connue, le diagnostic est fortement suspecté. Chez un patient non encore diagnostiqué, il faut mesurer rapidement la glycémie pour confirmer.
S : Quelles sont les causes les plus fréquentes de l’acidocétose diabétique ?
M.M.R : L’acidocétose diabétique survient le plus souvent lorsqu’un diabète est mal équilibré, notamment en cas de non-respect des règles d’hygiène de vie ou d’un traitement mal suivi. L’oubli de l’insuline, particulièrement chez les patients atteints de diabète de type 1, constitue une cause fréquente, une seule dose oubliée pouvant suffire à déclencher la complication. Les infections (urinaires, pneumonies,) sont des facteurs importants, surtout chez les personnes immunodéprimées dont les diabétiques et les personnes âgées. Par ailleurs, certaines maladies graves ou situations stressantes telles que les Accidents vasculaires cérébraux (AVC) ou un infarctus du myocarde (crises cardiaques) peuvent provoquer un déséquilibre du diabète et une acidocétose. Enfin, la prise de certains médicaments comme les corticoïdes, souvent utilisés de façon inappropriée pour se dépigmenter la peau, peut aggraver un diabète existant ou même en induire favorisant ainsi une acidocétose. Il est donc crucial de mettre en place un suivi plus fréquent pour tout traitement, à base de corticoïdes en accord avec le médecin traitant.
S : Comment se fait la prise en charge d’un patient en acidocétose diabétique ?
M.M.R : La première étape consiste en l’hospitalisation et la réhydratation du patient, car il est généralement très déshydraté en raison de la polyurie (urines abondantes). Les solutés recommandés sont le Sérum salé isotonique 9% et le Ringer lactate. Ensuite, l’insuline rapide est administrée en intraveineuse pour baisser la glycémie qui atteint souvent 20 voire 30 mmol/L (la normale étant comprise entre 4 et 6,1 mmol/L). Enfin, il faut traiter la cause sous-jacente de la décompensation, telle qu’une infection, par des antibiotiques adaptés par voie intraveineuse, ou encore une autre pathologie (AVC, infarctus…). Il est très important que les patients signalent leur statut de diabétique lorsqu’ils arrivent aux urgences ou dans un autre service médical, afin d’éviter l’administration inappropriée de certains traitements, comme le sérum glucosé.
S : Quelle est l’importance de l’éducation thérapeutique dans la prévention des récidives d’acidocétose ?
M.M.R : Elle est fondamentale. De plus en plus, nous avons sur le terrain des animateurs et animatrices de santé qui mènent des campagnes de sensibilisation et d’éducation des malades et de leurs accompagnateurs auprès des patients dans les structures de santé et autres. Cette éducation thérapeutique permet aux malades de comprendre les causes, les signes d’alerte et les complications du diabète. Elle les aide aussi à adopter de bonnes pratiques d’hygiène de vie et à respecter leur traitement et le suivi médical. Elle favorise l’autonomie du patient dans la gestion de sa maladie et réduit les risques de récidive.
S : Avez-vous constaté une évolution dans la prise en charge de ces complications ces dernières années ?
M.M.R : Oui, absolument. Grâce aux nombreuses campagnes de sensibilisation, tant dans les médias que sur le terrain, on observe une meilleure compréhension de la maladie par les patients. Beaucoup consultent plus tôt et respectent mieux leur traitement. Cela a permis de réduire significativement la fréquence des complications graves comme l’acidocétose diabétique. Il y a 20 ans de cela la situation n’était pas similaire.
S : Quel message souhaitez-vous adresser aux personnes vivant avec le diabète ?
M.M.R : Je leur dirais que le diabète est une maladie chronique, certes incurable, mais qu’on peut l’équilibrer. Pour cela, il faut impérativement suivre régulièrement les consultations médicales ; respecter les règles d’hygiène de vie (alimentation, activité physique) ; suivre rigoureusement son traitement ; surveiller sa glycémie de façon régulière et lutter contre les autres facteurs de risque. Le bon équilibre du diabète permet de vivre longtemps et en bonne santé, en évitant les complications graves comme l’acidocétose.
Interview réalisée par Wamini Micheline OUEDRAOGO