A l’occasion de la 21e édition de la Semaine nationale de la culture (SNC), le Président de la Transition, le capitaine Ibrahim Traoré, a accordé une interview à nos confrères de la RTB, le vendredi 26 avril 2024, dans la cité de Sya. Plus d’une heure durant, le chef de l’Etat a abordé, sans langue de bois, la conduite de la Transition, les questions de la culture, la sécurité, l’économie, l’agriculture, des infrastructures routières et la diplomatie. Sidwaya vous propose l’interview en intégralité.
Monsieur le Président, sous votre magistère, nous avons assisté à la relance de la Semaine nationale de la culture (SNC) en 2023. L’édition 2024 s’ouvre samedi 27 avril. Peut-on dire que vous êtes un adepte de la culture ?
Bien sûr. Nous sommes très heureux d’être à Bobo-Dioulasso encore une fois de plus, pour cet événement majeur qui est très important pour nous. Comme vous l’avez signifié, la culture c’est l’âme du peuple. Donc, c’est notre âme. Et je pense qu’en créant la SNC en 1983, le Président Sankara avait une grande longueur d’avance sur le temps. Aujourd’hui, nous sommes très heureux de donner une place prépondérante à la culture dans nos actions. Parce que vous l’aurez remarqué que lorsque certains cherchent à coloniser des peuples, la première des choses à faire, c’est de tout faire pour qu’ils abandonnent leur culture. Et donc, aujourd’hui nous sommes en train de redonner une place importante à la culture pour que notre peuple puisse vivre. Parce que pour nous la culture, c’est tout ce qui fait de nous des Burkinabè. La crise sécuritaire impacte sérieusement les secteurs de la culture, de l’hôtellerie et du tourisme. Qu’est-ce que votre gouvernement a fait dans ce sens pour donner de la valeur à ces différents secteurs ? Effectivement, la crise sécuritaire avait d’abord fait que la SNC ne pouvait pas se tenir. L’année passée, nous avons donc pu relever le défi. Ce qui a fait que certains lieux d’hôtellerie ont pu accueillir du monde et nous continuons dans ce sens. C’est un secteur qui a été beaucoup fragilisé par cette crise sécuritaire. Mais nous avons beaucoup de choses en perspective pour pouvoir redémarrer l’hôtellerie et le tourisme, surtout. Je pense que si vous suivez les décisions que l’on prend en conseil des ministres, nous faisons tout pour réorganiser carrément le secteur du tourisme, de la culture. Le ministère a assez bien bossé pendant tout ce temps. Nous avons pu adopter tous les textes à cet effet. Et là maintenant, ils sont en train de lancer les activités à travers plusieurs journées qui doivent permettre aux Burkinabè de visiter certains sites.
Ils vont donc participer à la vie des différents hôtels qui doivent accueillir ces Burkinabè. Dans votre vision pour le Burkina, quelle place occupe la culture ?
La culture occupe une place très importante pour mon gouvernement. Lorsqu’on prend les valeurs de cohésion sociale, nous aimons à le dire que c’est à travers la culture que nous pouvons cultiver cette cohésion sociale. Voilà aujourd’hui, les artistes vont quitter de partout, du sud au Sahel, de l’est à l’ouest, pour se retrouver et communier. Ce sera l’occasion pour la plupart d’entre eux, de voir comment les autres vivent, quelles sont leurs valeurs à partager. Deuxième chose, nous avons beaucoup de valeurs telles que la solidarité, etc. Le patriotisme même se trouve dans la culture. Le conseil des ministres du 6 mars dernier a institué le 15 mai de chaque année comme Journée des cultures et traditions.
Quelle est la pertinence de cette journée qui fait couler beaucoup d’encre et de salive ?
Il y a beaucoup d’objectifs derrière cette décision. Premièrement, il faut repartir aux sources parce que, comme diraient certains, nous ne sommes pas tombés du ciel. Il y a beaucoup de confessions religieuses au Burkina Faso. Il y en a qui sont de confession chrétienne, que ce soit catholique ou protestante. Il y a la confession musulmane. Mais, il y en a aussi qui ont la confession d’adorer les ancêtres. Donc, il n’y a pas d’athée au Burkina. Cela, je ne le pense pas. Tout le monde croit en Dieu d’une manière ou d’une autre. Donc, c’est une occasion aussi de donner aux traditionalistes de pouvoir fêter, s’exprimer, être en contact direct avec les ancêtres et pouvoir prier pour le Burkina Faso.
Donc, il y a beaucoup d’objectifs derrière cette décision. Mais, nous pensons que c’est une très bonne chose qui doit permettre aux Burkinabè de connaître leur tradition, leur culture et de cultiver les bonnes valeurs. Mais pourquoi le 15 mai ?
Y a-t-il une symbolique concernant cette date ? Il n’y a pas de symbolique particulière. Culturellement et dans tous les groupes ethniques, avant le début de la saison des pluies, les gens font des rites pour prier Dieu et les ancêtres afin de les aider à avoir une bonne saison pluvieuse. A la fin de la saison aussi, il y a des rites pour remercier Dieu et les ancêtres pour avoir donné une bonne saison pluvieuse, d’avoir permis de cultiver et de bien récolter. Donc, nous avons proposé ces dates aux traditionalistes qui ont réfléchi. A l’unanimité, ils se sont mis d’accord sur la date du 15 mai qui consacre le début de la saison des pluies.
Est-ce que cette journée des coutumes et des traditions est une sorte de réparation pour mettre les religions dites révélées au même niveau que les religions traditionnelles ?
Quelque part, cela fait partie des objectifs de cette décision. Parce que toutes les autres confessions ont des journées dédiées. Chez les catholiques et les musulmans, il y a plusieurs fêtes fériées. Donc, c’était pour que les gens puissent communier et avoir une date pour fêter aussi.
Qu’est-ce que vous attendiez concrètement des Burkinabè par rapport à cette journée du 15 mai ?
Il s’agit pour nous de donner un espace, prendre une journée pour marquer une halte, afin que les Burkinabè puissent repartir vers les fondamentaux, prier les ancêtres, prier Dieu à travers les ancêtres pour qu’ensemble, nous puissions avoir cette harmonie que nous cherchons. C’est cela le plus important parce qu’à travers ces journées, je pense qu’on peut mieux se rapprocher. C’est l’objectif recherché pour que les gens puissent vraiment communier. Certains y voient une journée chômée et payée de plus.
Qu’est-ce que vous en dites ?
Oui. C’est vrai, il y a beaucoup de journées chômées et payées au Burkina. C’est un sujet qui est en discussion en conseil des ministres. Nous allons proposer bientôt une formule pour diminuer le nombre de journées chômées et payées. Je ne vais pas devancer la chose, mais la proposition sera faite à l’Assemblée législative de Transition. En plus de la SNC, il y a le mois du patrimoine burkinabè qui se tient du 18 avril au 18 mai de cette année. Finalement, est-ce que cet ensemble d’événements culturels est un moyen pour per
mettre aux Burkinabè de s’intéresser à nouveau à leurs valeurs culturelles ?
Oui. C’est très important. Il y a certaines sociétés qui se sont développées en se basant sur leur culture parce qu’il y a beaucoup de richesses dans leur culture. La Chine et le Japon sont des exemples. C’est en se basant sur leur culture qu’ils arrivent à le faire. Beaucoup de gens ne connaissent pas notre patrimoine. Personnellement, j’ai découvert beaucoup de choses avec le ministre en charge de la culture, en conseil des ministres, lorsque nous préparions ces journées. Nous ne sommes pas venus du néant. Je me souviens, quand je visitais les forges. Cela existe toujours dans certaines contrées, où à travers la culture, les gens peuvent extraire un minerai ferralitique pour venir extraire le fer, faire de l’acier pour fabriquer tous les outils d’agriculture et autres. C’est le développement de la sidérurgie ainsi.
Est-ce que nous nous sommes basés sur les connaissances de nos ancêtres sur ce volet et développer notre industrie sidérurgique?
Je ne pense pas. Est-ce qu’il faut aller forcément apprendre la métallurgie chez les autres ? Mais nous avons déjà un fondement aussi. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Nous pouvons puiser beaucoup de choses dans notre culture que nos ancêtres faisaient déjà et développer notre société. Sous votre leadership, l’armée a acquis et continue d’acquérir des équipements et matériel de guerre de pointe.
Peut-on dire que nos forces combattantes sont maintenant équipées pour anéantir l’ennemi ?
Nous allons continuer à nous équiper. Nous ne sommes même pas à 15% de ce que nous souhaitons. Dans ce mois de mai, vous verrez beaucoup de choses qui seront là et cela va continuer. Parce que nous venons de très loin. Donc, il faut prévoir les choses de sorte que les générations à venir ne connaissent pas cette situation. J’ai eu à le dire le 17 février dernier, les gens ont peut-être maintenant compris comment l’impérialisme a préparé nos armées pour pouvoir maintenant envoyer le terrorisme, déstructurer nos Etats et nous exploiter. Je vous prends un exemple. En 2019, dans la zone de Pensa, Kelbo, Taouremba et autres, on déployait 300 à 350 militaires avec une centaine de kalachnikov, peut-être, une dizaine, une vingtaine de gilets. Ils sont là, beaucoup sont vivants. Lorsqu’ils sont attaqués, les 200 sont obligés de courir et cela fait que les militaires même avaient surnommé les terroristes les monos, c’est-à-dire les moniteurs. C’est comme à l’école où les moniteurs venaient à 5 heures vous réveiller pour faire le sport, courir. Donc quand ils venaient attaquer à 5 heures, c’était la course. Et lorsque vous perdez confiance comme cela, pour la reprendre, ce n’est pas évident. Donc l’équipement avait fait que l’armée avait perdu un peu la face. Vous voyez que les terroristes se plaisaient à filmer les militaires en train de courir. Ils partaient galvaniser leurs combattants avec, les recruter et les mettre moralement au top pour combattre. Aujourd’hui, nous voulons équiper l’armée pour que les soldats reprennent confiance en eux. Déjà avec le minimum que nous avons, vous voyez l’exploit qu’ils font. Ils n’ont pas peur d’aller vers l’ennemi. Cela veut dire que les soldats n’ont pas peur. Nous allons continuer de fournir des efforts pour mieux nous équiper et faire face. En plus des équipements et du matériel, beaucoup d’efforts sont également faits pour le recrutement des hommes pour combattre sur le terrain … Bien sûr. Cela va de pair.Vous avez remarqué que nous nous trompions énormément. Ce que nous constatons, ce n’est pas ce qu’on imaginait. Ils sont nombreux et aujourd’hui, il faut le reconnaître, il y a beaucoup qui viennent de l’étranger pour combattre au Burkina dans les rangs des terroristes, donc des mercenaires.
Il faut qu’on recrute conséquemment pour mailler notre territoire aussi. Vous êtes dans une dynamique de réorganisation de l’armée. A quel stade en êtes-vous avec cette réorganisation ?
La première phase, c’était la mise en place des unités organiques combattantes, les Bataillons d’intervention rapide (BIR). Parce que lorsque nous avons fait l’évaluation, il fallait ces genres de forces pour contenir la menace. Là-bas, nous pouvons dire Dieu merci. Nous avons fait un exploit au-delà de ce que nous imaginions. Nous avons pu former nous-mêmes ces BIR, les équiper entièrement grâce au peuple. Donc, c’est la première phase. Les autres phases sont en train de suivre actuellement. Parce que les phases de terrain et de réorganisation doivent se suivre. Donc, les forces seront bientôt relocalisées pour répondre à la situation présente. La réorganisation va se poursuivre. D’autres types d’unités vont se créer. Et dans le cadre de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) aussi, il y a des forces qui vont être mises en place pour répondre à ces besoins. Justement, vous étiez à Banfora. Vous avez dit aux forces combattantes de se préparer à la guerre de haute intensité.
Alors, faut-il s’attendre à d’autres réformes au sein des forces combattantes ?
Oui. Des réformes, nous pouvons le dire, c’est dans le centre de la réorganisation. Comme je l’ai dit là-bas, le terrorisme sera vaincu. Ces criminels qui se baladent à moto seront vaincus. Mais, il faut se préparer à d’autres types de guerre.Il y a la menace partout, que ce soit autour de nous, ou qui peut venir de loin. Dans ce cadre, c’est une guerre conventionnelle qui peut durer. Il faut se préparer à une guerre de haute intensité. Il faut pouvoir combattre dans le temps et tenir sur le terrain pendant très longtemps. C’est un autre mode de combat. Il faut se préparer à cela. Et les forces, les différents corps vont avoir un programme d’entraînement et commencer ces entraînements. Des résultats tangibles sont quotidiennement engrangés sur le terrain. Mais le phénomène du terrorisme semble avoir la peau dure dans certaines localités.
Comment peut-on expliquer cet état de fait ?
C’est le terrorisme, comme vous le dites. Après les combats, les gens se rendent compte qu’il y a beaucoup d’étrangers dans les rangs. Le Burkina, comme je le disais aux enfants, c’est le cœur. Donc, on cherche à broyer le cœur pour faire peur aux autres. Nous sommes ceux-là qui devons accueillir le maximum. Voilà pourquoi, nous nous préparons conséquemment. Ce n’est pas que c’est un phénomène nouveau. Nous nous attendons à cela et à pire que cela. Mais pour l’instant, je pense qu’on ne peut pas être en même temps partout. Comme vous l’avez remarqué, nous ne communiquons pas beaucoup sur certaines choses. Mais ce sera zone par zone. Il y a des zones où nous avons mis beaucoup d’efforts qui sont presque à 100% conquises. Il y a des zones aussi encore où nous sommes en train de remettre l’effort. C’est petit à petit. Nous allons reconquérir toutes les portions du territoire parce qu’en les regardant faire, il faut conquérir et savoir comment consolider. Beaucoup de Burkinabè ne comprennent pas pourquoi nous sommes équipés, nous avons des drones de dernière génération, mais le terrorisme persiste. Rien que ce 23 avril dernier, il y a eu des attaques. Comment est-ce qu’on peut expliquer cet état de fait ? Nous avons acquis beaucoup de moyens. C’est une chose. Les vecteurs aériens, nous avons pu réussir à former déjà la plupart des pilotes. Parce que nous avons anticipé leur formation avant d’acquérir les drones. Sinon, tout moyen que nous acquérons, il faut former ensuite. Donc, il y a un temps mort. Mais actuellement, avec les vecteurs aériens, nous avons cette chance d’avoir déjà des pilotes.
Ils sont en activité. Mais pourquoi, il y a des attaques souvent ?
Il faut reconnaître qu’il y a certaines positions où les chefs d’éléments ne sont toujours pas au sérieux. Ils ne sont pas concentrés. Et je disais la dernière fois, c’est comme l’effet de savoir qu’il y a quelque chose dans les airs, cela fait que certains ne sont pas concentrés. De toute façon, nous pourrons le développer en long et en large. Ce sont des moments où certains ont laissé de la fragilité et l’ennemi a observé et il frappe un coup qui peut être dur. Sinon, pendant que l’attaque du 23 avril se passait, une opération importante venait de finir dans la zone de Gayeri, Bogandé, où les bataillons ont fait du bon travail. Mais, c’est pendant cette phase que d’autres ont prêté le flanc. Ce n’est pas parce qu’il y a des drones dans l’air qu’il faut dormir. Ce que nous voulons, c’est que nous puissions être alertés. Parce qu’actuellement, en permanence, il y a des drones dans le ciel. Nous voulons juste que les positions puissent dire, nous les voyons venir. Et beaucoup arrivent à le faire. Vous avez suivi Djibo. Ce sont les observateurs qui ont vu venir l’ennemi et ont alerté le drone qui est venu participer au combat. Vous avez suivi Toéni, Gaoua … beaucoup de positions arrivent à le faire.
Mais, il y a certaines positions où, malheureusement, lorsque vous entendez qu’elles sont attaquées, nous sommes sous le feu. Comment est-ce que vous avez pu être surpris ?
Il y a un problème. Ce n’est pas parce qu’il y a des drones qu’ils n’ont plus de guetteurs. Ce sont des choses qu’il faut corriger et nous sommes en train de le faire. Cela entache la lutte et il faille le corriger. Il ne faut pas que les gens baissent la garde, croient que c’est fini. Il faut rester concentré. Est-ce que ces terroristes bénéficient de complicité interne? Bien sûr, beaucoup. Pour le cas du 23 avril par exemple, ceux-là qui ont été neutralisés, qui sont venus de l’étranger et qui partaient vers Mansila, sont passés par l’aéroport avec la complicité de quelqu’un. Parce qu’ils ont fourni tout le renseignement et les enquêtes ont démarré, rien qu’hier. Nous allons retrouver ces individus. Il y a des villages aussi qui sont complices, mais qui commencent à comprendre un peu un peu. Dans l’armée, il y a des complicités. Sans la complicité, c’est difficile que l’ennemi soit renseigné. Même dans nos villes, il y en a qui renseignent les terroristes sur tous les mouvements. Des complicités aussi concernant la velléité de déstabilisation de la Transition ? Oui. Mais cela est logique et sera permanent. Nous avons décidé de prendre nos responsabilités pour engager une lutte. Il va de soi que certains qui ont perdu leurs privilèges et leurs avantages se dressent contre nous. Maintenant, c’est à nous d’être vigilants. C’est ce qu’on fait. Ces velléités de déstabilisation sont courantes. Nous constatons également une certaine forme de campagnes de diabolisation des Forces de défense et de sécurité à travers la presse internationale, par exemple … C’est logique. Ces presses internationales se battent pour leur pays. Tout ce que les médias qu’on a fermés divulguent comme information, c’est pour les intérêts de leur pays. Ce qui nous écœure, c’est souvent même les presses locales qui relaient cela. C’est ce qui est dangereux. Est-ce que cela veut dire qu’ils n’ont pas l’intelligence de comprendre que ceux-là sont en train de travailler pour l’intérêt de leur pays et qu’ici, on se met à le faire. Les FDS sont en train de monter en puissance. Il y a beaucoup de victoires. Aujourd’hui, nous ne nous asseyons pas qu’on vienne nous attaquer. Nous sommes à l’offensive. L’armement que nous sommes en train d’acquérir et tous ces équipements ne leur plaisent pas parce que nous allons réussir à vaincre le terrorisme. Pourtant, ils ont créé cela pour continuer à exploiter nos Etats, nos ressources. Si vous avez une armée, ils ne peuvent pas se permettre certaines choses. C’est normal que leurs presses diabolisent, inventent des mensonges, racontent tout ce qu’elles veulent avec des complicités internes. Malheureusement, il y a des individus ici pour 2 000, 3 000 euros, ils sont prêts à écrire n’importe quoi pour l’envoyer là-bas, puis vendent leur patrie. Et ce sont ces gens aussi qu’on combat parce que ce sont des ennemis de la Nation. Il ne faut pas aussi que nos presses se prêtent à certains jeux.
Quelle est votre partition dans cette lutte ?
Eux, ils se battent pour les intérêts de leur pays. Pourquoi vous aussi, vous allez les suivre ? Même s’ils vous financent, ce n’est pas logique. Beaucoup de zones ont été reconquises grâce aux forces combattantes. Des PDI ont été réinstallées.
Aujourd’hui, est-ce qu’on a des statistiques sur les zones qui ont été réinstallées ?
Chaque semaine, le ministère de l’Action humanitaire publie des chiffres. Il nous les envoie à travers le CONASUR et en rapport aussi. Nous pouvons aussi constater que certains organismes qui refusaient de voir la situation évoluer, ont commencé à reconnaître effectivement qu’il y a du travail qui est fait. Beaucoup de villages ont rejoint et nous sommes en train de vouloir les accompagner pour qu’ils s’installent et puissent travailler efficacement. Les écoles aussi ont ouvert dans la plupart des cas. Beaucoup de routes qui n’étaient pas empruntables le sont aujourd’hui. Il y a une avancée significative. Mais, ce sont des choses sur lesquelles, personnellement, nous ne souhaitons pas communiquer d’abord parce que tout le pays n’est pas en sécurité. Et lorsque vous dites qu’ici, c’est stabilisé, d’autres là-bas vont dire mais pourquoi vous ne venez pas chez nous faire le même travail. Pourtant, c’est par étape en fonction de la complexité des terrains qu’on s’engage.
Des zones ont été reconquises certes, mais comment comptez-vous les consolider ?
C’est un peu secret. Je ne pourrai pas vous dire exactement ce qui est en train d’être fait. Mais il y a beaucoup de choses qui sont en train d’être faites sur le terrain. Dans la même lancée, nous avons exhorté les populations à participer activement à la défense. Parce que vous voyez, des gens partent souvent regarder la muraille de Chine, mais cela a été construit dans la guerre.
Pourquoi ici, on ne peut pas faire des obstacles pour empêcher l’ennemi de pénétrer dans nos villes, dans nos villages?
Donc, avec les chefs de circonscription administrative partout où je passe, je leur dis de mettre les populations au travail avec l’appui des FDS pour définir des périmètres que l’ennemi ne doit pas franchir. C’est à eux de créer les types d’obstacles qu’il faut, d’organiser le terrain et d’être aux aguets. Parce que ce sont des comportements que nous devons adopter, même si le terrorisme finit, nous devons nous mettre toujours en position de guerre pour toute éventualité. Les autres leviers de consolidation, je ne peux pas vous les détailler ici. Des officiers et sous-officiers de l’armée ont été radiés pour « faute lourde ». Peut-on savoir davantage sur ces fautes? Depuis un temps, il y a eu des cas. Lorsque vous êtes en guerre, un officier, on lui confie des hommes. La vie des hommes est entre ses mains. Vous devez les commander et prendre toutes les mesures pour qu’ils puissent combattre et vaincre. Il peut arriver que vous combattiez jusqu’à épuisement de vos moyens. Là, vous êtes mort en héros. Mais lorsque l’officier ne prend pas toutes les mesures pour que ces hommes puissent combattre, les hommes ne répondent pas d’eux-mêmes. Ils ont été formés pour exécuter des ordres. Je vais vous donner quelques exemples. Lorsqu’on a le renseignement de probables attaques, c’est diffusé. On peut avoir une zone, si on a plusieurs positions, on va leur dire qu’il est possible qu’il y ait des attaques. Nous serons à côté. Il y a les drones qui ne seront pas loin, en tout cas, équidistants des différentes positions. Mettez-vous en alerte. Cela veut dire qu’il faut guetter. Ce sont des cours que les officiers apprennent à l’école. Le poste d’observation, le poste de guet, tout le monde l’apprend. C’est toi qui dois placer tes hommes à une bonne distance de base pour t’alerter. L’ennemi pousse souvent ses motos, il ne va pas rouler. C’est rare qu’il roule pour venir. Donc, tu dois avoir un dispositif qui te permet de te renseigner. Et c’est à partir de ce moment que vous alertez à l’arrière. Aujourd’hui, toutes les positions ont au minimum deux moyens de communication, sinon trois. Et on a fait en sorte que toutes les positions soient en liaison directe avec le pilote des drones. Donc, ils n’ont pas besoin de passer par leur chef pour appeler les drones. Donc tout est réuni. Et autour, on a fait quand même une organisation du terrain pour permettre aux gens de combattre. On veut juste l’alerte. Si les guetteurs ont signalé cela, les avions vont intervenir. Et lorsque le renseignement est diffusé et qu’on prend souvent le soin d’envoyer des missions, pour aller voir les dispositifs, vous dire d’aménager cela, de faire ceci, d’organiser le terrain, vous ne faites rien. Tout officier fait le cours OTC (Organisation du terrain, camouflage). On vous alerte qu’il y a une attaque probable dans la zone, vous ne faites rien. Et subitement vous dites que vous êtes sous le feu.
Comment vous pouvez comprendre ?
Et regardez, depuis un bout de temps, c’est la journée.Djibo a été attaquée en pleine journée. Heureusement, ils ont vu venir. Nous avons pu intervenir à temps. Sollé, c’est la journée. On n’a pas été alerté pendant que le drone était à côté. Tankoualou, en pleine journée. Pas d’alerte. C’est le drone qui a vu lui-même. Taouri, en pleine journée. L’autre jour, le 23 avril dernier, à Sangha, c’était en pleine journée. Il y a des choses qui font mal. Donc quand les pilotes apprennent qu’ils sont à côté, à 15, 20 km, et on ne les alerte pas, peut-être qu’ils sont en train de chercher ailleurs, parce qu’ils ont beaucoup de positions en même temps, et vous vous faites surprendre en pleine journée.
Comment est-ce qu’on peut expliquer cela ?
C’est une faute grave. Vous avez sacrifié vos hommes. Un officier ne dort pas. Il se repose. Il n’a pas le droit de dormir. Et tout ce que vous commandez aux hommes de faire, ils vont le faire. Si les hommes n’exécutent pas, vous les punissez. Jusqu’à la radiation aussi. Donc, il y a des responsabilités, et c’est lourd. Et les gens doivent se réveiller. On a eu des cas où des gens signalent l’arrivée d’ennemis. Les drones arrivent et ils demandent c’est quel côté. On observe, on ne voit pas. Presque dans toutes les communes, il y a des pylônes. On dit aux gens même de monter là-bas et guetter de loin. Cela vous permet de voir en profondeur. Ils ne le font pas.
Le pilote demande est-ce que tu as mis quelqu’un dans l’antenne pour observer au loin pour nous guider ?
Il dit oui. Le pilote répond, vous mentez ? Je suis à votre vertical, il n’y a personne sur l’antenne. Il se rend compte maintenant que c’est la réalité. Mais vous mentez à qui ? Cela n’est pas un comportement d’officier. Nous avons connu beaucoup de ces cas. Nous ne pouvons pas être soucieux de la vie de vos hommes plus que vous-mêmes officier sur le terrain. Voilà pourquoi, l’année passée, en juillet, on avait dit que ceux qui voulaient quitter l’armée n’ont qu’à quitter. Il y a une note du ministère de la Défense. Si vous ne quittez pas, vous allez assumer si vous fautez. Et pour moi, c’est une trahison. Lorsqu’un officier ne fait pas travailler, ces hommes ne prennent pas toutes les mesures. Si vous prenez toutes les mesures et que vous combattez et qu’il y a des pertes, on peut comprendre. Lorsque les mesures ne sont pas prises, on va vous radier. Ce sera sans appel parce que vous n’allez pas sacrifier les enfants des gens inutilement.
Ces radiations n’ont-elles pas un impact sur la cohésion du groupe?
Et la mort des pauvres soldats ? Le soldat est fait pour exécuter. Et c’est à vous l’officier, de lui dire, va te poster ici. Tu observes et tu me rends compte. Et l’officier, à son poste, écoute en permanence. C’est à vous, officier, de dire le matin, faites des obstacles ici. Si vous ne commandez pas, le soldat meurt. Cela entache plus la cohésion. Il faut assumer. Et, c’est ce que nous avons reproché d’ailleurs aux gens dans le passé. Il faut être ferme souvent. La guerre ne se fait pas dans le laxisme parce que cela se paye cash. J’ai été sur le terrain. Les hommes qui ont été sur le terrain me connaissent. On peut me trouver dur là-bas, mais on s’entend très bien. On va combattre, mais on va revenir vivants. Il n’y a pas de cohésion dans cette hypocrisie. Non. On préfère que les hommes puissent combattre, venir raconter leur bataille.
C’est cela le plus important. Quelles sont les actions concrètes qui ont été entreprises depuis la création de l’AES pour combattre le terrorisme sur le terrain?
Il y a eu beaucoup d’actions concrètes et c’est très réjouissant ce qui se passe sur le terrain. C’est devenu les mêmes armées. Il y a beaucoup d’actions au point qu’on ne peut même pas finir de citer. L’armée sœur du Niger se retrouve à exécuter des missions de l’armée malienne ou de l’armée burkinabè. L’armée burkinabè exécute des missions de l’armée malienne et de l’armée nigérienne. L’armée malienne exécute des missions qu’on leur confie. Ça, ce n’est pas donné. Deuxième chose, la coopération sur le terrain. Les forces combattent ensemble très souvent. Nous réussissons cela, surtout dans la bande frontalière avec le Niger. Nos forces combattent côte à côte actuellement. Dans le domaine des appuis aériens, c’est fréquent. Lorsque nous avons beaucoup d’opérations et que nous sommes submergés, on peut faire appel aux vecteurs nigériens, maliens qui viennent nous appuyer. Lorsqu’ils ont besoin de nous, on va les appuyer. En termes de frontières, il n’y a pas de frontières actuellement. Les vecteurs burkinabè rentrent où ils veulent. S’ils sont en fin d’autonomie ou autres, ils peuvent passer la main aux vecteurs maliens ou nigériens. Pareillement, ils rentrent aussi sur notre sol, ils font la recherche. Vraiment, cela se passe très bien. Il y a beaucoup de choses qui se passent actuellement entre nos trois armées. L’objectif étant de créer dans un futur proche une brigade expéditionnaire pour le compte de l’AES, qui pourra faire des manœuvres en toute autonomie partout dans l’espace AES. Nous l’avons annoncé, mais maintenant le travail se fait pour faire germer la force. A chaque étape, on ne va pas forcément sortir dire que nous sommes à tels effectifs, mais chacun a reçu ses instructions et est en train de travailler à mettre en place ce qu’il doit mettre en place. Vous le saurez au moment venu. Est-ce que le pays aura les moyens financiers et matériels nécessaires pour mettre en place une telle force? C’est ce qu’on nous a toujours fait croire. Nous n’avons pas les moyens. Il faut aller chercher les moyens ailleurs.
Regardez aujourd’hui, ce que nous avons au Burkina. Quelqu’un nous a prêté un franc ?
Quelqu’un nous a donné quelque chose ? Mais, nous avons combien de bataillons équipés? En 2022, on avait combien de bataillons équipés ? On avait un bataillon opérationnel, parce qu’il y avait au moins quatre ou cinq compagnies opérationnelles qui étaient équipées, qui pouvaient sortir de façon autonome. C’est une réalité. En plus de cela, c’était l’effort spécial, l’UIGN peut-être qui avait les moyens d’être projetée en même temps. Le reste, ils n’ont pas les moyens. On s’assoit et lorsqu’il y a opération, il faut rassembler les données. Parce que c’est dur d’équiper, c’est compliqué. Ce n’est pas vrai. Si on gère bien, il y a la possibilité d’équiper. C’est tout cela qui nous a révolté. Mais on nous avait aussi mis des choses en tête, que c’est difficile d’acquérir l’armement, c’est cher. Nous avons pris notre courage à deux mains. Nous nous sommes mis face à la réalité. On nous a mis des bâtons dans les roues pour ne pas nous permettre de nous équiper. Mais aujourd’hui, nous avons plus d’une vingtaine de bataillons équipés qu’on peut projeter d’une minute à l’autre. Cela veut dire, lorsqu’on dit aux 20 bataillons de démarrer pour telle direction, ils n’ont pas besoin que quelqu’un vienne leur donner quelque chose, ils démarrent. Donc cette force, on peut l’équiper. Regardez les armées malienne et nigérienne. La dernière fois, vous voyez l’équipement du Niger qui passait par là pour rentrer au Niger.
Nous pouvons nous équiper. Nous n’avons pas besoin d’un appui. Aujourd’hui, quel bilan faites-vous de la guerre contre le terrorisme ?
Le bilan est long à faire. Je viens de vous expliquer d’où est-ce que nous venons. Je ne dirais pas de zéro. Mais en tout cas, il n’y avait pas quelque chose de substantiel pour faire la guerre. Aujourd’hui, nous pouvons contenir la menace. C’est une chose, l’armée a retrouvé plus ou moins sa capacité de combattre. Aucun soldat ne va aller aujourd’hui sur le front sans arme. Il ne va aller sans moyen de protection, sans gilet, sans casque, sans munitions, etc. Le maillage a changé et cela fait qu’on a occupé plus le terrain. Il y a beaucoup de zones où, on n’avait pas de présence de force, où il y a aujourd’hui de la présence. Et cela fait que dès qu’il y a notre présence, les populations aussi rejoignent. C’est une avancée majeure. Et maintenant, la réorganisation de l’armée pour l’adapter aux réalités actuelles, c’est aussi une avancée majeure. C’est tout cela qui permet d’avoir des résultats sur le terrain. Mais on n’a pas peut-être le temps de détailler point par point au risque de revenir sur des choses qu’on avait déjà dites. Il y a beaucoup quand même de choses qui sont faites. Nous sommes en guerre, mais il faut préparer également l’après-guerre. Comment comptez-vous réorganiser l’armée après la guerre ? Dès qu’on est en guerre, c’est pour préparer l’après-guerre aussi. L’armée doit participer, pour nous, activement à la vie de la Nation. Rien qu’aujourd’hui (26 avril 2024, ndlr), en conseil des ministres, nous avons parlé d’un certain nombre de domaines où l’armée doit intervenir. Il faut que l’armée puisse occuper un rang de sorte que la crise que nous avons connue ne puisse pas revenir à l’avenir. Et on ne peut pas avoir ces prédispositions sans donner une place à l’armée. Donc, en termes de maillage, de présence dans certaines structures stratégiques, l’armée sera importante. C’est-à-dire notamment là où il y a beaucoup de personnel d’une certaine qualité pour les renseignements. Dans la vie active du pays, notamment l’agriculture, nous avons commencé à préparer le terrain aussi. Actuellement, dans beaucoup de casernes, on a fait des forages à gros débit. On veut initier les militaires à la production, à l’élevage et l’agriculture. Et cela a déjà commencé avec l’initiative présidentielle. Donc, il y a plusieurs casernes… Suite Sidwaya du 29-04-2024