Dans l’après-midi du lundi 21 avril 2025, le cardinal Philippe Ouédraogo s’est prononcé sur le décès du pape François au sanctuaire Notre Dame de Yagma, situé à la périphérie Nord de la capitale Ouagadougou. Le cardinal Ouédraogo a invité tous les chrétiens de l’Eglise famille de Dieu à prier pour le repos de son âme.
Comment avez-vous appris la nouvelle du décès du pape François ?
En ce lundi de Pâques, 21 avril 2025, nous nous sommes réveillés avec une très triste nouvelle, à savoir le départ du Saint Père François vers la demeure du Père éternel. Ce qui arrive à tous les Hommes arrive au grand. Il ne fait pas exception. Il a répondu donc à l’appel du Seigneur après 88 ans de vie et 12 ans de vie comme pape pontificale. Alors la nouvelle a été annoncée à Rome ce matin par le camerlingue, un cardinal choisi par le pape pour la gouvernance de la chambre apostolique, donc la maison pontificale du Vatican, en cas de vacances de siège. L’actuel camerlingue est un Américain, le cardinal Kevin Farrell. Il est le préfet du dicastère, de la Santé et de la Famille, etc. Il lui revient donc de gouverner l’Eglise, en lieu et place du Saint Père pendant toute la durée de la vacance. Il lui reviendra également d’annoncer l’élection du futur pape. Avec le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat, ils ont procédé à l’annonce officielle du décès, de l’appel à Dieu de notre Saint Père, le pape François. Grande fût la surprise. Oui et non. Parce que, comme vous le savez, il est resté plus de quatre semaines à l’hôpital Gemelli, à Rome, en soins. Il venait juste de quitter l’hôpital et commençait à reprendre petit à petit ses activités au niveau du Vatican. Hier, c’était la fête du Pape. Il a essayé de donner un message. Il a délégué quelqu’un pour livrer son message et il a donné la bénédiction Urbi et Orbi à Rome et pour le monde entier. Nous sommes donc plein de compassion pour ce départ. C’est un membre de la famille, pas n’importe quel membre de la famille chrétienne. Il est le successeur de Pierre, il est établi pour conforter ses frères dans la foi. Donc toute la famille ecclésiale est en deuil. Au-delà de l’Eglise, il y a des hommes et des femmes de bonne volonté qui sont touchés par ce décès en raison de l’impact qu’il a eu dans l’Eglise et dans le monde. Nous sommes plein de compassion et nous invitons tous les chrétiens à continuer de prier avec confiance pour que le Seigneur l’accueille auprès de lui pour toujours, dans sa paix et dans sa lumière éternelle.
Quel héritage le pape François laisse-t-il ?
Il est extrêmement difficile de décrire la vie d’un pape. Toutefois, disons simplement en synthèse qu’il a été un serviteur de Jésus, un serviteur de l’Eglise et un serviteur du monde. Dans l’Eglise, comme l’a souligné fortement le conseiller du Vatican II, l’autorité n’est rien d’autre qu’un service. Dans la vie humaine et sociale, toute autorité n’est rien d’autre qu’un service. Et à sa manière, le pape a essayé de s’acquitter dignement de cette tâche combien noble et très délicate. L’Eglise résume en général la tâche d’un pape ou des évêques, des prêtres sous trois aspects. C’est ce qu’on appelle la triple Humus, triple fonction de gouvernement, de sanctification et d’enseignement. Il a essayé à sa manière d’être fidèle à l’Evangile, à Jésus-Christ, mais dans un monde très complexe, où la contestation se fait présente même au sein de l’Eglise, même de ses premiers collaborateurs. Cela est très normal. Cela me fait penser à un proverbe de la Savane qui dit que « nul ne peut être sel dans la bouche de tout le monde ». On ne peut pas plaire à tout le monde. L’essentiel, c’est d’être fidèle à ses objectifs, à sa vocation et de s’acquitter au mieux, selon sa conscience, à cette tâche reçue du Seigneur. Il est le 266e pape après Saint Pierre. Le pape François est le successeur de Pierre, établi pour conforter ses frères et sœurs dans la foi. Donc il est pape de l’Eglise et au terme de la législation internationale, le Saint Siège est aussi un Etat. Quand le pape voyage, il est reçu dans les pays en tant que chef spirituel et aussi en tant que chef d’Etat. Je pense que l’Eglise et le monde entier sont concernés par ce départ. Il reste quand-même une grande figure de notre humanité. Il a aimé l’Eglise et son Seigneur Jésus. Il s’est dévoué corps et âme pour la cause de l’Evangile, notamment la cause des pauvres, des plus pauvres, des émigrés, des laissés-pour-compte. C’est vraiment la suite de Jésus, un bon et fidèle serviteur. Et, il a voyagé à travers le monde, pas autant que le Pape Jean-Paul II, mais il en a fait pas mal. Et l’Eglise d’Afrique a également bénéficié de sa sollicitude par des voyages qu’il a pu réaliser en Afrique centrale, en Egypte. Récemment au Burkina Faso, a l’occasion de la célébration des 125 ans de notre évangélisation, il a envoyé le numéro 2 du Vatican, le secrétaire d’Etat, le cardinal Pietro Parolin, qui est venu rester quatre journées entières au Burkina Faso et qui a présidé les célébrations des 125 ans d’évangélisation dans notre pays. A cette occasion, il a rencontré les officiels, les autorités étatiques, les différentes structures sociales, dans le sens du dialogue inter-religieux … C’était un voyage vraiment bénéfique, tant au niveau de l’Eglise catholique qu’au niveau de la société africaine. Pour tout cela, nous rendons grâce à Dieu et nous adressons un hommage bien mérité à ce pape venu d’Argentine pour le service de l’Eglise universelle. Il s’est acquitté, autant que faire se peut, d’une tâche combien délicate et très noble. Et, nous le portons dans notre prière. Un cri du cœur, c’est qu’ensemble nous prions pour lui, pour que son maître, qu’il a aimé et servi, puisse l’accueillir auprès de lui pour toujours, dans sa paix et dans sa lumière éternelle.
Quel lien affectif vous lie au pape quand on sait que vous avez été créé cardinal par lui ?
Il a remplacé le pape Benoît XVI, qui a démissionné pour une question de santé. Il a été élu en octobre 2013. Et l’année suivante, en février 2014, il a créé ses premiers cardinaux. Il y avait une vingtaine de cardinaux venus du monde entier, même de la périphérie, même du Burkina. Alors, je faisais partie de ces 20 cardinaux, premiers cardinaux du pape François. Grande était ma surprise. J’étais d’ailleurs à Yagma ici, avec mes catéchistes, en retraite. Et je leur ai demandé congé pour retourner à l’archevêché et rentrer à Bobo-Dioulasso avec l’archevêque de Niamey, pour la réunion de la conférence épiscopale Burkina-Niger. Un journaliste m’appelle pour me féliciter. J’ai dit, ‘’mais vous vous êtes trompé d’adresse, Monsieur. Moi, je m’appelle Philippe Ouédraogo, archevêque de Ouagadougou, dans le Sahel’’. C’est en guise de référence à cette nomination du pape. Le pape nomme qui il veut, comme il veut. C’est vraiment de sa propre autorité qu’il crée les cardinaux. On peut se réjouir tout de même parce qu’il a essayé de tenir compte de l’universalité de cette Eglise catholique. Il a nommé un cardinal aux extrémités de la planète, qui n’avaient pas plus de 500 chrétiens. Donc tout cela est signe de sa sollicitude pour l’Eglise. Et l’Eglise d’Afrique lui doit énormément parce qu’il a été un père. Il a eu plusieurs fois des opportunités pour se manifester, pour manifester sa sollicitude au peuple africain et à l’Eglise famille de Dieu en Afrique.
Qu’en sera-t-il de sa succession ?
Le collège des cardinaux est composé d’environ 200 cardinaux. Nous avons déjà reçu une note ce matin (ndlr, 21 avril) du doyen du collège des cardinaux, Jean-Baptiste Ré. C’est un cardinal qui était préfet de la petite dicastère pour les évêques et qui est à la retraite. C’est lui le doyen de tous les cardinaux du monde entier. Il a lancé un appel et une convocation pour une réunion qui devrait se tenir demain matin à 9h dans la salle du Synode. J’attends simplement les indications que la nonciature voudra bien me transmettre pour rejoindre les cardinaux, qui sont tous conviés pour les obsèques du Saint Père. Les précisions ne sont pas encore données. Probablement qu’à la rencontre de demain matin, tout sera clair. Nous nous retrouverons tous pour les obsèques. Après les obsèques, sans tarder, on entre en conclave. Ce sont les cardinaux électeurs, tous les cardinaux qui n’ont pas au-delà de 80 ans et disponibles pour y participer. A l’heure actuelle, on estime à 130 ou 140, le nombre de cardinaux électeurs. Votre serviteur est encore cardinal électeur jusqu’à décembre prochain, où je devrais me déconnecter de toutes les structures du Saint Siège. Une fois que nous sommes en conclave, tant qu’on ne finit pas, nous ne sortons pas de cette salle. En tous les cas, c’est pour dire qu’il faut que les cardinaux se libèrent de toute influence extérieure pour un travail d’Eglise sous la guidance de l’Esprit Saint. C’est vraiment un temps fort pour l’Eglise et ce n’est pas qu’une œuvre humaine. Au-delà des hommes, il y a l’Esprit Saint qui est à l’œuvre. Et nous sommes sûrs que l’Esprit Saint assistera son Eglise pour qu’elle ne faille jamais. Alors, accompagnez tous les cardinaux de vos prières afin qu’ils puissent être dociles à l’action, au souffle de l’Esprit Saint pour trouver un pasteur selon le cœur de Dieu, un pape pour un nouveau départ pour l’Eglise famille de Dieu, au niveau universel. Je recommande simplement aux uns et aux autres de prier pour notre Saint Père, le pape François. Deuxièmement, de prier pour l’Eglise famille de Dieu, qui attend un nouveau pasteur, un successeur de Pierre. Par la miséricorde de Dieu, que le Seigneur accueille auprès de lui pour toujours, dans sa paix, dans sa lumière, son serviteur fidèle, notre Saint Père le pape François.
Propos retranscris par la Rédaction