Médecin italien originaire de l’île de Lampedusa, Pietro Bartolo consacre sa vie, depuis plus d’une vingtaine d’années, à sauver les migrants et réfugiés qui échouent sur l’île à bord de leurs embarcations de fortune. Dans son livre, Les larmes de sel, coécrit avec Lidia Tilotta, ce “héros” de l’humanitaire mêle son propre récit de vie à ceux des migrants qu’il sauve au prix de mille et un sacrifices.
Il est des hommes dont la vie n’a de sens que si elle est mise au service des autres. Pietro Bartolo est de ceux-là. Médecin italien originaire de l’île de Lampedusa, il incarne à lui, tout seul, l’espoir d’une humanité en perdition. Depuis plus de vingt ans, Pietro Bartolo n’a qu’une obsession : sauver les migrants et réfugiés qui risquent tout pour atteindre l’Europe et espérer des lendemains meilleurs. Dans leurs périples, la plupart échouent sur l’île de Lampedusa, à bout de souffle. Fils d’un pêcheur et membre d’une fratrie de sept enfants, Pietro Bartolo est éduqué à servir ses semblables. Après de brillantes études de médecine, il retourne travailler sur son île natale avec son épouse Rita, médecin elle aussi. Dans son ouvrage, Les larmes de sel, coécrit avec Lidia Tilotta, il livre un témoignage glaçant sur le drame que vivent ces hommes et femmes, quelquefois accompagnés de leurs enfants, qui ont tout abandonné derrière eux pour prendre la mer et essayer d’atteindre l’Europe, l’eldorado qui se barricade derrière des forteresses. Mêlant son propre parcours aux aventures de milliers de gens qu’il considère, tout en les sauvant, comme des
« compagnons d’humanité », Pietro Bartolo lève le voile sur une triste réalité de notre époque : le péril migratoire.
Le poids d’une tragédie
Des hommes ayant perdu tout espoir dans leur pays à cause des guerres et des conflits liés au terrorisme se jettent sur les routes impitoyables de l’aventure où ils sont à la merci des passeurs sans foi ni loi. Le médecin de Lampedusa assiste chaque jour à l’arrivée massive à Lampedusa de migrants qui arrivent de l’Afrique, de la Syrie ou de pays asiatiques comme le Bangladesh.
Quand ce ne sont pas des corps que la mer rejette sur la plage, ce sont des hommes presque mourants qui sont recueillis sur le quai Favaloro par le médecin et ses hommes. Dans ce livre de 235 pages, l’histoire tragique des migrants est livrée avec force détail. Les 26 chapitres sont chacune une page, du moins une plaie ouverte sur la douleur humaine. Le chapitre 3 octobre 2013 relate, par exemple, le naufrage d’un navire transportant près de 500 migrants à quelques mètres du rivage. 368 corps sans vie sont repêchés et alignés sur le quai du port dans l’impuissance générale des sauveteurs et des habitants de l’île. Seule une cinquantaine de personnes seront sauvées de ce drame. Plus qu’un récit sur une « humanité échouée » et l’indifférence qui frappe le monde, “Les larmes de sel” est un hymne à l’espoir en dépit de toute adversité. Car, le monde regorgera toujours d’hommes et de femmes prêts à oublier leurs propres intérêts pour apporter un peu de réconfort à leurs semblables en détresse. C’est aussi le message que Pietro Bartolo partage dans son ouvrage qui se laisse lire agréablement. En 2016, l’engagement citoyen extraordinaire du médecin de Lampedusa est porté à l’écran par son compatriote Gianfranco Rosi. Le titre du film est Fuoccoammare, par-delà Lampedusa. Du médecin, le réalisateur dira ceci : « L’humanité de Pietro Bartolo a la capacité de vous faire comprendre le poids de la tragédie ainsi que la nécessité de venir en aide aux autres, et de les accueillir».
Karim BADOLO