Lutte contre le terrorisme: le Code pénal adapté au contexte

Les députés ont adopté, au cours de la plénière du vendredi 21 juin 2019, le projet de loi portant modification du Code pénal. Cette révision a pour objectif de prendre en compte de nouvelles infractions commises sur les réseaux sociaux dans le contexte de lutte contre le terrorisme.

Le gouvernement, dans le souci de préserver le moral des troupes engagées sur le terrain de la lutte contre le terrorisme ainsi que la dignité des victimes des attaques, vient de faire réviser le Code pénal. Le projet de loi y afférent a été adopté, le vendredi 21 juin 2019 par les députés avec 103 voix pour, 7 contre et 4 abstentions. Selon le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, René Bagoro, qui a défendu le projet, cette révision a pour objectif de prendre en compte de nouvelles infractions, notamment celles liées à l’utilisation des réseaux sociaux. «Elle va permettre de lutter contre la publication d’images d’attaques terroristes et de tout information qui est de nature à saper le moral des troupes sur les théâtres d’opérations contre le terrorisme ou pouvant compromettre le succès de certaines interventions des Forces de défense et de sécurités (FDS)», a-t-il déclaré à l’issue de la plénière. Les fausses informations communément appelées «fake news» sont également visées dans ce code. En somme, le nouveau texte va permettre de renforcer la lutte contre le grand banditisme, les moyens d’actions des FDS et de protéger la dignité et l’honneur des victimes des crimes barbares, foi du ministre Bagoro. Avant son adoption, le projet de loi a fait l’objet de débats houleux à l’hémicycle entre les députés de la majorité, favorables à la modification du Code pénal et ceux de l’opposition, qui dénoncent une atteinte à la liberté d’opinion. Le député Yahaya Zoungrana du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) a émis des inquiétudes relatives à l’atteinte à la liberté d’expression et de presse au Burkina Faso.

La réaction des journalistes

Un avis partagé par son collègue François Zylma Bacyé du groupe Paix justice et réconciliation nationale (PJRN), qui a demandé à savoir quelle autorité va délivrer l’autorisation préalable à la presse pour publication quand on sait que les attaques terroristes ne préviennent pas.
Prenant la parole par la suite, le représentant de l’exécutif, René Bagoro s’est expliqué devant les députés. Il a débuté son intervention par une citation selon laquelle «il faut vivre et ensuite philosopher», avant de poursuivre : «je voudrais au nom de nous tous qui avons la chance de discuter aujourd’hui, avoir une pensée pour les victimes des actes terroristes, civiles comme militaires qui ne peuvent plus philosopher comme nous». Concernant les supposées intentions de vouloir «museler» la presse, le ministre de la Justice a laissé entendre qu’il s’attendait à ce qu’elle se réjouisse de l’avènement de ce texte plutôt que de le dénoncer. «J’avais cru comprendre que la presse est pleine de professionnels, que par conséquent les journalistes ne posent pas des actes qui peuvent être visés dans ce code. C’est plutôt des citoyens n’ayant pas eu une formation professionnelle en journalisme et communication qui devraient être inquiétés», a-t-il regretté. S’agissant des associations professionnelles des médias, qui se plaignent de n’avoir pas été consultées pendant l’élaboration des textes, M. Bagoro a réagi en ces termes : «aucune disposition légale n’oblige le gouvernement à consulter des structures parce qu’elles sont concernées par une loi. Ce sont des règles de bonne gouvernance que nous essayons d’appliquer. Il n’est donc pas exact de dire que le texte n’a pas de consensus». En plus, a-t-il poursuivi, le code n’est pas une question de forme qui mérite une large ouverture aux acteurs mais un sujet de fond. «Le droit pénal tente de saisir les phénomènes sociaux à un moment donné pour voir leur dangerosité et essayer de les cadrer», a conclu le magistrat. De l’avis du ministre Bagoro, hormis les journalistes, le texte interdit aux FDS de se rendre sur les lieux d’opérations avec des appareils leur permettant de transmettre des informations. «Le ministère de la Défense nationale et des Anciens combattants prendra les mesures nécessaires pour que le respect de cette loi s’impose par l’absence de tels outils», a-t-il indiqué. Pour le président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé, les députés doivent rester au sein de l’hémicycle pour faire prévaloir leur position. Les parlementaires ont, par ailleurs, rendu hommage à Nadège Waré, volontaire de l’Assemblée nationale qui a trouvé la mort dans un accident de la circulation alors qu’elle se rendait à l’enterrement de sa grand-mère.

Beyon Romain NEBIE
nbeyonromain@yahoo.fr

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Quand l’opposition rend service à la majorité

Aucun projet de loi provenant du gouvernement depuis la première session ordinaire, qui a clôs ses travaux le 3 juin 2019, n’a divisé aussi profondément les députés que la révision du Code pénal. Avant même l’entame du débat général, les groupes parlementaires issus de l’opposition (UPC, CDP, PJRN) ont fait une déclaration commune. Par la voix de la députée Henriette Zoumbaré, ils demandaient au gouvernement le retrait pur et simple du projet de loi. Face aux critiques de leurs collègues de la majorité, certains d’entre eux ont quitté l’hémicycle, évoquant des «propos durs» à leur encontre. Malheureusement, par cette politique de la chaise vide, les représentants de l’opposition ont rendu service au pouvoir, puisque selon les textes, les intéressés sont considérés comme ayant voté pour.

B.R.N.

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