Mausolée Thomas-Sankara: la réconciliation avec l’histoire

17 mai 1983-17 mai 2025. Voilà 42 ans que la Résistance a abouti à la naissance d’un héros et d’un repère politique de l’histoire du Burkina Faso, ancienne Haute-Volta. D’une arrestation à une élévation. D’un silence contraint à une voix retrouvée. D’un homme à une légende.

Arrivé au pouvoir le 4 août 1983 et assassiné le 15 octobre 1987, Isidore Noël Thomas Sankara reste une icône pour laquelle le Mausolée érigé en son honneur et en son hommage ainsi que ses douze compagnons sur le site de leur assassinat, vient rappeler à l’Afrique que l’intégrité ne meurt pas. Elle s’enterre en nous pour ressusciter comme une légende : le retour du capitaine Sankara, à jamais debout sur le sol de ses convictions.
Le Burkina Faso n’inaugure pas seulement, le samedi 17 mai 2025, un mausolée. Il redresse une silhouette. Il réconcilie une mémoire blessée avec la vérité historique. Tout un pays rend enfin à Thomas Sankara, Président du Conseil national de la révolution (CNR), ce que l’Histoire lui doit : une place à la hauteur de ses rêves, au cœur de son peuple, sur la terre même où il est tombé. Pas en martyr silencieux. Mais en capitaine demeuré fidèle à ses principes jusqu’au souffle trahi du 15 octobre 1987.
Ce 17 mai incarne en elle-même le germe du soulèvement, l’étincelle d’un refus, la première cicatrice d’un destin forgé à rebours de la soumission. En effet, c’est le mardi 17 mai 1983 que Sankara, alors Premier ministre du Conseil de salut du peuple (CSP2), a été arrêté sur injonction d’un pouvoir « gêné » par sa po-pularité fulgurante, sa verve tranchante et sa fidélité tenace aux masses.

L’arrestation, la colère et la promesse

Ce jour-là, les Burkinabè ont su à la fois le subterfuge et la machination. Ils ont compris, sans l’ombre d’un doute, que celui qu’on vient de bâillonner ne leur appartient plus seulement comme homme politique. Il est unanimement perçu comme miroir de leur propre dignité. La réaction a été immédiate. Le pays, comme tiré de sa torpeur, descend dans la rue, tambours de quartiers et slogans improvisés mêlés dans un même cri :
« Libérez Sankara ! ». Cette clameur ne s’est jamais tue. Elle a changé de forme, de souffle, mais elle s’est perpétuée, souterraine, obstinée. C’est le résultat du 4 août 1983 comme une éruption.
Ce jour-là, le peuple est allé chercher son capitaine. Pas pour le hisser au pouvoir par calcul. Mais pour lui confier un mandat : penser à sa place, parler en son nom, agir selon ses intérêts. Le CNR est né de cette confiance populaire. La Révolution démo-cratique et populaire (RDP) aussi. Le capitaine Thomas Sankara a accepté d’être l’artisan d’un
peuple conscient et non docile.

Un mausolée pour la parole debout

42 ans, jour pour jour après son arrestation, le peuple revient à la source ce samedi 17 mai 2025. Pour graver, cette fois-ci, dans la pierre ce qu’il a jadis inscrit dans les cœurs. Un mausolée se dresse à l’endroit exact où le Président Sankara et douze de ses compagnons furent assas-sinés, dans la cour du Conseil de l’Entente. Mais 38 années de silence, de tentatives d’oubli, de glissements de mémoire n’ont pas suffi à étouffer leur message.
Le site est loin d’être un cimetière depuis que les restes y ont été transférés de Dagnoen. Ce mausolée ne saurait aussi être un cercueil. Il est un seuil. Un passage entre l’histoire figée et la mémoire vivante. Il ne célèbre pas la mort. Ce monument illustre le refus de la compromission. Il n’exalte pas la souffrance, mais la lucidité d’un combat mené au nom de principes inaltérables : justice sociale, intégrité morale, souveraineté, panafricanisme actif.

Ce qui reste de Thomas Sankara

Aujourd’hui encore, le Burkina Faso se débat avec les remous d’une lutte contre le terrorisme, les défis de gouvernance, l’exigence d’une refondation nationale. Un contexte et une situation dans lesquels le message de Sankara n’a rien perdu de sa vigueur. Sa dénonciation des rapports inégaux entre le Nord et le Sud, son refus de la dette comme nouvel esclavage, sa mise en cause du néocolonialisme, ses appels à une solidarité africaine fondée sur les peuples et non les palais, résonnent avec une acuité presque douloureuse.

Sans ambages, le capitaine Thomas Sankara a indiqué la voie : « Nous devons accepter de vivre Africains. C’est la seule façon de vivre libres et dignes ». Cette phrase, qui a paru hier utopique ou provocatrice, est devenue présentement une Feuille de route. L’Afrique se réveille aux quatre coins du continent. Sous la conduite du Président du Faso Ibrahim Traoré, le Burkina Faso entend prendre part à ce réveil. Pas à genoux. Debout. Comme son leader Thomas Sankara. Comme un
peuple qui ne veut plus quémander son droit à l’existence.

Qu’en sera-t-il demain ?

Le Mausolée de Thomas Sankara ne doit pas être un lieu de pèlerinage figé. Il doit être une école à ciel ouvert, un laboratoire de pensées, un creuset de projets. Il doit inspirer les générations, aiguiser la conscience des dirigeants, servir de repère moral aux ambitions politiques. Il doit poser cette question, encore et encore : « Qu’est-ce que je fais, aujourd’hui, qui honore le sacrifice de ces hommes tombés debout ? ».
Car oui, Sankara est tombé. Mais il est tombé en avançant.
Et chaque 17 mai désormais, les Burkinabè devront répondre à son regard de bronze :
« Sommes-nous encore fidèles à ta parole ? »

La Rédaction

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