Pour une solidarité agissante

Après les pays sahéliens où ils sèment le deuil, les groupes armés terroristes progressent vers la côte ouest-africaine. Des Etats côtiers, tels la Côte d’Ivoire, le Togo et le Bénin, ont déjà été touchés par des attaques djihadistes et la tendance semble se poursuivre malheureusement. La dernière Nation à être encore victime de cette poussée djihadiste, c’est le Bénin, où deux attaques ont été perpétrées dans le parc W au Nord du pays, entre le 8 et le 10 février 2022. Deux patrouilles, l’une des gardes forestiers et l’autre de reconnaissance, sont tombées sur des engins explosifs improvisés, arme redoutable des terroristes.

Le bilan de cette attaque a fait 9 morts, dont un instructeur français et 12 blessés. La zone du parc W est particulièrement visée par les forces du mal, à telle enseigne que le gouvernement béninois veut y déployer rapidement des militaires et du matériel. Il faut à tout prix sécuriser cette aire protégée transfrontalière, qui n’attire quasiment plus de touristes, à cause de l’insécurité. C’est de bon ton, que les autorités béninoises prennent les devants pour casser du terroriste, mais on a bien peur, qu’il ne soit trop tard. Le diable est manifestement déjà entré dans la maison, en témoignent les attaques terroristes dont le pays est victime depuis 2019. Au Bénin, tout comme en Côte d’Ivoire, les groupes armés affiliés au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et à l’Etat islamique au Grand Sahara sont actifs, même si ce n’est pas encore à un niveau très préoccupant. Des notes d’experts ou d’instituts réputés, tel l’Institut français des relations internationales (IFRI), l’attestent. Il faut craindre, qu’ils n’implantent des bases dans les pays côtiers, si ce n’est effectif. Les gouvernants ouest-africains doivent tout mettre en œuvre, pour que la menace terroriste ne s’installe pas aussi durablement dans les pays côtiers. Il suffit de voir les conséquences socio-économiques désastreuses du terrorisme au Sahel, pour comprendre les enjeux de cette anticipation.

Dans les pays très touchés, tels le Mali, le Niger et le Burkina, on enregistre des milliers de morts, de blessés et des millions de déplacés internes. De même, les administrations publiques et privées sont inexistantes dans certaines localités, de nombreux centres de santé, écoles et commerces sont fermés. On assiste à une crise humanitaire sans précédent dans les trois pays cités où des millions de personnes fuyant les attaques terroristes ne peuvent plus s’abriter, se soigner, se nourrir, accéder à l’eau potable et à l’éducation. L’insécurité contribue aussi à alimenter la pénurie alimentaire ou à la flambée des prix des denrées, à la désolation des populations qui peinent déjà à joindre les deux bouts, en temps normal. Ces tristes réalités commandent que les dirigeants ouest-africains prennent des dispositions pour ne pas que les groupes armés  conquièrent aussi les pays côtiers. Ce pari ne saurait être gagné, sans une solidarité agissante. Au Sahel, la menace terroriste s’est étendue d’un pays à l’autre, sans qu’on ne sente véritablement des actions communes pour arrêter sa progression. C’est à croire qu’on assistait, impuissant, à un spectacle désolant. Apparemment, c’était chacun pour soi, Dieu pour tous. Face au péril terroriste, les pays sahéliens se sont débrouillés pour mettre en place le G5 Sahel, dont la force conjointe peine à monter en puissance, faute de moyens financiers et logistiques conséquents.

A part les soutiens de principe, qu’ont fait les pays côtiers pour soutenir le G5 Sahel, quand bien même l’organisation ne couvre pas précisément leur espace ? Ils ont préféré assurer la veille sécuritaire, chacun en ce qui le concerne, oubliant que le terrorisme n’a de cesse de repousser ses limites. Même si certains accords ont été signés, on ne sent pas vraiment une coopération entre les Etats ouest-africains en matière de lutte contre le terrorisme. Les discours sont bien rodés, mais les actes ne suivent pas toujours. Pour le cas des pays sahéliens, on aurait aimé voir les forces spéciales du Bénin ou du Togo venir en aide aux soldats burkinabè ou nigériens sur le terrain. Ou encore des avions militaires béninois ou togolais prêter main forte aux armées malienne ou burkinabè dans la traque des terroristes. Au lieu que ce soit la France qui soit très souvent en première ligne, avec ce que cela suscite comme polémique, ce sont les armées voisines qui devraient l’être. On aurait aimé aussi voir la Côte d’Ivoire ou un autre pays de l’espace CEDEAO apporter un soutien financier, fut-il insignifiant, au G5 Sahel. C’est cela aussi l’esprit communautaire. Les opérations conjointes entre pays ouest-africains, le long des frontières, sont à saluer, mais ce n’est pas suffisant. Il en faut aussi à l’intérieur des Etats visés par les attaques terroristes. La solidarité agissante sur tous les plans est une nécessité face à l’ennemi commun. Les dirigeants de l’Afrique de l’Ouest doivent donc aller au-delà des déclarations et prouver leur bonne foi, avec plus d’actes concrets dans la lutte contre l’hydre terroriste. Le ton pourrait être donné, par exemple, avec la création d’une force anti-terroriste propre à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

Kader Patrick KARANTAO

karantaokader@gmail.com

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