Procès Charbon fin : la défense dénonce une « composition irrégulière » du Tribunal

Le Procès « Charbon fin » a repris, hier lundi 27 novembre 2023, au Tribunal de grande instance Ouaga I (TGI Ouaga I). A la barre, la défense a dénoncé la composition irrégulière du Tribunal avant que le Tribunal lui-même ne prenne acte.

L’audience du dossier « Charbon fin » du lundi 13 novembre 2023 qui avait été renvoyée pour permettre à l’expert Moussa Gomina de recouvrer la santé, a repris hier, lundi 27 novembre 2023, au Tribunal de grande instance Ouaga I (TGI Ouaga I). En présence des prévenus accusés des faits de fraude en matière de commercialisation d’or et d’autres substances précieuses, d’exportation illégale de déchets dangereux, de blanchiment de capitaux, de faux en écriture privée de commerce, d’usage de faux en écriture privée de commerce, les débats se sont déroulés. A la barre, la défense a dénoncé la composition irrégulière du Tribunal avant que le Tribunal lui-même ne prenne acte. Cette situation a créé un véritable ping-pong entre les avocats de la défense, le ministère public et les avocats de l’Etat et du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC). Pour les avocats de la défense, la composition du Tribunal est irrégulière car il est constitué de magistrats nommés dans des ministères et au Parquet général mais qui continuent à siéger. Le Parquet a répliqué que le Tribunal avait déjà tranché sur cette question dès le début du procès. « Il n’appartient pas à la défense de juger de la représentation d’une partie. Nos collègues n’ont pas encore cessé service. Par conséquent, ils peuvent toujours être aux côtés du Procureur comme substituts », a déclaré le Procureur. A entendre le ministère public, la défense veut rendre difficile le jugement du dossier. « En plein procès, vous revenez sur ces questions.

Que cherchez-vous donc ? », s’est-il adressé à la défense. Le ministère public a prévenu que le procès va se poursuivre même si les avocats de la défense vont se déporter. Et l’agent judiciaire de l’Etat, Me André Ouédraogo de demander à la défense de clarifier son reproche fait au Parquet en disant clairement s’il s’agit d’une récusation ou d’une exception de procédure. Mais, il s’est convaincu par la suite qu’il s’agit d’une expression d’émotion de la part de la défense. Le REN-LAC a purement et simplement invité le Tribunal à passer outre la question soulevée par les avocats de la défense. Quant au Procureur, à cette étape du procès avec des débats au fond, des questions d’exception d’irrégularité ne peuvent pas être posées. Après une suspension de l’audience de près de 40 minutes, le Tribunal a pris acte de l’exception formulée par la défense et a ordonné la poursuite des débats. Le temps a été accordé à l’expert chimiste, Pr Arsène Yonli, de présenter les conclusions de sa mission d’expertise.

« Un scénario justificatif de la fraude »

Il a conclu qu’il y a une diminution du rendement métal par les experts judiciaires à 80% au lieu de 90%, une stratégie de blocage de l’échantillonnage pour asseoir une base de contestation des résultats, des failles méthodologiques importantes, une minoration du rendement métal, une construction artificielle d’un scénario justificatif de la fraude, etc. De quoi provoquer des interrogations de la part du Parquet qui est revenu sur le taux d’humidité et surtout la quantité de substances précieuses découvertes dans la cargaison de « Charbon fin ». Il est inadmissible pour le Parquet qu’une cargaison contenant de milliers de tonnes de substances soit faiblement représentée en charbon fin et fortement constituée de pulpes composées d’autres métaux en quantité importante tels que le Platine, le Palladium, le lithium. « Essakane prend-il l’important pour l’accessoire ? », s’est demandé le Parquet. Et de se convaincre que les pulpes contenant de l’or plus d’autres métaux précieux prouvent que la mine qui n’a pas de permis d’exportation de métaux précieux voulait profiter pour aller les extraire à l’extérieur. Face à cette accusation du Parquet, le directeur général d’Essakane, Tidiane Barry a répondu qu’Essakane n’a pas intérêt à le faire. « Nous ne sommes pas des fraudeurs », a-t-il martelé. Une autre préoccupation de l’agent judiciaire de l’Etat s’est fondée sur la participation des experts judiciaires à l’analyse des échantillons.

A son avis, qu’est-ce qui permet à ces derniers de dire que les résultats sont fiables du moment qu’ils n’ont pas assisté à toutes les séances d’analyse. Et les experts judiciaires de clamer qu’ils ont comparé ces résultats en tenant compte des standards internationaux après les avoir reçus. Le ministère public a voulu également savoir les quantités de charbon fin exportées en 2015 et 2016. A ce propos, en plus de quelques chiffres donnés par Essakane, le Tribunal a ordonné que ces chiffres fassent l’objet d’écrits pour être reversés dans les dossiers des différentes parties. Interrogé à la fin de l’audience du jour, l’avocat de la défense, Me Pierre Yanogo, a précisé qu’il est reproché à Essakane d’avoir fraudé sur la qualité et la quantité de l’or en majorant les teneurs. « Ce qui est totalement démenti par les rapports d’expertise », a-t-il confié. Quant au directeur général d’Essakane, il a laissé entendre qu’Essakane ne peut pas déclarer quelque chose tout en ayant l’intention de frauder sur la déclaration. L’audience reprend, ce mardi 28 novembre 2023, au TGI Ouaga I.

Boukary BONKOUNGOU

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