Toujours à la barre du tribunal militaire, le général Djibrill Bassolet a fait face, le mardi 8 janvier 2019, aux questions des avocats des parties civiles. L’accusé a adopté la même ligne de défense consistant à ne pas répondre aux questions relatives aux écoutes téléphoniques.
Le général Djibrill Bassolet, ne démord pas. Il ne parlera pas des écoutes téléphoniques qui l’incriminent dans le procès du putsch. D’entrée de jeu, face au parquet militaire, le mardi 8 janvier 2019, l’accusé a martelé ses questions sur l’origine des écoutes, leurs auteurs et le procédé par lequel elles ont été obtenues. L’accusé s’est plaint de ces éléments sonores dans la mesure où, a-t-il développé, c’est sur internet que ses conseils et lui ont, pour la première fois, appris leur existence. Il a poursuivi, que selon ses propres sources de renseignement, ce n’est pas un Officier de police judiciaire (OPJ), encore moins une administration publique du Burkina Faso qui a effectué ces enregistrements. L’accusé a, par ailleurs, fait remarquer que l’expert, se référant aux gammes de fréquences, a dit dans ses conclusions, n’avoir pas décelé les caractéristiques classiques d’un enregistrement téléphonique.
« A partir de ce moment, il y a des réserves sérieuses à émettre. On ne peut pas fermer les yeux là-dessus », a-t-il déduit et de poursuivre placidement : « je souhaite que tous les Burkinabè sachent que les éléments sonores produits dans le dossier ne sont pas réguliers et que je n’ai rien fait puisque toute mon accusation soit forgée à partir de ces éléments ». Le procureur militaire, Alioun Zanré, l’a renvoyé au dossier, notamment, aux pages 74 et 75 de l’arrêt de renvoi qui « explique abondamment » l’origine des écoutes. Il ne reviendra donc pas là-dessus. Mais, il précisera que la cote i475 du dossier démontre que le juge d’instruction avait bien signifié à Djibrill Bassolet que ce sont des OPJ qui ont apporté les écoutes. « Cela nous pose donc beaucoup de problèmes quand le général dit ne pas connaître l’origine des écoutes. Chacun peut avoir ses sources d’information, mais dans le dossier, il est dit que ce sont des OPJ qui ont amené ces pièces », a-t-il ajouté. Djibrill Bassolet assurera formellement que ce ne sont pas des OPJ qui ont intercepté, enregistré et retranscrit ces écoutes, indiquant que ses avocats le démontreront.
« Tu dois encourager le noyau dur »
Le parquet va alors s’appesantir sur l’une des conversations entre les deux généraux impliqués (Bassolet et Diendéré). Il y est question de noyau dur à qui Gilbert Diendéré dit avoir expliqué la réalité. Bassolet aurait dit à Diendéré : « Moi je pense que toi tu dois encourager le noyau dur. Y en a qui veulent un signal fort. Ils t’attendent ». Et le procureur militaire d’interroger : « est-ce qu’il y a un acte de complicité plus que ça » ? «Enfin, dans le vif du sujet», a réagi l’accusé. En effet, le général a estimé sur la base des écoutes, que c’est à partir du 25 septembre 2015 qu’il pourrait lui être reproché quelque chose. Il a ensuite noté que l’attentat à la sûreté de l’Etat est considéré avoir été perpétré à partir du 16 septembre et a pris fin tout au plus le 23 septembre avec la réinstallation des autorités de la Transition dans leurs fonctions. Djibrill Bassolet s’est par conséquent étonné que des communications téléphoniques datant d’après le 25 septembre puissent être des preuves d’une action commencée le 16 et achevée le 23.
« Pour qu’il y ait complicité, il eût fallu qu’ils interviennent avant ou pendant les événements », a-t-il estimé. Puis de souligner que toute infraction précise correspond à des actes précis, se disant disposer à tout expliquer par rapport aux faits, même si toute l’accusation se fonde sur des «écoutes douteuses ». Seulement, lorsque les avocats de la partie civile prendront la parole, le général va se murer dans un mutisme absolu face à leurs questions. Dès que la parole leur a été donnée, ceux-ci, par l’intermédiaire de Me Guy Hervé Kam ont versé une pièce au dossier, en l’occurrence, les observations des conseils du général dans son recours devant la Cour de justice de la CEDEAO. Ils entendaient démontrer à travers les développements produits par l’accusé devant cette instance qu’il a reconnu les recours puisqu’il y parlait d’atteinte à sa vie privée. « Comment est-ce que quelque chose que vous n’avez pas dit, une conversation que vous n’avez jamais tenue peut porter atteinte à votre vie privée »? Le général renverra Me Prosper Farama à ses avocats qui sont, a-t-il dit, plus outillés pour répondre à cette question « technique». Dans la même veine, il ne s’est pas prononcé sur les observations sur les sommes d’argent qu’il aurait « distribuées » pendant cette période et les «coïncidences troublantes» sur l’interaction entre le colonel Zakaria Koné et Fatoumata Diawara à propos du commandant Paul Henri Damiba.
Fabé Mamadou
OUATTARA
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Des soutiens de Bassolet expulsés
Le face à face entre le général Bassolé et les avocats des parties civiles a produit quelques étincelles. Me Kam, le premier à prendre la parole s’est vu opposer un refus catégorique de répondre à ses questions. Bassolet lui avait d’abord demandé de préciser les parties civiles qu’il représente à ce procès. L’avocat a dit ne pas voir l’intérêt d’une telle précision du moment où les lettres de constitution de tous les avocats sont versés au dossier. En réaction, le général a déclaré qu’il ne voyait pas non plus d’intérêt à répondre aux questions de l’avocat. Il n’a donc réagi à aucune des observations formulées par Me Kam. Les autres avocats des parties civiles ont alors demandé à se concerter durant 20 minutes par rapport à cette attitude de l’accusé. A la reprise, Me Prosper Farama a poursuivi l’interrogatoire de l’accusé et a insisté sur son passé de ministre en charge de la sécurité. « Vous utilisez des chemins détournés pour parler de choses dont je ne souhaite pas parler. Je vous vois venir, mais je ne répondrai pas à ces questions », a clamé le général sur un ton ferme. De quoi susciter des applaudissements dans le public, qui ont poussé le président du tribunal à expulser de la salle toute une rangée de personnes. Dans la suite de l’interrogatoire, l’accusé a passé le temps à renvoyer l’avocat auprès de ses avocats, plus outillés, d’après lui, à répondre aux questions techniques posées. Dans un ton enjoué, Me Farama lui a demandé de ne pas avoir une hantise de son passé de ministre. « Ce n’est pas ma faute si des gens ont posé des actes dans le passé qui les rattrapent », a-t-il ajouté à la grande hilarité de ses confrères de la partie civile.
F.M.O.
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Du mandat d’arrêt contre Guillaume Soro
A propos du mandat d’arrêt contre Guillaume Soro qui a été annulé, Me Prosper Farama s’est montré solidaire de Djibrill Bassolet. Il a marqué son incompréhension sur cette décision des autorités politiques et judiciaires. Il a par ailleurs fait remarquer à l’accusé, que le président de l’Assemblée nationale ivoirienne n’a produit aucun démenti officiel sur le contenu des conversations qui sont prêtées aux deux, du moins, pas à sa connaissance.
F.M.O.