Procès du putsch Les plaidoiries à partir du 18 avril

Au deuxième jour d’audition des victimes du coup d’Etat manqué, le mercredi 10 avril 2019, le tribunal militaire a entendu d’autres personnes ayant subi des coups et blessures mais aussi des pertes de biens.

Les victimes qui ont comparu, le mercredi 10 avril 2019, devant le tribunal militaire ont déclaré avoir été violentées par des éléments de l’ex-RSP, soit au cours de manifestations anti-putsch soit pendant qu’elles étaient en ville. Parti prendre le pouls de la cité après une nuit sans sommeil, à la suite de l’arrestation des autorités de la Transition, le blanchisseur, Boukary Sawadogo, a dit avoir rencontré au matin du 17 septembre 2015, des militaires entre la place de la Nation et celle des Cinéastes. Ceux-ci l’ont mis violemment à terre et l’ont battu malgré ses supplications. Ensanglanté, il se réveillera difficilement une fois abandonné par ses agresseurs et rentrera chez lui. A la fin de son récit, M. Sawadogo, constitué partie civile, a appelé les Burkinabè à rester intègres et véridiques. Demandant aussi réparation du préjudice corporel subi, Ernest Lingani a déclaré qu’au matin du 17 septembre, alors qu’il ralliait la place de la Nation pour manifester, il a marqué un arrêt à la Place de la bataille du rail où des gens étaient rassemblés. Peu de temps après, un véhicule Land Cruiser noir est arrivé, d’où un militaire est descendu, s’est saisi de lui et lui a indiqué qu’il allait «rendre témoignage». Deux autres frères d’armes l’ont rejoint et tous les trois, à l’aide de gourdins et de cordelettes, ont bastonné M. Lingani jusqu’à lui fracturer l’avant-bras gauche avant de l’abandonner. Quant à Christophe Lompo, il se fera frapper le 17 septembre par des éléments de l’ex-RSP au stade municipal. C’est côté Ouest de l’enceinte sportive, qu’il trouvera refuge. Le responsable à la sécurité du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), Ousséni Ouerma, a aussi été auditionné. A l’appel de feu Salifou Diallo le 18 septembre vers 10 heures, il dit être allé renforcer la sécurité au domicile de l’ex-président du Parlement. Vers 17h, lui et des jeunes ont été pris à partie sur place par des civils et soldats tirant sur la maison. Un des assaillants aurait même tenté de «fracturer la tête» de Ouerma avec un caillou, que celui-ci a bloqué avec le coude. C’est alors que les civils, dont Faïçal Nanéma, l’ont dépouillé de ses téléphones. Appelé à la barre, celui-ci a nié avoir été chez le défunt Salifou le 18 septembre. Ont par ailleurs été roués de coups, Ramoaga Sawadogo, sur la route de Larlé en partant du rond-point du 2-Octobre le 17 septembre, Kiswensida Kiemdé dans les environs de la cité Azimo vers Ouaga 2000, le 20 septembre, tout comme Madi Compaoré le même jour et Arouna Ganamé, un leader du Collectif anti-référendum (CAR), au rond-point de la Patte d’oie, le 16 septembre. Didier Kiéma lui, a vu sa moto incendiée le 20 septembre au feu de la cité Azimo. Pour sa part, Jean Firmin Nacoulma a expliqué au tribunal qu’il a été frappé et dépouillé de son téléphone et de sa tablette, le 20 septembre 2015 près de l’hôtel Laïco. Il a confié que le téléphone est doté d’une application qui envoie les photos du nouvel utilisateur dans sa boîte. C’est ainsi qu’il a reçu les photos du soldat Seydou Soulama, dont certaines ont été prises en Côte d’Ivoire, région des Savanes. Appelé à la barre, l’accusé niera, arguant qu’aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, on peut avoir ses photos facilement. Pour son conseil, Me Mahamadi Sawadogo, son client n’est pas poursuivi pour vol ou recel. De son côté, Me Prosper Farama, a soutenu que les photos laissent présumer que c’est le soldat Soulama qui a frappé la victime et récupéré son téléphone. Un mineur de 19 ans, l’élève Michel Igor Bagbila, voulait aussi se constituer partie civile, mais le tribunal ne l’a pas admis en l’absence d’un de ses parents. Après lui, le sapeur-pompier, Ousmane Paré a relaté avoir reçu une balle d’un frère d’arme de l’ex-RSP, alors qu’il faisait partie d’une équipe partie porter secours à un blessé par balle à la place de la Nation.

Une balle dans le ventre

Le policier en poste chez Salifou Diallo au moment du putsch, l’assistant de police Yacouba Manli, s’est également constitué partie civile au procès. Il a déclaré avoir été battu et désarmé par des militaires de l’ex-RSP qui l’ont ensuite emmené au camp Naaba Koom II. Des jeunes dont Abdoul Karim Bagagna dit Lota avaient accompagné les soldats. Parmi les militaires qui l’ont frappé, le flic a reconnu Adama Kaboré et Soumaïla Diessongo. Le colonel-major, Boureima Kiéré et le sergent-chef Ardjouma Kambou ont tous les deux reconnus avoir vu l’accusé mal en point lorsqu’il a été emmené au camp. Le colonel-major a confirmé avoir donné des instructions pour qu’il soit pris en charge à l’infirmerie de la caserne. Mais le soldat Adama Kaboré et le caporal Soumaïla Diessongo ont nié avoir porté des coups à la victime. Ils ont aussi soutenu n’avoir pas remarqué qu’il souffrait de blessures. Le caporal demandera au tribunal de ne pas reconnaître le policier comme une victime, arguant qu’il doit être comptable au même titre que ceux qui ont tiré pendant les événements du coup d’Etat, parce qu’il a «tiré» sur des personnes. Le caporal Diessongo a ainsi expliqué qu’ils l’ont emmené au camp, parce qu’ils l’ont pris pour un terroriste. L’ancien ministre en charge de l’administration territoriale, Issouf Ouattara, s’est aussi constitué partie civile et a décrit les circonstances dans lesquelles ses collègues et lui ont été surpris en plein Conseil des ministres, menacés et maintenus pendant toute une nuit au hall de la Présidence. Ses autres collègues n’étant pas présents à l’audience, le tribunal a autorisé une nouvelle liste de huit victimes qui, elles aussi, ont relaté leurs calvaires. C’est le cas par exemple de Nicolas Kaboré, l’ancien garde du corps du président du MPP à l’époque, Roch Marc Christian Kaboré (qu’il désigne comme étant son oncle). Il dit avoir été violenté à l’hôtel Laïco, lorsque les émissaires de la CEDEAO étaient venus rencontrer les leaders de partis politiques. «Quand je suis tombé, c’est les Lota-là qui ont commencé à m’attaquer», a clamé la victime. Appelé à la barre, Abdoul-Bagagna dit Lota a «très humblement» présenté ses excuses. «Aujourd’hui, je me demande ce qui m’a conduit à être parmi ceux qui ont porté des coups. J’ai honte», a regretté Lota. Le photographe-reporter à la retraite des Editions Sidwaya, Jean Jacques Conombo a également subi la furie des militaires de l’ex-RSP. Mal lui a pris d’avoir «osé» faire son travail, tellement les coups de pieds et de ceinturons des «milos» lui ont fait perdre connaissance ; ses appareils ont également été endommagés. Une autre victime, Safiétou Ouédraogo, enceinte pendant les événements, a reçu une balle alors qu’elle était à son domicile et a dû subir une césarienne. C’est dans les selles de son bébé que la balle sera retrouvée. Le même bébé, 4 ans plus tard était auprès de sa maman à la barre pour faire cette déposition. Son avocat, Me Farama Prosper, dans son interrogatoire, a fait remarquer que dame Ouédraogo, coiffeuse, ne connaît rien des affaires politiques et n’a participé à aucune manifestation lors des faits. Elle a été la dernière victime à être entendue, laissant la place désormais aux plaidoiries. Le tribunal a octroyé une semaine aux avocats pour préparer leurs speechs. Rendez-vous a donc été pris pour le jeudi 18 avril prochain.

Jean Philibert
SOME & Fabé Mamadou
OUATTARA

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