Après une première grève dite « d’avertissement » le 29 septembre 2018, une autre se profile à la suite des récentes augmentations du prix du carburant à la pompe. Ainsi donc et comme il fallait s’y attendre, l’opposition politique a décidé de faire front commun avec la Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés (CCVC) dans le cadre de la marche que cette dernière organise le 29 novembre 2018.
Le droit d’aller et de venir, de protester est un droit constitutionnel au Burkina Faso. Force est de constater cependant que la situation actuelle est loin d’être un conte de fée politique. Au vu de son passé récent et des troubles auxquels il est confronté en ce moment, le pays a besoin, et nous nous répétons, d’une trêve sociale pour réamorcer sa marche (poussive pour l’instant) vers le progrès et l’espérance. L’idée ne nous paraît pas tout à fait farfelue car, pour travailler sereinement à la résolution des problèmes identifiés dans les différentes « plateformes minimales », il faut obtenir au préalable l’engagement des partenaires sociaux dans un processus participatif privilégiant la négociation, la discussion et le consensus en lieu et place du rapport de force ou de la défiance réciproque.
Cette trêve sociale, pour peu qu’elle tienne compte des contraintes financières de l’Etat et de l’état de quasi guerre dans lequel le pays se trouve, ainsi que des engagements auprès des partenaires financiers internationaux (contenir le déficit budgétaire…), pourra offrir une base saine d’examen des préoccupations des masses laborieuses. Il ne faut surtout pas oublier de le dire souvent, l’insurrection populaire, qui a mis fin au régime Compaoré n’a pas été applaudie partout à travers le monde entier. Elle est même restée au travers de la gorge de certaines chancelleries qui y ont vu une marque de défiance vis-à-vis d’un des piliers de leur stratégie d’influence dans la sous-région.
Le Burkina Faso d’après-insurrection devrait donc opérer un choix entre se réinventer (et c’est ce qui se dessine) ou continuer à être un acteur de la Françafrique. C’est peut-être ce choix, pour n’avoir pas voulu chausser les mêmes bottes que le président Roch Marc Christian Kaboré et son gouvernement sont en train de payer : promesses de financements non tenues, propos et chiffres alarmistes sur le pays… Tout semble être bon pour nous asphyxier et nous faire entendre raison. Bien entendu, cela ne justifie pas entièrement la situation dans laquelle nous nous trouvons, mais, peu ou prou, c’est la même galère qu’avait connue le Conseil national de la révolution (CNR) à son avènement. Toute chose qui avait amené les révolutionnaires à prôner la rigueur et le développement endogène pour sortir de ce guêpier.
Aujourd’hui, il paraît difficile de demander des sacrifices à un peuple qui a vécu pendant longtemps les vicissitudes de la vie chère et qui croyait que l’insurrection viendrait tout régler d’un coup de baguette magique. Mais, il ne serait pas de trop de demander à chacun et à tous, de la patience pour permettre au gouvernement de dérouler son programme et d’être sanctionné ou approuvé dans les urnes en 2020. Ce n’est pas du populisme ni de la démagogie que de le dire, car dans sa situation actuelle, une autre insurrection ferait reculer le pays de plusieurs décennies.
Attention donc à ne pas jouer au lépreux qui va juste renverser la calebasse et priver ainsi de « lait » à tout un pays. Plus qu’une confrontation ouverte, un grand palabre dans la tradition de nos vertus séculaires nous apparaît comme la voie idoine dans la situation actuelle et, opposition et pouvoir doivent y réfléchir à court terme, car, c’est un impératif de survie.
Par Mahamadi TIEGNA