Le samedi 20 décembre 2008, à la Maison du peuple, le Burkinabè, Irissa Kaboré dit «le Caïd », a perdu son titre de champion international IBF, catégorie des super welters dans le combat qui l’a opposé au Français Frank Haroche-Horta. Retour sur une soirée cauchemardesque pour un champion et la perte d’un titre pour le Burkina Faso.

Un uppercut de la gauche suivi d’un crochet de la droite. Irissa Kaboré est atteint en plein visage. « le Caïd » fait quelques pas en arrière et est retenu par les cordes. Il saigne du nez. Frank Haroche-Horta fond de nouveau sur lui mais l’arbitre Raffaële Argiolas intervient. Le combat est interrompu. Le Burkinabè est compté pour la 3e fois de la partie.
L’image est saisissante et ne présage rien de bon sur le verdict à venir. La Maison du peuple commence à se vider de son public. Quelques secondes plus tard, l’arbitre italien s’interpose une nouvelle fois entre les deux hommes. Cette fois-ci, il arrête le combat. K.O technique pour Frank Haroche-Horta déclaré vainqueur. Irissa Kaboré aura pourtant tout donné pour la défense de son titre. Pas de round d’observation. Porté par les ovations et le son des trompettes du public, «le Caïd » se jette sur son adversaire dès les premières secondes du match. Il enchaîne les coups et « enflamme » la Maison du peuple. Contre toute attente, il est contré par un coup bien placé de son adversaire qui l’envoie au sol. La clameur s’estompe.

Après donc un peu plus d’une minute de combat, Irissa Kaboré est compté par l’arbitre. Haroche-Horta prend confiance à la suite de cet exploit matinal et avance sur son vis-à-vis, multipliant les crochets. « Le Caïd » tente de refaire son retard en entamant le second round comme le premier, c’est-à-dire sans laisser de répit à son challenger. Mais la garde bien remontée de ce dernier encaisse les puissants assauts du Burkinabè. Le Français résiste, gère les minutes et guette la moindre occasion de sortir sa gauche redoutable. Mieux, c’est lui qui prend l’initiative d’attaquer à la reprise suivante. La partie s’équilibre. Haroche-Horta oblige Kaboré à reculer de plus en plus. Quatrième round. Irissa tente d’éviter le corps-à-corps recherché par Frank pour éviter le piège de l’uppercut de sortie qui pourrait en résulter. Haroche-Horta est un « dur-à-cuire » qui fait montre d’une grosse capacité à encaisser et met en difficulté Kaboré qui semble à court de solutions. Mais un direct du « Caïd » réussit à l’atteindre en dépit de sa bonne garde. Le boxeur lyonnais est ébranlé sur ses appuis.

Sa réaction ne se fait pas attendre. Aux 6 et 7e rounds, ses offensives se font beaucoup plus insistantes et sans difficulté, il marque des points. Le champion international IBF n’entend pas laisser l’écart se creuser. Comme aux premiers instants de la bataille, Irissa Kaboré reprend l’initiative d’agresser mais comme aux premiers moments, il se fait avoir par le Français. Un uppercut qu’il ne voit pas venir le fait tomber. Pour la seconde fois, il est compté. C’est le tournant du combat. Visiblement déboussolé par une blessure au visage, Kaboré ne maîtrise plus sa garde. Haroche-Horta en profite pour porter l’estocade mais le Burkinabè est sauvé par le gong. La 9e reprise est une suite de la précédente. Le prétendant marche sur le tenant du titre qui ne revient plus dans le match. L’arbitre met fin au combat et consacre la victoire du challenger. Après 16 combats, « le Caïd » enregistre sa première défaite. Grâce à ce succès avant terme, Frank Haroche-Horta s’empare du titre de champion international IBF (International boxing federation) des super welters.

Les raisons d’une chute

Onze ans plus tard, Irissa Kaboré dit en garder « un grand » souvenir. « J’ai été beaucoup marqué par ce combat qui a été très honnête. Je sais que j’ai lutté, je me suis battu, le peuple a été témoin que j’en voulais mais ça n’a pas marché », se souvient « le Caïd ». Son adversaire d’alors, Frank Haroche-Horta, aujourd’hui à la retraite et reconverti en matchmaker (organisateur de combats de boxe), a en mémoire une partie qui n’était pas gagnée d’avance. « C’était une aventure comme beaucoup d’autres que j’ai vécues durant ma dure carrière sportive. Le combat contre Irissa n’était pas en ma faveur car les conditions climatiques étaient difficiles, je venais de quitter Lyon où la température extérieure était négative et j’arrive pour boxer à plus de 35 degrés très loin de chez moi et je gagne avec panache. C’était formidable », se remémore-t-il. Pour lui, ce sont sa technique, son uppercut et la rage qui lui ont valu le triomphe. « Il frappait très fort mais n’encaissait pas alors j’ai déroulé et trouvé le K.O », explique le Français. Dans le camp burkinabè, la cause directe de la défaite est la blessure du « Caïd ». Selon son entraîneur à l’époque, son protégé a été énormément gêné par cette blessure. « Irissa a démarré un peu vite et dès la 4e minute, il a pris une blessure à l’intérieur du nez. Cela a entraîné une hémorragie nasale que nous avons tenté d’arrêter mais n’avons pas pu au fil des rounds parce qu’elle était importante.

A partir de la 6e reprise, il a commencé à être asphyxié et ne pouvait plus récupérer », avait justifié Jean-Pierre Mahé. Selon Irissa Kaboré, la fatigue qu’il a cumulée au sortir de sa préparation à l’époque a beaucoup contribué à le rendre vulnérable. En effet, « le Caïd » sortait de deux mois de préparation entamée à Ouagadougou et qui s’est poursuivie au Ghana avec à la clé plusieurs dizaines de combats. A ses dires, l’urgence de défendre le titre les avait obligés, son staff et lui, à se soumettre à un calendrier qui ne lui a pas laissé du temps de récupération. « Sur un ring, on doit se sentir en train de jouer mais quand on est fatigué, les choses se présentent autrement et lorsqu’il y a trop de sérieux, la concentration prend le dessus et vous n’avez plus le fond pour aller jusqu’au bout et c’est ce qui s’est passé », précise-t-il.

L’après-combat

Et le timing ne semble pas avoir été le seul manquement dans la préparation du champion.
La méconnaissance de son challenger lui a été préjudiciable. « Le fait qu’il soit gaucher ne m’a pas facilité la tâche. Je n’avais pas cette information, si fait que je me suis entraîné avec des droitiers jusqu’à moins d’une semaine du combat avant de m’en rendre compte et de chercher des gauchers pour corriger le tir », ajoute le boxeur qui dit assumer sa responsabilité « car en tant que tenant du titre, je devais être prêt à le défendre à tout moment ». Sur ce point, le président de la commission des arbitres du Burkina Faso et vice-président de la Fédération burkinabè de boxe au moment des faits, Fidèle Damiba, reconnaît toute l’utilité de disposer d’informations sur l’adversaire afin d’élaborer la stratégie appropriée. « Mais à l’époque pour avoir des enregistrements des adversaires, c’était la croix et la bannière, c’était plus compliqué que de nos jours alors que c’est une chose indispensable », soutient-il. Qu’à cela ne tienne, Irissa a été en partie victime de son honnêteté à son sens.

Car selon l’arbitre, il aurait pu user de méthodes généralement admises pour tirer son épingle du jeu. « J’ai gardé de lui l’image d’un boxeur complet qui ne connaît pas tricher. C’est à partir des trois derniers rounds qu’il a commencé à sentir la fatigue. Techniquement, dans ces circonstances, le boxeur aurait pu accrocher son adversaire, pour tuer le temps, rester proche de lui de sorte à l’empêcher de vous donner un coup et à gêner son combat. Malheureusement, Irissa n’était pas habitué à cela malgré les consignes de ses entraîneurs », déplore Fidèle Damiba. Cette défaite va marquer la fin de la carrière de Irissa Kaboré. « Le Caïd national » qui dit n’avoir pas été moralement anéanti par cette dure épreuve ne rebondira cependant pas. La raison : ses obligations militaires qui, pour lui, étaient de plus en plus difficiles à honorer simultanément.

« La réalité c’est que j’étais avancé en âge et ça commençait à faire beaucoup de choses à la fois. J’en ai profité pour déposer les gants. J’ai préféré me concentrer sur les études pour avancer dans l’armée et aujourd’hui je suis adjudant », affirme l’ex- champion. « Après le combat, il avait encore pris du poids et s’il devait continuer, il devait monter dans la catégorie supérieure alors que techniquement, si dans son poids normal, il commençait à être inquiété par des boxeurs, l’étape supérieure pourrait être plus difficile. Nous avons tenté de le reconvertir en coach et il a même suivi des stages dans ce sens mais étant homme de tenue, le service a eu raison de ce projet car il est régulièrement appelé à servir hors du pays », renchérit le vice-président de la Fédération burkinabè de boxe. « Le Caïd » est actuellement en mission hors du pays.

Voro KORAHIRE

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