Perdu de vue depuis belle lurette, Joël Kouassi qui a mis prématurément fin à sa carrière à cause de pépins physiques a néanmoins réussi sa reconversion. De passage à Ouagadougou, l’ex- international défenseur burkinabè de 38 ans a donné de ses nouvelles.

Que deviens Joël Kouassi ? Depuis que j’ai raccroché en 2011 à la suite d’un problème physique, je me suis lancé au départ comme agent de joueurs. C’est-à-dire aider les jeunes du Burkina Faso à trouver des clubs en Europe. Mais depuis un certain moment, j’ai décidé de travailler à mon propre compte. J’ai une société de fabrique de produits laitiers, sans pour autant abandonner carrément le métier d’agent de joueurs. Rassurez-vous, je suis toujours dans le milieu du football. Avec mon ami et frère Charles Kaboré dont j’ai été le témoin de mariage, nous avons un projet pour les jeunes du Burkina Faso.

Un projet pour les jeunes, est-ce à dire que tu prévois l’ouverture d’un centre de formation ?
L’ouverture du centre de formation n’est pas le plus important. Il en a tellement au Burkina et partout en Afrique. Le problème reste la détection. Par exemple, la dernière fois, nous avons joué contre une sélection des Etalons cadets. J’ai été émerveillé par certains jeunes. Ils présentent déjà un bel avenir en l’occurrence un certain Bassirou de Salitas FC si je ne m’abuse. Ces jeunes, qui ont du vécu avec la sélection nationale, auront plus de chance de se trouver un club en Europe avec les vidéos des matchs contre d’autres pays. Le centre de formation pour moi est que tout le monde joue au foot. Pourtant ici en majorité, les gens jouent au ballon. Alors que quand tu arrives en Europe, on t’apprend à jouer au football. La difficulté chez nous les Africains réside sur le plan tactique. Techniquement et physiquement, nous sommes au dessus. Je prends l’exemple de Charles Kaboré. J’étais déjà un professionnel quand j’ai rejoint les Etalons. Arrivé, je vois un junior qui est dans le groupe grâce à Drissa Traoré Saboteur. Le premier jour quand je l’ai vu à l’entraînement, je lui ai demandé ce qu’il faisait au pays. Il m’a dit qu’il jouait à l’EFO. Je lui ai dit qu’il ne pouvait plus y rester parce qu’il est maintenant international. Nous avons joué un match contre le Sénégal qui, à l’époque, était constitué de stars. Il a été titulaire. Ne serait-ce que la vidéo de ce seul match que tu montres à un club, facilite la tâche. C’est ce qui s’est passé avec Libourne. J’étais le capitaine de Libourne à son temps et j’ai contribué à ce que les choses se passent bien.

Qui a été Joël Kouassi footballeur ?
J’ai débuté ma formation à Nantes de 16 à 20 ans. Après, je suis parti à Libourne Saint Seurin qui évoluait alors en CFA. J’ai gravi les étapes avec ce club jusqu’en ligue 2. A ce niveau, on m’a remis le brassard. J’ai été sollicité un peu partout en ligue 2 et à l’étranger. Malheureusement, mes pépins physiques ont commencé. J’ai été opéré des deux genoux, du tendon de la rotule. Ce qui m’a abimé le cartilage et m’a contraint à mettre un terme à ma carrière. Vu les qualités que j’avais, j’aurais pu mieux faire même si actuellement je me sens bien et je suis heureux.

Heureux, est-ce à dire que tu es satisfait de ta carrière bien qu’elle ait été brève ?
Pas du tout ! Je ne peux pas me satisfaire d’avoir arrêté ma carrière à 27 ans. Outre cela, je ne suis pas satisfait parce que je n’ai pas pu atteindre les objectifs que je m’étais fixé. Il s’agissait de disputer et remporter une CAN avec le Burkina et jouer le haut niveau comme la ligue 1. C’est regrettable mais c’est la volonté de Dieu.

Une carrière certes, courte mais au moins quelques souvenirs. Quel a été le plus beau et le plus mauvais?
Le plus beau en tant qu’international est notre victoire en 2008 contre le Sénégal. Une victoire arrachée par les tripes. La formation sénégalaise regorgeait de grands joueurs, entre autres El Hadj Diouf, Habib Beye, etc. Pendant que nous n’étions pas tous des professionnels. Notre équipe était en majorité jeune avec des éléments comme Charles Kaboré, Bakary Koné, Paul Koulibaly, etc. Il fallait que nous qui avions l’expérience puissions guider le groupe. Le plus beau en club a été notre montée de la national en ligue 2. Ce fut phénoménal. Le plus mauvais est évidemment mes blessures à répétition dont la dernière à Rouen lors d’un match amical entre le Burkina et le Mali. Au bout de dix minutes, je reçois un ballon en suspension. Je saute pour le contrôler. A la descente, je pète le tendon de la rotule. Ce qui a valu l’arrêt de ma carrière internationale.

Pourquoi le choix du Burkina si l’on sait que tu pouvais aussi jouer pour la Côte d’Ivoire ?
Le Burkina Faso parce qu’il m’a donné cette opportunité de m’exprimer et m’a adopté. A Libourne, j’avais un international burkinabè Yaya Kébé comme coéquipier. Il appréciait ma qualité de jeu. Il m’a proposé de rejoindre l’équipe nationale du Burkina. Au début, ça ne m’intéressait pas. Je lui ai répondu que je voulais me concentrer sur ma carrière. Après, j’ai pris des conseils un peu partout et on m’a parlé du bien des Etalons. Un jour, le président de la fédération de l’époque, Seydou Diakité, m’a appelé en personne. Il m’a convaincu de venir que je vais m’épanouir. Autre chose qui m’a encore convaincu de jouer pour le Burkina est qu’à son temps, les Académiciens avaient verrouillé le football ivoirien. Il était difficile de se frayer un passage. C’est ainsi que j’ai décidé de rejoindre le Burkina. Ma première sélection était au Maroc. Je me rappelle que Saboteur qui était le coach et moi, nous nous sommes tiraillés. Après, j’avoue que Saboteur m’a marqué avec son esprit de la gagne. Il n’aime pas les joueurs fainéants. Quand il m’a vu, il s’est dit que comme je suis en Europe, j’étais un fainéant. Au fil du temps, nous avons tissé un bon lien et nous avons fait de bonnes choses ensemble.

As-tu gardé le contact avec des dirigeants ou des footballeurs burkinabè ?
Oui, je suis toujours en contact avec plusieurs d’entre eux, comme Alain et Bertrand Traoré, Jonathan Pitroipa, Patrick Zoundi, Narcisse Yaméogo, Charles Kaboré, qui, lui est comme un frère pour moi. En ce qui concerne les dirigeants, ceux de mon époque ont arrêté, donc il n’y a pas de relation particulière, sauf Inoussa Tapsoba de l’ASEC-K avec qui j’échange souvent par le biais de Charles.

Quel est, selon toi, le meilleur footballeur burkinabè que tu as connu ?
Je dirai que Charles Kaboré est le meilleur de tous les temps. Pas parce qu’il est mon « frère », mais au regard de tout ce qu’il a accompli depuis ses débuts et sa belle carrière. Sa constance et sa qualité dans certains grands clubs d’Europe parlent en sa faveur. Il a joué la Champions league et l’Europa league. En tant que capitaine, il a hissé le football burkinabè là où personne ne s’y attendait avec chaque fois des qualifications en phase finale de Coupe d’Afrique, et à la clé la finale jouée face au Nigéria en 2013. Au passage, j’aimerais bien faire une mention spéciale à Moumouni Dagano qui était notre mentor. Quand on venait en sélection, il était un exemple et une fierté pour nous parce qu’en ce moment, c’est lui qui jouait en ligue 1 et en France les gens identifiaient le Burkina à lui. C’était notre Didier Drogba et notre Samuel Eto’o.

Quelle appréciation fais-tu du niveau du football burkinabè ?
A mon humble avis, je pense que le football burkinabè a beaucoup régressé par rapport aux infrastructures. Aussi, le niveau du championnat burkinabè laisse à désirer. On ne sent plus de la bonne qualité et de l’évolution dans le jeu comme de par le passé. Et nous espérons que cela va vite changer pour le bonheur du football burkinabè.

Quels conseils peux-tu prodiguer à un jeune joueur qui veut tenter une carrière professionnelle ?
Tout s’inscrit dans le travail et la volonté. Ce que je reproche aux joueurs burkinabè, c’est la timidité. Pourtant en football, il faut de l’audace et le désir de tout le temps surpasser ses limites, parce que seul le travail paye. Vouloir être meilleur que les autres et ne pas se laisser impressionner par l’environnement où l’on peut se trouver. J’encourage tous ces jeunes qui veulent faire carrière dans le football.

Interview réalisée par Yves OUEDRAOGO

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