Après avoir mis fin à sa carrière internationale, il y a moins d’un an, Jonathan Pitroipa, vient, contre toute attente, de raccrocher définitivement les crampons. Qu’est-ce qui a motivé le meilleur joueur de la CAN 2013 à prendre cette décision, quel sera son après football, quel est le plus beau souvenir de sa carrière, sont entre autres questions abordées dans l’entretien.

Tu as pris une décision surprenante de mettre un terme à ta carrière. Quelles ont été tes motivations?

Elle est surprenante pour beaucoup. Ce qui est normal. Mais pas pour moi. Elle était déjà en gestation dans ma tête. Il me restait une saison avec Paris FC. Je voulais terminer la saison avec le club et voir si nous allons monter en Ligue 1. Paris FC est une équipe que j’aime. C’est pour cela que j’ai voulu l’aider et participer à son développement. J’ai bien entamé la saison avec l’équipe. Je me sentais bien physiquement. J’étais épanoui. Pour moi, c’était une très bonne saison. Malheureusement, il y a eu des faits qui se sont passés entre temps. Disons qu’avant la trêve, je ne me sentais plus apte à continuer mentalement. J’ai discuté avec les dirigeants. Nous avons ainsi décidé de mettre fin à la collaboration. Alors, je me suis dit qu’il était temps de commencer à penser à autre chose. Penser à autre chose signifie que je dois me libérer sur le plan footballistique.

En clair, ta saison qui s’est terminée en queue de poisson à Paris FC a-t-il contribué à cette prise de décision ?

Non et oui. Non car, j’avais déjà mûri l’idée. Je devais arrêter à la fin de la saison. Oui, par le fait que cela se termine six mois avant. Déjà l’idée était là, de mettre un terme à ma carrière donc j’étais déjà préparé.

Quel sera l’après football de Jonathan Pitroipa ?

(Rire). Je vous rassure que je resterai dans le milieu du football. J’ai envie de faire beaucoup de chose pour mon pays. Mon rêve est de voir les Etalons se qualifier un jour pour la Coupe du monde. Nous avons été si proches du but pour celle de 2014. Malheureusement nous n’avons pas pu. Nous avons quand même pu atteindre la finale de la CAN 2013. Aujourd’hui, même si je ne suis pas sur le terrain, j’espère pouvoir apporter mon expérience du dehors et continuer à travailler dans le football.

Entraîneur ou manager des Etalons comme tes devanciers Gualbert Kaboré, Amadou Traoré « Le Rouquin » ?

Non, je ne vais pas prendre l’exemple sur quelqu’un. Jonathan Pitroipa reste Jonathan Pitroipa. J’ai des idées en tête. Avec le temps, vous saurez ce que j’envisage de faire. Pour le moment, je pense que c’est encore trop tôt d’en parler. Il n’y a que quelques jours que j’ai annoncé la fin de ma carrière. Je prendrai le temps de réfléchir.

Il se murmure qu’il n’est pas exclu que tu chantes ?

Ma passion pour la musique a toujours été connue. Depuis tout petit, j’ai adoré la musique. Nous avons toujours écouté la musique pour avoir de la motivation avant les matchs. J’ai grandi dans le milieu de la musique. Je ne pense pas que j’ai le talent pour être un artiste musicien. Par contre, je pense que je peux contribuer au développement de la culture burkinabè. Voilà pourquoi mon intention était de porter sur les fonts baptismaux une structure professionnelle pour accompagner et aider nombre de nos artistes à mieux développer leurs musiques. Par rapport à cela, je dirai que ce n’est pas seulement que la musique. Il y a un volet production audiovisuelle, d’enregistrement sonore. Il y a aussi l’évènementiel et beaucoup plus la communication. Il est vrai que le studio d’enregistrement est construit beaucoup plus pour travailler la musique, mais, il y a aussi un côté beaucoup plus entreprise.

Quel a été le plus beau souvenir de ta carrière ?

C’est la CAN 2013. J’ai fini meilleur joueur de la compétition et nous arrivons en finale. Dans la même année, j’ai aussi disputé la finale de la Coupe de la Ligue avec Rennes. Malheureusement, j’ai perdu les deux, mais, j’étais beaucoup plus épanoui sur le terrain. Je prenais du plaisir à jouer.

Et le plus mauvais ?

En janvier 2014 quand j’ai perdu mon père.

Quel a été l’apport d’Amadou Sampo dans ta carrière de footballeur ?

C’est quelqu’un que j’admire beaucoup. Je l’ai connu quand j’étais tout petit dans le quartier. Il nous a poussés à adorer le football. C’est quelqu’un qui a l’amour du football. Il avait du talent pour être footballeur. Malheureusement, il n’a pas pu. Il a essayé d’encadrer les jeunes comme nous. Pour moi, ça été un déclic. Amadou Sampo fait partie de ma réussite. Tout petit, il m’admirait déjà. Il m’a mis dans des conditions pour réussir. Il m’a toujours accompagné. Voilà pourquoi à la fin avec Kada School à un moment donné, j’ai voulu aussi qu’il donne la chance à d’autres joueurs avec Majestic. Aujourd’hui, cela me fait plaisir de le voir à d’autres niveaux. L’on sent maintenant que c’est un entraîneur presqu’aboutit. Quand nous étions plus jeunes, il n’avait pas de diplôme. C’était juste de la passion. Aujourd’hui, il essaie de s’améliorer, d’avoir les diplômes. Je pense que c’est quelqu’un sur qui on peut compter dans le milieu du football burkinabè.

Qu’est-ce qui n’a pas marché avec le Majestic que tu gérais seul après la fermeture de Kada School ?

C’est normal que ça ne marche pas parce que je n’avais pas l’accompagnement qu’il fallait. Le fait de ne pas être physiquement présent compliquait les choses. A un moment, je n’arrivais plus à avoir la mainmise sur la gestion. Le staff m’a fait comprendre que j’allais avoir des difficultés au niveau de la gestion. Il m’a conseillé de ne pas fermer carrément parce que le centre a participé au développement de jeunes joueurs. L’idée était de faire de telle sorte qu’il y ait une continuité. Voilà pourquoi nous avons travaillé pour que quelqu’un de passionné, qui adore le football comme Amado Traoré, continue de pérenniser Majestic. Je reste toujours à côté. Nous sommes toujours en contact, nous discutons, nous collaborons et j’espère que cela pourra aboutir à quelque chose.

Que penses-tu de la gestion du football burkinabè ?

Il y a beaucoup de choses à faire. Notamment le côté organisationnel. Si nous voulons rivaliser à l’international, il faut continuer à professionnaliser nos institutions qui gèrent notre football. On voit qu’il y a un travail qui a déjà été fait. Il faudra continuer ainsi de telle sorte à viser l’excellence. On pourra en ce moment faire du Fasofoot un championnat professionnel. Certes, depuis 2013, il y a une évolution significative. Mais, il y a toujours du travail à faire. Il faut que nous travaillions main dans la main et que tous les acteurs du milieu soit unis et ouverts à des échanges pour l’amélioration de notre football. Il faut d’abord amener les Burkinabè à aimer notre championnat national. Qu’ils adhèrent et soutiennent de telle sorte que ce ne soit pas l’équipe nationale seule qui est prise en considération. Je me rappelle que quand j’étais plus jeune, le championnat burkinabè était beaucoup plus suivi. Je suis allé voir des matchs. Il y avait du public. C’est dommage qu’aujourd’hui, nous n’arrivions plus à trouver le même public. Je pense que comme on le dit, il faut développer un football business. Il faut que les clubs essaient de se structurer en travaillant sur du football business en faisant de telle sorte qu’on puisse avoir des sponsors qui accompagnent comme il faut. Au niveau du sponsoring au Burkina, il y a un problème. Faire de telle sorte que les grandes firmes de la place sachent que joindre leur image leur sera bénéfique et favorable. Toute chose qui passe d’abord par la crédibilité du championnat et des clubs dont le côté organisationnel et professionnel est nécessaire. Cela rendra le championnat plus attractif. Il faut mieux se structurer. Cela veut dire que la fédération doit continuer à abattre un gros travail si on veut que cela soit possible. Je voudrais profiter de vos colonnes pour remercier tous ceux qui, de près ou de loin, ont participé à mon développement. Tous ceux m’ont toujours soutenu quelle qu’en soit la situation. Qu’ils sachent que c’est grâce à eux que j’ai pu faire une carrière riche même s’ils ont aussi voulu me voir dans des clubs plus huppés. J’ai été content d’être sur les terrains et leur faire plaisir. J’espère qu’en dehors des terrains de football, ils continueront à me soutenir. Je voudrais encore et surtout remercier le public burkinabè. Il m’a toujours apporté le soutien qu’il faut. Soutien qui m’a toujours permis de faire de grands matchs dans la cuvette du stade du 4-Août.

Interview réalisée par Yves OUEDRAOGO

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