Le médecin-colonel Alain Traoré, responsable de la commission médicale de la fédération burkinabé de football : « C’est très important d’avoir une hygiène alimentaire »

Une alimentation équilibrée consiste à adopter un régime varié et adapté à ses besoins. Plus de précisions avec le médecin-colonel, Alain Traoré, responsable de la commission médicale de la Fédération burkinabè de football.

Sidwaya (S.) : Qu’est-ce qu’un équilibre alimentaire ?

Alain Traoré (A.T.) : L’équilibre alimentaire est une adéquation entre les besoins de l’organisme et la quantité d’aliments que l’on va ingérer soit par jour, soit par semaine. Cet équilibre est indexé sur les besoins de l’organisme. Ces besoins sont ceux nécessaires pour le fonctionnement de l’organisme, appelé métabolisme de base qui lui-même est indexé sur le poids. Les besoins sont variables d’un individu à un autre.

Chez le sportif particulièrement, les besoins vont être plus élevés puisque les nutriments que celui-ci apporte vont être transformés en énergie et celle-ci sera calculée en kilocalorie par gramme d’aliments. L’équilibre alimentaire est basé sur les glucides, les protides et les lipides. L’apport est donc basé sur un certain ratio. Chez le sportif, il y a un apport glucidique, car, ce sont elles qui sont brulées rapidement.

C’est pourquoi, cet apport est beaucoup plus élevé que chez la personne sédentaire. Par contre, les apports lipidiques doivent être réduits, parce que les lipides tout comme les autres se transforment en graisse. Ce dépôt de graisse va diminuer la capacité de l’organisme à pouvoir faire une activité intensive.

Les graisses vont se déposer au niveau de l’abdomen, des muscles et surtout au niveau du foie. Pour le sportif de haut niveau, surtout chez le footballeur, la masse adipeuse (masse graisseuse) doit être calculée. La masse adipeuse est l’épaisseur totale de la graisse totale dans l’organisme. Et celui-ci doit être compris dans une certaine fourchette.

Elle varie chez l’homme et la femme. Chez l’homme, la masse adipeuse tolérée est comprise entre 8 à 11 %. Son calcul s’effectue par une méthode appelée impédancemétrie (technique de mesure du pourcentage corporel de masse grasse, basée sur la résistance des tissus adipeux à un courant électrique de faible intensité).

Par contre chez la femme, elle peut atteindre jusqu’à 18%. Si, une personne a beaucoup de graisses et vous lui donnez des aliments gras, il va s’en dire que celle-ci ne sera pas performante. Car, les dépenses métaboliques de base vont augmenter et cela complique la respiration, le fonctionnement du cœur.

S. : Comment le footballeur doit maintenir cet équilibre alimentaire ?

A.T. : Le footballeur peut maintenir son équilibre alimentaire en se basant sur le travail du nutritionniste ou encore appelé la diététique du sport. Il va d’abord prendre le poids du footballeur (le poids normal) par rapport au poids de forme. Dans le football, on cherche à la fois, la vivacité, la rapidité, mais aussi l’endurance (il faut pouvoir tenir).

Alors que le football, c’est l’alternance de vitesse, de ralentissement, de pousse d’accélération. Mais pendant les 90 minutes, il y a beaucoup de sprints et il y a des périodes de trottinement. Donc, le métabolisme du footballeur va être double. Ce n’est pas comparable à celui qui fait du 100 mètres rapidement et ensuite, il fait une pause. Celui qui doit faire le marathon, doit avoir une réserve capable de faire jusqu’à 10,12 voire 42 kilomètres. Les dépenses énergétiques varient d’un sport à l’autre.

S. : Quelles sont les différentes proportions de nutriments ?

A.T. : L’énergie doit être calculée en fonction du sexe, de l’âge, du poids, de la taille et l’activité qui est délibérée en calories (nombre d’énergie, balance énergétique). Ces différentes macros nutriments sont les glucides, les lipides, les protéines. Pour les glucides, c’est environ 5 à 8 grammes/kilogramme/jour qui représentent 50 à 55% de l’apport énergétique total. Pour les lipides, 1 à 1,2 grammes/kilogrammes/jour soit environ 30 à 35 % des apports énergétiques totaux.

Quant aux protéines, il faut 1 à 2 grammes/ kilogramme/jour soit 12 à 15 % des apports énergétiques totaux. La moitié des apports énergétiques sont des glucides, les lipides ce sont environ 30 à 35% et les protéines (viande/poisson) c’est 10 à 15%. Mais malheureusement, l’on préfère manger un poulet entier pour le plaisir au détriment de l’équilibre alimentaire.

Pour l’équilibre alimentaire, il faut plus de glucides. Mais, il y a des glucides lents et celles rapides. Les glucides lents sont les apports énergétiques surtout à base d’amidon (le riz, la pomme de terre, le mil, le maïs). Ces sucres sont à métabolisation lente et peuvent rester beaucoup longtemps dans l’organisme. Contrairement au sucre direct consommé (du saccarose ou du fructose), ce sucre est à métabolisme rapide et dès qu’il est consommé, la proportion du taux de sucre va augmenter dans l’organisme, va augmenter la glycémie sans augmenter la performance du sportif.

Contrairement à ce que beaucoup de sportifs pensent qu’avant d’aller faire une activité sportive, il faut boire beaucoup de sucre, il faut manger sucré. Il faut éviter de manger trop sucré. Par contre, les pâtes alimentaires, le riz, les féculents qui sont à métabolisme beaucoup plus lents sont beaucoup plus résistants et restent surtout dans l’organisme plus longtemps. Chez le sportif, l’alimentation doit se faire 3 à 4 heures avant l’activité physique. C’est le délai nécessaire pour l’évacuation des aliments dans l’estomac pour que celui-ci mène une activité.

S. : Quels sont les aliments à privilégier ?

A.T. : Les trois principaux aliments sont les aliments glucidiques, lipidiques et protidiques. L’alimentation comme l’a défini la FIFA doit varier selon la latitude, selon les régions du monde et selon le goût du sportif. L’essentiel, c’est un équilibre en l’apport et les différents composés de nutriments. Si le sportif arrive à respecter les proportions de 50 à 55 % pour les glucides, 10 à 15 % pour les protides et 30 à 35% pour les lipides, ce qu’il va manger variera.

Si le sportif est au Burkina Faso, il aura tendance à manger du haricot, du tô, du riz, de la pomme de terre, etc. Dans la répartition globale des nutriments, il faut des aliments lipidiques, des aliments qui sont à double composé comme le lait, les œufs. Il ne faut pas calquer l’alimentation du sportif sur l’alimentation internationale. Mais, elle doit être basée sur la quantité d’apport calorique que vous avez par rapport aux aliments qu’il y a dans la région.

Il y a aussi l’apport vitaminique, les sels minéraux (calcium, magnésium, silicium…) qui sont indispensables dans l’organisme. Les sportifs doivent éviter le beurre, car il est hyper gras. Quand on utilise le beurre, sa métabolisation immédiate est difficile, il ralentit l’activité, alourdit le sportif, mais cette métabolisation va se transformer en glycogène et celui-ci va se déposer dans le muscle , ce qui va donner les graisses.

S. : Dans l’alimentation générale, qu’est-ce que les professionnels du football doivent éviter ?

A.T. : Le footballeur doit d’une manière générale, consommer les trois nutriments (glucides, lipides, protides) et cette consommation s’accompagne d’une quantité d’eau importante. Le sportif, d’une manière générale et le footballeur en particulier doit boire abondamment. Au bout d’une heure d’activité, habituellement, le sportif perd environ 1 à 1,5 litre d’eau par la transpiration, par la respiration, par les phénomènes de convection…

Et cet apport d’eau doit compenser non seulement les pertes que celui-ci subit, mais être supérieur pour permettre à l’organisme de continuer à fonctionner. Quand vous perdez de la sueur, vous perdez votre volume sanguin, vous diminuez la capacité des cellules à se régénérer et surtout à évacuer l’acide lactique dans l’organisme. Donc, il faut boire énormément d’eau. Boire même avant d’avoir soif. Mais le footballeur doit boire de manière fractionnée (boire de petites quantités régulièrement).

S. : Quelle est l’incidence d’un équilibre alimentaire sur la performance du sportif et du footballeur en particulier ?

A.T. : L’équilibre alimentaire est une priorité chez le sportif. Si l’on prend deux sportifs qui ont la même performance, l’un qui a un équilibre alimentaire correct et l’autre qui a un à mauvais équilibre alimentaire, la performance physique de celui qui a un mauvais équilibre va diminuer de 20 à 30 % et cette mauvaise hygiène va augmenter les blessures chez le sportif, il aura fréquemment des problèmes bucco-dentaires.

Le sportif doit consommer des aliments sains et éviter tous les aliments toxiques qui peuvent diminuer ses performances. Il doit éviter les boissons alcoolisées, le tabac, les aliments prohibés. Lorsque les footballeurs consomment ces aliments prohibés (dopantes) au cours de quelques années, la contreperformance commence à s’installer, avec le risque de mort subite et d’arrêt cardiaque.

Entretien réalisée par : Wamini Micheline OUEDRAOGO

michouleazar@gmail.com

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