Les Etalons entrent en lice dans la Coupe d’Afrique des nations (CAN) Côte d’Ivoire 2023, ce mardi 16 janvier 2024 à travers une confrontation avec la Mauritanie (Groupe D). En plein préparatif de cette fête du football africain, le ministre des Sports, de la Jeunesse et de l’Emploi, Boubakar Savadogo, s’est ouvert à Sidwaya, le samedi 13 janvier en début de soirée. En deux heures d’entretien, l’Invité de la Rédaction a abordé, sans faux-fuyant, la préparation des Etalons, la crise qui a secoué le football burkinabè, l’accompagnement des autres disciplines, la réhabilitation du stade du 4-Août, l’Etat des stades du 11-Décembre, les questions de jeunesse, de formation professionnelle et d’emploi …
Sidwaya (S) : Entre le sport, la jeunesse et l’emploi, lequel des trois domaines de votre département vous fait-il perdre parfois le sommeil ?
Boubakar Savadogo (B.S) : Il y a deux départements qui me font perdre le sommeil. Il y a bien-sûr le sport qui est le plus petit département, mais qui est un domaine très passionné. On dit que le sport est rassembleur, mais les acteurs ont du mal à se rassembler. Souvent, ils ont besoin de s’échauffer avant de se rassembler (rire). Après le sport, il y a le volet emploi assez difficile. On n’entend pas souvent les soubresauts, mais ils existent. L’Etat a mis à la disposition de beaucoup de jeunes entrepreneurs des moyens, mais ces moyens ont été utilisés à d’autres fins. Aujourd’hui, pour redresser la pente, c’est devenu très difficile. Il y a eu une très grande incompréhension. Ces deux domaines sont vraiment un casse-tête. Ce qui ne veut pas dire que le troisième domaine qui est la jeunesse ne pose pas problème. Nous avons un quatrième volet qui est la formation professionnelle. Un volet que nous sommes en train de reformer dans la dynamique d’une réforme globale des systèmes éducatifs.
S : Le Conseil des ministres en sa séance du 20 septembre 2023 a adopté trois décrets d’application de la loi n°050 du 21 novembre 2019 portant sur la loi d’orientation des sports et loisirs. Quels seront les apports de cette loi à la promotion du sport et des loisirs au Burkina ?
B.S : Ces trois décrets ont été effectivement pris lors de ce Conseil des ministres. Il s’agit d’un décret sur les instances et les organes qui gouvernent les différentes structures sportives. Il y a aussi ce décret sur l’organisation des structures de formation. Et le dernier décret porte sur les subventions, l’éligibilité aux subventions et les différentes catégories de subventions que l’on peut donner aux structures sportives. Si je prends le cas des organes dirigeants, cela a permis de réglementer un peu le processus de mise en place d’un district, d’une ligue et d’une fédération. Le décret clarifie comment on met en place ou on attribue les Directeurs techniques nationaux (DTN) des différentes fédérations. Il y a aussi le fait que maintenant, pour passer à une fédération, il faut que ce soit des critères de listes pour faciliter la gestion des fédérations plus tard. Parce que quand on n’arrive pas avec ses hommes, cela est à chaque fois une source de crises redondantes. Nous avons anticipé sur ces éléments. En ce qui concerne les subventions, nous avons les différentes structures qui peuvent subventionner des organes dirigeants, les clubs, les associations et les sociétés. Notre sport est sous perfusion de l’Etat.
Nous voyons comment les clubs et associations souffrent. Il y a une émergence de sociétés sportives qui a commencé. Nous en voyons déjà dans le football avec des associations qui ont commencé en D3 pour se retrouver plus tard en Ligue1. Comme ce sont des entreprises qui agissent dans le même domaine que des clubs et associations, il faut commencer à mettre en place les règles du jeu. Sinon, nous allons nous retrouver très rapidement coincés où l’Etat va estimer qu’ils jouent dans la même cour, mais il ne peut pas les prendre dans les mêmes catégories. Nous avons aussi déterminé qui a droit aux subventions du ministère, aux subventions des entreprises privées ou aux subventions des collectivités territoriales et ainsi de suite. C’est tout cela que nous avons essayé de réglementer. Le troisième décret porte sur les structures de formation. Avant, chacun peut déclarer du jour au lendemain posséder une académie ou une école de sport ou de loisirs. Nous avons, avec les acteurs, défini trois formes. Dans chacune d’elles, il y a des catégories. Il y a l’école de sport ou de loisirs qui est une structure qui n’est pas dédiée totalement à la pratique, mais on y vient pour un complément. Là-bas, ce sont des enfants de moins de 16 ans qui y vont pour la pratique du sport en dehors des heures de cours. Après, nous avons les centres de formation qui concernent les plus de 16 ans avec les catégories A et B. La première catégorie n’intègre pas l’école, ni la formation professionnelle. On y vient juste pour la pratique.
La catégorie B intègre l’ensemble. A l’académie aussi qui concerne les plus de 16 ans, on parle de haut niveau avec le multisports. Par exemple dans une académie, vous trouverez le football, le basketball, le volleyball, l’athlétisme, etc. Ce sont quelques différences que nous avons essayées de faire. Cela a l’avantage qu’ils ont trois ans pour se mettre en règle. A partir de ce moment, nous aurons des « listings » de tous les jeunes qui pratiquent le sport afin de pouvoir les suivre. Des fois, nous avons des structures qui viennent au ministère, car, voulant convoyer des jeunes en Europe ou ailleurs pour des tests. Mais, rien ne nous prouve que ces jeunes sont dans les centres en question. Cela exige pourtant que ces jeunes soient accompagnés par des encadreurs. Nous devons de ce fait établir des ordres de mission et faire des plaidoyers auprès des ambassades pour l’obtention des visas. Qu’est ce qui prouve que ces derniers y étaient ? Et s’ils ne reviennent pas ? Donc, la loi d’orientation va nous permettre de réglementer tout cela. Dans le sport, il y a des éléments sur lesquels il faut faire attention pour la gestion des âges des jeunes. Cela fait que des gens ne veulent pas que l’on soit transparent là-dessus. Nous allons faire en sorte que cela puisse marcher dans les bonnes règles. Que nous ayons une identité du jeune qui veut pratiquer le sport dès son bas âge et qui va le suivre. Quand nos jeunes vont pour une compétition, nous sommes tous stressés lorsqu’on dit qu’ils doivent passer l’Imagerie par résonance magnétique (IRM).
Tout simplement parce que nous savons qu’il y a peut-être des règles qui n’ont pas été respectées scrupuleusement. Voilà des éléments que nous allons mettre en place pour aider le développement du sport de haut niveau dans notre pays. S : Quelles seront les grandes innovations pour l’éclosion des jeunes sportifs ? B.S : Pour l’éclosion de jeunes talents, il y a bien sûr ces décrets qui organisent les structures de formation. Nous avons prévu des compétitions entre ces différentes structures. De nos jours, nous n’avons pas une compétition qui regroupe ces différentes structures pour que nous puissions voir qui émerge et comment nous pouvons l’accompagner à avoir un niveau plus élevé. Nous avons les Ecoles de formation de la relève sportive (EFORS) au niveau du ministère qui se trouvent dans les différentes régions où il y a différentes disciplines qui sont pratiquées. Il y a un encadrement constant dans ce cadre-là. Au-delà, nous voulons à travers ces compétitions, être capables de détecter des talents et les placer avec des bourses dans des centres internationaux de préparation et de développement des sports de haut niveau. Rapidement, nous pouvons arriver à nos limites dans un contexte où il n’y a pas toutes les infrastructures, où il n’y a pas l’encadrement, où il n’y a pas des compétitions de haut niveau. Nous voulons développer cette politique qui existe déjà pour certains. Comme vous le savez, il y a une bourse du ministère des Sports pour accompagner le sport de haut niveau. Nous avons les exemples d’Hugues Fabrice Zango, Marthe Koala, Paul Daumont. Il faut organiser à la base, détecter des talents et pouvoir les accompagner rapidement pour qu’ils soient dans un canal qui les permette d’être des athlètes de haut niveau assez rapidement.
S : On reproche à votre département de trop se focaliser sur le football au détriment des autres disciplines…
B.S : Depuis que je suis arrivé au ministère des Sports, de la Jeunesse et de l’Emploi, le 12 janvier 2023, j’ai toujours dit qu’il n’y a pas de petits sports. Tous les sports se valent. Maintenant, cela dépend du dynamisme des fédérations. Nous avons les arbitrages budgétaires pour attribuer à chaque fédération une quote-part de subventions qu’elle doit justifier. Nous avons le Fonds national pour la promotion du sport et des loisirs à qui nous soumettons des requêtes pour toutes les fédérations pour les accompagner. En plus de cela, je m’investis personnellement auprès des donateurs pour qu’ils accompagnent les fédérations. Il n’y a pas une fédération aujourd’hui qui peut dire que nous ne lui avons pas fait un clin d’œil. Lorsqu’elles ont des compétitions, nous les accompagnons. Nous faisons tout pour qu’elles puissent se préparer pour y aller. Quand je prends le cyclisme par exemple, nous avons réalisé cette année plusieurs courses qui n’étaient pas inscrites au calendrier. Et vous avez pu constater qu’à chaque fois que nos athlètes font des performances, nous les avons accompagnés auprès du président de la Transition. Pour vous dire que nous accompagnons toutes les disciplines grâce au Fonds national pour la promotion du sport et des loisirs.
S : Que devient le projet du statut de sportif de haut niveau au Burkina Faso ?
B.S : Le statut du sportif de haut niveau faisait partie des décrets que nous avions introduits en Conseil des ministres lorsque les trois ont été adoptés. Il se trouvait que comme il s’agit de questions de finances dans la loi, il a été dit que c’est le ministère des Finances qui doit le porter. Nous sommes là-dessus parce qu’à mon avis, il y a eu des amalgames. Le statut de sportif de haut niveau a été confondu avec le statut d’ancien sportif. Quand on dit que vous êtes sportif de haut niveau, c’est pendant que vous êtes en activité. Lorsque je suis arrivé, j’ai trouvé cette confusion. Quand on parle de sportif de haut niveau, nous faisons des réquisitions auprès de leurs employeurs lorsqu’ils ont des compétitions. Ils continuent de bénéficier de leurs salaires pour le faire. Lorsque nous mettons des sportifs de haut niveau en préparation, ils ont des primes de sélection, des primes de préparation, des primes de participation, etc. Ce qui veut dire que la question est quand même réglée d’une façon ou d’une autre. C’est au niveau de l’après-carrière où le problème se pose et ce n’était pas bien posé.
C’est là que nous avons pris le temps pour le réglementer. Pendant la carrière, il faut préparer l’après-carrière. Il n’y a aucun dispositif qui permet de les aider à préparer l’après-carrière. Nous savons que les carrières sont courtes. Il y a très peu qui ont des chances d’avoir des carrières de plus de 10 ans, ou même de plus de 5 ans dans le haut niveau. Voilà là où nous sommes en train de travailler. Sinon, le statut des sportifs de haut niveau est déjà traité. Quand vous prenez notre champion du monde, Hugues Fabrice Zango, nous avons tous les traitements de faveur dont ils bénéficient. Mais, quand vous prenez un ancien international qui a des difficultés pour joindre les deux bouts, c’est là où nous avons un vide. Il faut que nous fassions très attention, parce que toutes les personnalités ou toutes les personnes de notre pays contribuent d’une façon ou d’une autre à son rayonnement. Il faut que nous fassions attention à ne pas créer des citoyens de seconde zone. Un instituteur qui se retrouve dans un village reculé et qui permet à des enfants de savoir lire, écrire et d’aller plus loin plus tard, il peut être comme un héros. Ce sont ces amalgames que nous voulons éviter aujourd’hui. Dans les statuts que nous voulons travailler, c’est de faire en sorte que pendant la carrière, que nous puissions préparer l’après-carrière. Il faut que les gens puissent prendre cela en compte. Nous avons des sportifs qui ont eu des revenus de plus de 50 millions F CFA par mois pendant 5 à 6 ans et aujourd’hui, se retrouvent sans un copeck. Nous avons donc prévu que lorsqu’on est sportif de haut niveau, on puisse déjà penser à la reconversion pour que leur statut d’ancien sportif de haut niveau puisse être facilité.
S. : En juillet passé, le Conseil des ministres a approuvé la création de Burkina Yîn-wisgr Meta (BYM). Pourquoi une telle structure ?
B.S : Burkina Yîn-wisgr Meta est une idée formidable vu le contexte. Nous avions au sein du ministère des Sports, de la Jeunesse et de l’Emploi et même de l’ancien ministère des Sports et des Loisirs, plusieurs structures qui avaient des fonctions complémentaires mais qui ne se parlaient pas. Nous avions un Secrétariat technique aux infrastructures qui était lié au cabinet du ministre et chargé de faire le contrôle, la supervision des infrastructures qui se mettaient en place. Nous avions l’Office de gestion des infrastructures sportives qui gérait le stade du 4-Août, le stade Sangoulé-Lamizana, le Centre technique des Etalons et le Local chinois à côté du stade du 4-Août. Mais ce n’était que la gestion. En plus, nous avions l’Office de gestion du palais des Sports de Ouaga 2000 qui est aussi une infrastructure comme toute autre. Nous avions également le Centre national médico-sportif. Et tout cela, il n’y avait pas de communication. D’où la cacophonie sur le chantier du stade du 4-Août parce que je gère ce stade mais je ne suis pas impliqué dans sa rénovation et dans le contrôle.
L’Office de gestion des infrastructures sportives restait dans sa poche des gestionnaires uniquement. Il n’est pas impliqué dans la conception de la réfection, ni dans le contrôle, etc. C’est géré au niveau du cabinet et eux subissent. Nous avons vu tous les stades du 11-Décembre qui ont été réalisés. Sur les 11, en dehors de Ziniaré qui a subi une réhabilitation avec l’appui de la Fédération royale marocaine du football, les 10 autres ne sont pas fonctionnels et tout le monde s’accuse. Nous nous sommes inspirés de ce qui existe et nous nous sommes dit qu’il fallait une structure qui va gérer depuis la conception jusqu’à l’entretien, en passant par le contrôle de la réalisation, de l’exploitation et de l’entretien dans les départements différents. Cela va éviter que l’on soit dans des cas comme nous avons subi. Vous avez tous vu que l’inspecteur de la Confédération africaine de football (CAF) est venu nous dire que le stade du 4-Août toujours en chantier ne répondait pas aux normes. Ce n’est pas après trois ans qu’on doit nous dire cela puisque la réflexion a commencé depuis. Tout simplement parce que celui qui gère est différent de celui qui contrôle et lui-même il est différent de celui qui fait l’entretien.
Alors aujourd’hui, cette situation ne peut pas arriver avec Yîn-wisgr Meta parce que nous avons des départements de conception, de réalisation-suivi-contrôle, d’exploitation, d’entretien et même un département relation avec les structures partenaires. Si on avait cette organisation, le département en charge des relations avec les structures partenaires interpellerait la Fédération burkinabè de football (FBF) pour savoir ce que dit la CAF. Yîn-wisgr Meta va nous permettre d’éviter une telle catastrophe à l’avenir.
S : Etes-vous d’accord avec les déclarations du représentant de la CAF qui a laissé entendre qu’on ne construit pas un stade comme une maison d’habitation ?
B.S : Oui bien sûr ! Pour une maison d’habitation, on connaît les règles. On sait la hauteur des portes, des installations. On sait là où doivent être placées les toilettes. On n’a pas de vestiaires dans une maison d’habitation. Et les vestiaires répondent à des normes. Nous n’avons pas dans une maison d’habitation des tribunes VIP et des tribunes VVIP. Nous n’avons pas des salles de presse. Nous n’avons pas des zones communes. Il y a des règles pour chaque chose. Il faut le comprendre dans ce sens-là…
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Entretien réalisé par La Rédaction