Elue le 20 novembre 2016 à la tête de la Fédération burkinabè de rugby, Rolande Boro après 2 mandats bien remplis a passé le témoin à Nourou Guinko. Femme battante et bien dégourdie, elle part en laissant un riche héritage à son successeur. Bilan, difficultés… avec la désormais ex- présidente de la balle ovale burkinabè.

Quel bilan faites-vous de votre passage à la tête de la Fédération burkinabè de rugby ?

Je dirai que pour mes deux mandats, j’ai partagé avec mon équipe une vision ambitieuse. Il s’agit de promouvoir l’image du Burkina Faso à travers le rugby sur la scène internationale. Pour concrétiser cette vision, nous avons entrepris un travail structuré en interne, en instaurant deux championnats nationaux au rugby à 7 et à 15. Auxquels s’ajoutent un championnat féminin et des catégories jeunes.

Une vision de cette ampleur nécessite une équipe solide, composée de personnes compétentes, et surtout porteuses de valeurs. Nous avons cherché ces talents tant au sein du rugby burkinabè qu’à l’extérieur. En effet, dans un milieu associatif où les intérêts individuels peuvent parfois prévaloir, il est crucial de bénéficier d’un regard extérieur et neutre. Il a donc fallu développer rapidement des stratégies permettant à chaque membre de progresser et de se montrer à la hauteur de cette vision. Nous avons démarré par des stages de haut niveau destinés aux athlètes. L’engagement de l’entraîneur sud-africain Bronson Weir a permis d’organiser des stages réguliers en Afrique du Sud.

Nos athlètes ont ainsi pu évoluer dans des clubs sud-africains pour se familiariser avec le haut niveau. Ils se sont imprégnés de la culture rugby et ont pu se perfectionner en anglais, langue largement utilisée lors des grandes compétitions, y compris pour l’arbitrage. Grâce au soutien de nos compatriotes Antoine Yaméogo et Zéba Patrice Traoré, et à une convention de visa signée avec l’ambassade de France au Burkina, plusieurs de nos joueurs ont eu l’opportunité de se former au Stade Toulousain. Ils ont pu participer à des compétitions en France, telles que les Paris World Games, le Central Sevens et le Hinton.

Par ailleurs, une précieuse collaboration avec l’honorable Ivanov Christo et le formateur Gabriel Lignères nous a permis de créer des liens avec le Servette de Genève, permettant à nos encadreurs de bénéficier de formations de qualité. Notre Pilanou (ndlr : nom de l’équipe nationale du Burkina) a même disputé un match amical avec les Barbarians suisses. Avec le soutien de World Rugby et Rugby Afrique, nous avons aujourd’hui cinq formateurs pour entraîneurs, un formateur médical et quatre formateurs pour arbitres.

Par le biais du Comité olympique, nous avons obtenu un stage d’entraîneur de haut niveau à Lausanne pour Liliane Monique Somé. Douze de nos cadres techniques ont également reçu une formation poussée en arbitrage, entraînement et administration à Lomé, en partenariat avec Rugby Afrique, l’AFD et la FFR. Deux stages féminins, organisés grâce au Comité national olympique et des sports burkinabè, ont par ailleurs bénéficié à plus de 45 athlètes. Six de nos athlètes ont rejoint des clubs en France.

Il s’agit d’Abdoul Gafour Karembiri, Moussa Millogo, Joël Damas Compaoré, Kassoum Demé, Moussa et Rabo. Trois autres à savoir Adama Demé, Omar Dao et Abdoul Kader Ouédraogo se rendent chaque saison en Afrique du Sud pour y évoluer. Sur le plan du leadership continental et mondial, il était essentiel d’intégrer les instances décisionnelles, tant au niveau continental que mondial. En 2019, après avoir été élue au bureau exécutif de rugby Afrique, j’ai eu l’honneur de devenir la première femme africaine à siéger au Conseil mondial de World rugby avec droit de vote. En 2023, j’ai été réélue au sein de rugby Afrique. Blaise Tiendrebeogo et Euloge Kaboré ont respectivement intégré le commissariat à la citation et le match de Rugby Afrique.

Est-ce facile pour une femme de diriger une fédération sportive au Burkina ?

Ce n’est pas du tout facile. Mais pourtant, nous avons la compétence pour le faire. Ce n’est pas du tout facile parce que primo, les gens n’ont pas vu beaucoup de femmes à l’épreuve. Du coup, ils sont sceptiques. A mon niveau, j’ai pu faire deux mandats parce que mon équipe et moi avons réalisé beaucoup de choses qui n’avaient jamais été de par le passé. Les gens étaient obligés de se plier à cette réalité et d’accepter. Nous nous sommes imposés par le travail. Je retiens que dans toute organisation, si tu places la barre très haute, ça suscite une convoitise et certains se disent qu’il y a beaucoup d’argent à gagner. Alors que c’est beaucoup de sacrifices et de nuits blanches.

Vous quittez la tête de la fédération au moment où les instances mondiales prônent pour la promotion du genre. Y a-t-il pas un petit regret à ce niveau ?

C’est ce défi que nous avons voulu encore relever en se manifestant de rester. Cela aussi pour susciter d’autres candidatures féminines. Malheureusement, il faut reconnaître qu’en tant que femme, nous nous sommes battues sans véritablement pas de soutien. Les gens verront le vide après notre départ. Je pense que c’est interpellateur. Quand il y a de bonnes volontés de femmes qui se jettent à l’eau, tous les acteurs devraient accompagner pour que ça fasse tache d’huile. Et inciter beaucoup de femmes à emboîter le pas, afin que ça ne soit plus quelque chose qui sort de l’ordinaire. Jusqu’à présent, dans nos sociétés, en termes d’intégrité en tant que femmes, nous avons en tout cas jusqu’à preuve du contraire cet esprit de défendre l’intérêt général et aussi d’être intègre parce que nous avons peur des images, de ce que les gens pensent et ainsi de suite. Une femme à la tête d’une fédération évite beaucoup de dérives.

Pourquoi selon vous beaucoup de femmes hésitent de briguer la présidence des fédérations ?

Pas qu’elles ne veulent pas. Il y a quel mécanisme qui est mis en place pour préparer les femmes à y accéder ? C’est là la question. C’est un milieu de loups où il faut être prêt à tout pour y accéder. Les femmes se demandent si ça en vaut la peine. Les hommes ont pris le dessus sur les femmes et ça nécessite un accompagnement.

Le fait de quitter la fédération ne va-t-il pas hypothéquer vos chances de rester dans les instances internationales ?

Pas du tout, ce n’est pas lié. Ma chance est que j’ai fait mes preuves. L’on se demande dans un pays où il y a l’insécurité et qui fait face à plusieurs problèmes, comment ce pays a pu se hisser, en tout cas au haut niveau de l’Afrique, jusqu’à devenir premier pays francophone en termes de rugby à 7. Ce n’est pas pour se jeter des fleurs, mais, cette performance force le respect. Par rapport à cela, je ne crains pas grand-chose. J’ai même été sollicitée par la Fédération internationale en tant que mentor pour coacher des femmes. Je suis sur ce projet de coaching de mentorship des femmes en Afrique.

C’est vraiment dommage qu’on revienne encore à ce stade où il n’y a aucune femme à la tête d’une fédération sportive au Burkina. Cela doit susciter une réflexion dans laquelle, tous, allons contribuer pour que dans les années à venir, les choses changent. Et même dans les textes et directives du ministère des Sports, de la Jeunesse et de l’Emploi, il doit y avoir une discrimination un peu positive pour encourager les femmes à faire aussi leurs preuves. Parce que, quoi que l’on dise, c’est une plus-value, c’est une autre manière de voir. Ce n’est pas intéressant de voir tous des hommes qui se retrouvent sur une table.

Ça sera dans un seul sens et c’est dommage. J’interpelle les plus hautes autorités à s’intéresser à cela. A le mettre dans leur plan stratégique et accompagner les femmes à occuper des postes de responsabilité dans le sport. Pas seulement la présidence, mais c’est aussi des coaches féminins, des arbitres féminins d’un certain niveau. Par exemple, j’ai milité à ce que l’une de nos athlètes puisse faire un stage d’un haut niveau d’entraineur grâce au comité olympique. Nous sommes en train de la préparer pour qu’elle soit entraîneur de l’équipe féminine.

J’espère que malgré que je ne sois plus dans le bateau, ceux qui vont venir vont tenir compte de cet aspect. Je pars en laissant la fédération verte, sans dette, en laissant même de l’argent dans le compte Je voulais profiter de l’occasion que vous m’offrez pour remercier des partenaires et acteurs qui nous ont accompagnée durant ces deux mandatures. Je veux citer le Fonds national pour la promotion des sports et des loisirs, le Comité national olympique et des sports burkinabè, le ministère des Sports, les ambassades de France, du Japon et de l’Afrique du Sud, les deux palmiers. Je n’oublie pas de rendre hommage à mes prédécesseurs Arouna Sawadogo et Bassirou Kadio.

Interview réalisée par Yves OUEDRAOGO


Bilan sur les performances de Rolande Boro en 2 mandats

2017 : Rugby à XV régional à Niamey – Vainqueur.
2018 : Jeux africains à Alger – Demi-finaliste.
2018 : Rugby à 7 en Côte d’Ivoire-3e
2019 : Rugby à 7 au Bénin – Champions, masculin et féminin.
2019 : Participation aux Paris World Games – Vice-champions.
2020 : Affiliation à World rugby
2021 : Organisation du tournoi de repêchage au Burkina Faso avec le Cameroun et le Burundi – Vainqueurs, et match test de rugby à XV pour l’équipe féminine.
2021 : Première participation à la Coupe d’Afrique – Défaite contre le Zimbabwe, mais qualification pour les éliminatoires de la Coupe du monde France 2023.
2021 : Eliminatoires de Rugby Africa Sevens à Accra – Vice-champions, masculin et féminin.
2022 : Participation au Rugby Africa Sevens – Top 8.
2022 : Eliminatoires de la Coupe du monde France 2023 à Marseille – Top 8.
2023 : Participation au Central Sevens et au Hinton à Paris – 3e place et stage féminin.
2023 : Equipe masculine, éliminatoires des Jeux Olympiques de Paris 2024 au Zimbabwe – Top 6.
2023 : Equipe féminine, éliminatoires des Jeux Olympiques de Paris 2024 en Zambie – Top 11.
2024 : Coupe d’Afrique Sevens à l’île Maurice (masculin) – Top 5.
2024 : Coupe d’Afrique de Rugby à XV (masculin) – Top 8.
2024 : Coupe d’Afrique de Rugby à 7 (féminin).
2024 : Participation aux Jeux africains -3e après réclamation.

Laisser un commentaire