Système d’adduction d’eau potable : une œuvre « salvatrice » de promoteurs privés dans les zones non loties

Les difficultés d’accès à l’eau potable dans les zones non loties de la ville de Ouagadougou constituent un obstacle au bien-être des populations de ces quartiers. Bien que l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA) fasse des efforts pour satisfaire les consommateurs, elle peine à couvrir les besoins de tous les ménages. L’initiative de mettre en place le système d’Adduction d’eau potable (AEP) par les promoteurs privés sonne comme une alternative pour réduire les corvées d’eau pour les résidents des zones non viabilisées. Sauf que la qualité de l’eau servie est sujette à caution. Constat !

Ce système d’AEP dessert plus d’une dizaine de ménages en eau à travers des branchements dans la zone non lotie de Ramongsana.

Samedi 13 avril 2024. Il est 7h00 à Ramongsana, quartier situé à la périphérie Est de la ville de Ouagadougou. Femmes et enfants alignés en file indienne devant un point d’eau potable s’impatientent. Rasmata Ilboudo, résidente du quartier en fait partie. Venue à la recherche de l’eau avec ses huit bidons de 20 litres chacun, elle apprécie sans ambages l’idée de mettre en place un système d’Adduction d’eau potable (AEP). « Il est venu réellement soulager un tant soit peu nos souffrances dans la zone non lotie », lance-t-elle, tout sourire. Téné Ouédraogo, la soixantaine d’âge, résidente de ce quartier embouche la même trompette. Avant la mise en place de ce point d’eau, soutient-t-elle, la situa-tion était très difficile. « En 2015, l’Etat nous venait en aide à travers les grosses citernes chargées d’eau. Mais cela ne couvrait pas les besoins. Donc, il fallait se lever à 5h pour parcourir au moins 5 kilomètres pour se procurer l’eau », se remémore Mme Ouédraogo. Elle poursuit qu’auparavant, il lui fallait passer plus d’une heure à la fontaine pour espérer avoir le liquide précieux.

Des coûts « appréciables »

Aujourd’hui, dame Ouédraogo se réjouie parce que le pro-blème lié à la distance et au temps d’attente pour disposer de l’eau de consommation est presque résolu. Le système d’AEP est une « approche ser-vice » consistant à rapprocher les points d’eau potable des consommateurs. Il passe par une densification des réseaux de distribution d’eau potable avec beaucoup plus de bornes fontaines et des branchements particuliers. Dans les zones non loties, on distingue outre les systèmes d’ouvrage réalisés par l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA), ceux des promoteurs privés. Depuis deux ans, Idrissa Sandwidi est l’un des promoteurs privés dans le quartier de Ramongsana.

Le DAEP du ministère en charge de l’eau, Fidèle Koama assure que son département, de concert avec les autorités communales a engagé des actions de sensibilisation et de contrôle sur le respect des normes de potabilité de l’eau servie dans les ménages.

Il relate que l’idée d’installer un système d’AEP dans la zone lui est venue du constat de la souffrance que vivent les femmes et même les vieilles personnes à la recherche de l’eau potable, parfois à des heures indues. Selon le promoteur, son système d’approvisionnement en eau fonctionne de manière hybride, les installations étant alimentées à partir du solaire et/ou l’électricité. « Nous avons une technique de canalisation également qui permet de tirer l’eau vers les domiciles des consommateurs. Actuellement, nous desservons plus d’une dizaine de ménages dans le quartier », renseigne-t-il. Lorsqu’un ménage demande un branchement, précise M. Sandwidi, il doit prendre en charge le matériel d’installation. « Nous fixons le compteur et le relevé se fait mensuellement. Le mètre cube d’eau est vendu à 500 F CFA. Il y a aussi les taxes qui s’élèvent à 1 000 F CFA par mois », clarifie-t-il. Le procédé diffère d’un promoteur à un autre. Mahamadi Yawenba est bénéficiaire d’un branchement d’AEP dans le quartier Silimissi de Ouagadougou. Pour l’installation de ces deux robinets, il a déboursé la somme de 75 000 F CFA. A chaque fin de mois, il paye 2 500 F CFA quelle que soit la quantité d’eau utilisée. « C’est un énorme soulagement pour moi », se réjouit-il.

Qualité incertaine

Mamounata Daboulougo, bénéficiaire d’un branchement à domicile : « c’est de l’eau naturelle, elle ne contient pas d’odeur de produits ».

Les consommateurs qui s’approvisionnent directement à la source payent 50 F CFA pour trois bidons de 20 litres remplis. Des conditions jugées satisfaisantes par la cliente, Ilboudo Rasmata, au regard dit-elle, des difficultés d’accès à l’eau potable dans les zones non loties, surtout en période de forte chaleur. Si l’eau mise à la disposition des habitants par ces promoteurs privés est appréciée positivement par les consommateurs de ces quartiers non viabilisés, d’autres émettent des doutes quant à sa qualité pour la consommation humaine. « Quand les enfants boivent l’eau, ils manifestent parfois des douleurs, notamment des brûlures au niveau du bas-ventre pendant les urines. On retrouve quelques fois des moisissures de couleur verdâtre en dessous de nos récipients », relève Maimouna Daboulougou, consommatrice d’eau provenant d’un ouvrage réalisé par un promoteur privé. Pourtant, Idrissa Sandwidi, détenteur d’un AEP rassure de la qualité de l’eau distribuée à travers ce système. « Une analyse est faite par des spécialistes pour attester la potabilité avant de tirer les branchements vers les ménages », se défend-t-il. Nonobs-tant, l’incertitude qui pèse quant à la bonne qualité de l’eau, Chantal Yabré de Taabtenga, n’est pas du même avis.

Chantal Yabré de Taabtenga indique qu’elle utilise cette eau pour tous ses travaux ménagers.

« Nous utilisons cette eau pour nos travaux, la cuisine, la lessive, la vaisselle, etc. », raisonne-t-elle. Selon le Directeur de l’approvisionnement en eau potable (DAEP), Fidèle Koama du ministère de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement, les ouvrages réalisés généralement par les services étatiques respectent les normes et procédures parce qu’ils sont gérés par des fermiers recrutés avec un cahier de charges définissant les rôles et engagements de chaque partie. Il déplore cependant, la prolifération de la vente d’eau par des promoteurs privés qui réalisent leurs propres ouvrages sans aucune autorisation des autorités. « Ces eaux ne font généralement pas l’objet d’analyses par ces promoteurs », clarifie Fidèle Koama. A son avis, l’eau contenant des moisissures peut s’expliquer par une forme de contamination au niveau du polytank, d’où la nécessité de vérifier régulièrement la qualité. Toutefois, il précise que, de concert avec les autorités communales, le département en charge de l’eau a engagé, à travers la « police de l’eau », des campagnes de sensibilisation et de contrôle sur le respect des normes de potabilité de l’eau servie dans les ménages.

Zocobède TAMINI (Stagiaire)

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