L’espoir de changement nourri par certains Togolais s’est quelque peu effondré. Après près de deux ans de lutte et de manifestations publiques, la coalition de l’opposition, appelée C-14, a volé en éclats. Sept des quatorze partis qui la composaient ont claqué la porte, dont le Parti national panafricain (PNP) de Tikpi Atchadam, l’homme fort du soulèvement populaire, en exil depuis plus d’un an. Deux d’entre eux ont rendu leur démission et les cinq autres ont juste suspendu leurs activités.
Une dislocation qui, logiquement, suscite des interrogations au sein de la population et dans le monde politique. Ils sont en effet nombreux, les Togolais qui se demandent pourquoi cela est arrivé après ces longs mois de vision commune, manifestée récemment lors des élections législatives du 20 décembre 2018. A cette occasion, la coalition de l’opposition, qui estimait que les conditions n’étaient pas réunies pour des élections transparentes, avait refusé d’y participer. Et les résultats avaient d’ailleurs consolidé ses espoirs, car malgré cette non-participation, l’Union pour la république (UNIR), parti au pouvoir, a perdu trois places (59 sièges sur 91).
Ce qui devrait compliquer la concrétisation de la volonté des partisans de Faure Gnassingbé d’opérer une réforme constitutionnelle pour lui «offrir» deux autres mandats (2020 et 2025). Même si l’UNIR peut compter sur son principal allié, l’ex-opposant historique, Gilchrist Olympio, arrivé deuxième aux dernières législatives avec six députés, il allait devoir travailler dur pour remonter la pente. Car, pour être libre de tout mouvement, il lui faut l’onction de 73 députés. Pour l’heure, la préoccupation n’est pas à ce niveau.
Le plus important est de rechercher la vraie raison de cette surprenante «débandade». Officiellement, c’est «un déficit de cohésion et de confiance» qui est brandi. Mais selon certaines informations, c’est le «nerf de la guerre» qui a divisé les opposants. Il s’agit d’une affaire de 30 millions F CFA remis à l’opposition par un chef d’Etat de la sous-région. Si la seconde raison est confirmée, cela pose à nouveau la question d’ingérence dans les politiques intérieures des pays africains.
Dans quel but ce président a-t-il fait ce «cadeau empoisonné» ? Voulait-il soutenir l’opposition sans arrière-pensée ou avait-il l’intention manifeste de l’effriter en créant des troubles internes ? Dans tous les cas, fragiliser l’opposition aujourd’hui pour permettre au pouvoir de se maintenir ne serait que déplacer le problème sans toutefois le résoudre. En le faisant, on tord le cou à la démocratie togolaise avec des conséquences imprévisibles. Admettons par exemple que la réforme constitutionnelle ait lieu contre vents et marées et que Faure Gnassingbé est réélu en 2020, peut-on prévoir le comportement du peuple togolais dont une bonne partie ne cesse de crier au changement ? Autrement dit, peut-on garantir une situation postélectorale paisible dans ces conditions? Si l’objectif est aussi de soutenir l’opposition pour la renforcer, il y a de quoi se poser des questions sur l’opportunité et les intentions réelles des «bonnes volontés».
Par contre, si cette fissure révèle au grand jour une insuffisance de cohésion et de confiance, l’opposition gagnerait à se réorganiser sérieusement, si elle entend récupérer la magistrature suprême aux prochaines échéances électorales. Autrement, que le régime Faure se frotte les mains, parce qu’il a de beaux jours devant lui. Il est impossible d’être efficace dans un climat de suspicion permanente.
Daniel ZONGO