Des juges acquis, une justice à double vitesse, une impunité endémique érigée en mode de gouvernance, la traque compulsive du menu fretin, la surprotection des gros requins, la poudre aux yeux, le brouillard des initiés. C’est l’image que nombre de Burkinabè avaient du pouvoir judiciaire national.
Mais une nouvelle dynamique impulsée dès le lendemain de l’insurrection populaire, à travers la signature du nouveau pacte national pour le renouveau de la justice, semble avoir donné, enfin, de nouvelles ailes au troisième pouvoir et un nouvel espoir aux justiciables et aux entités éprises de justice.
Les acteurs judiciaires ont décidé de placer la rentrée 2021-2022 des juridictions du pays sous un thème plus qu’opportun. Ils ont décidé d’éplucher la question de la contribution judiciaire à la lutte contre le terrorisme, préoccupation majeure de tout le pays à l’heure actuelle.
Cette rentrée intervient aussi après une belle prise de présumés contrebandiers d’hydrocarbures liés à l’approvisionnement et au financement des terroristes qui endeuillent la nation. On peut aussi citer les cas des présidents d’institutions et de ministres qui ont été pris dans les mailles de l’appareil judiciaire.
Ces actes sont certes encourageants mais ne comblent toujours pas les attentes populaires. Car, les citoyens attendent impatiemment de la justice burkinabè non pas des actions qui redorent son blason mais un virage vital qui augure de meilleures perspectives tant pour l’enracinement de l’Etat de droit et de la démocratie, balbutiante et toujours brinquebalante, que pour la lutte contre le terrorisme. Ils attendent aussi des actions fortes de lutte contre l’impunité et son corollaire nécrotique de la corruption au Faso.
En ces temps de relations confuses avec les partenaires, la justice, notre justice, est un point nodal et l’arme décisive encore disponible pour responsabiliser et discipliner tous les acteurs, qu’ils soient décideurs, partenaires, bénéficiaires, experts ou observateurs vis-à-vis des actes qu’ils posent ou qu’ils ne posent pas.
On attend de la justice qu’elle cesse de se faire peur en s’imaginant qu’elle s’effondrerait sur elle-même en s’attaquant aux travers de la société dont elle est issue. On attend de la justice qu’elle cesse d’avoir peur d’imposer des valeurs à une société qui n’en veut uniquement que lorsqu’elles sont en phase avec ses petits intérêts.
On attend de notre justice qu’elle se rassoie pour estimer le réel pouvoir que la société lui a confié et qu’elle se souvienne des raisons pour lesquelles elle est investie de ce pouvoir. La justice burkinabè a le pouvoir de discipliner les requins pour que les alevins en soient davantage assagis d’office. Les armes à sa possession sont lourdes et nombreuses.
Sa contribution à l’assainissement de notre société est devenue cruciale au regard de la violation systématique de nos droits fondamentaux par les terroristes et leurs complices. Cette contribution doit être concrète et importante en dépit de ses limites connues. Il est vrai que la situation économique et sécuritaire précaire du pays et parfois le désespoir placent les citoyens dans un grand besoin de justice qui confine souvent à un besoin d’arbitraire.
Heureusement, l’autocritique que les acteurs de toute la chaine judiciaire font d’eux et de leur outil de travail ainsi de la juste maitrise de l’emprise sociétale sur l’appareil judiciaire poussent à l’optimisme. Si la justice peut servir la nation au-delà de l’interprétation savante des textes et de la judiciarisation scénique des affaires qu’elle connait, c’est maintenant, en ces temps troubles où le Burkina est soumis à une guerre horrible qu’elle doit gagner pour survivre. C’est en ce moment-même que l’action judiciaire contre le terrorisme compte triple.
Par Mahamadi TIEGNA
mahamaditiegna@yahoo.fr