Depuis 2019, un problème de chefferie « mal négocié » a conduit à des troubles dans le village de Doundoudougou, dans la commune rurale d’Andemtenga, province du Kourittenga. Des affrontements ouverts ont occasionné des destructions de biens et l’expropriation de terres arables, comme l’a constaté Sidwaya.
Sitôt ouvert hier jeudi 19 août 2021, le procès relatif à la crise intercommunautaire dans le village de Doundoudougou, dans la commune d’Andemtenga, a été renvoyé au 2 septembre prochain. Ce dossier est pendant devant le Tribunal de grande instance de Koupèla depuis 2019, avec pour principal chef d’accusation : « Destruction de biens appartenant à autrui ». Tout visiteur, qui met les pieds à Doundoudougou, s’aperçoit très vite que l’ambiance est très délétère dans ce village de la commune rurale d’Andemtenga, province du Kourittenga, région du Centre-Est. Doundoudougou, une localité d’environ 6 000 habitants composée de plusieurs ethnies qui vivaient en parfaite harmonie, était pourtant paisible. Les habitants menaient leurs activités quotidiennes que sont l’agriculture, l’élevage, le commerce (…) jusqu’en 2019. Une partie de la population de Doundoudougou établie au quartier Zamsé, à environ 5 kilomètres du centre du village, a entrepris d’installer un nouveau chef. Les démarches coutumières et traditionnelles se sont avérées infructueuses, mais l’intention, la manière et l’acte posé par Zamsé, ont vite sapé les bases d’un bon-vivre, vieux de plusieurs décennies. La tentative d’introniser un chef a été considérée par la grande majorité des populations de Doundoudougou, réunies autour de leur « Naba » comme, un affront, « un coup d’état manqué qui mérite une réplique à la hauteur ». Ainsi, Zamsé ressemble désormais à un quartier fantôme. Les populations sont terrées dans leurs concessions et les alentours des habitations toujours inexploités sur le plan agricole, sont envahis par des herbes. A la vue de notre véhicule de reportage, un garçonnet prend ses jambes à son coup en criant « les gens de Doundoudougou sont de retour ». Cette attitude illustre à souhait que certains habitants de ce quartier vivent la peur au ventre. 20 familles menacées d’expulsion Selon Francis Zagré, l’un d’entre eux, la crise a eu un effet indescriptible sur la vie de certains foyers de Zamsé. « Cela fait trois ans que nous ne cultivons pas les terres qui sont les nôtres. On nous a interdit toute exploitation agricole ou non. Nos femmes ne vont plus au marché hebdomadaire, ne sortent plus des maisons et personne ne nous rend visite de peur d’être associé à notre maltraitance. Nous sommes ici en résidence surveillée. Pire les incursions des jeunes de Doundoudougou dans nos différentes concessions se multiplient au fil du temps, nous demandant de quitter définitivement le village.
En début de saison pluvieuse (le 25 juin 2021), ils ont saccagé nos habitats, brûlé des cases et greniers, agressés nos proches à coups d’arme à feu, de machettes et autres objets contondants. Ils ont détruit nos champs qui étaient à un stade de croissance avancée » a-t-il expliqué. Selon Abdramane Zagré, un autre habitant de Zamsé, la situation est déplorable et plusieurs membres de familles mises en cause ont trouvé refuge loin du quartier. La crise a frappé une vingtaine de familles et touché plus de 200 personnes, tout âge confondu. Fort heureusement, dans cette crise vieille de trois ans, il n’y a pas eu de perte en vie humaine, même si des menaces de morts sont légion. « Si vous restez ici, vos jours sont comptés ; nous lancent parfois nos frères qui nous agressent », a dit Abrahame Zagré. Dans le village, la méfiance est tangible et la peur se lit sur tous les visages. Selon l’octogénaire, Adama Zagré, le mal est profond. Du haut de sa sagesse, il refuse tout commentaire, souhaitant seulement un dépassement des égos pour rechercher la paix et la cohésion. « Le départ des terres léguées par nos ancêtres n’est pas la solution. Nous devons tirer leçon de ce qui est arrivé et rechercher ensemble la cohésion », a-t-il souhaité. Même analyse pour la centenaire, Françoise Naré, née vers 1911. Blessée dans son amour propre à cause d’un hameau de culture qu’elle a vu naître et grandir pour devenir un village administratif, « mami » Naré n’a que ses yeux pour pleurer. Elle dit regretter une situation qu’elle n’avait jamais vécue auparavant sur les vastes plaines verdoyantes de Doundoudougou. Entre regret et désolation, la centenaire n’a qu’un seul souhait, le retour à une vie sociale apaisée.
Selon elle, les débats visant à savoir qui a raison ou tort, sont souvent vains. A son avis, il faut juste sauver le village et pour cela, elle implore l’implication des autorités administratives dans la résolution de la crise. Les origines de la crise étant la prétention à une chefferie, avez-vous renoncé à présent à ce projet ? A cette question, Francis Kaboré, porte-parole des victimes, affirme que les sages et les vieux dépositaires des traditions sont mieux placés pour répondre à la question. Alors que ces derniers disent de leur côté être préoccupés par le retour d’une paix durable a priori. La chefferie ne s’usurpe pas… Au palais royal de Doundoudougou, le Naba Pinga, 13ème chef, instituteur principal à la retraite, intronisé à la suite d’une désignation populaire suivie d’une élection en 1983, est très disposé à parler du dossier. D’entrée de jeu, il a déploré que l’affaire n’ait pas eu une résolution à l’amiable, en vertu des coutumes et traditions pour se retrouver dans les couloirs de la justice moderne. Avant de livrer sa version des faits, le coutumier s’est d’abord fait entourer des sages et notables du village. Alerté par notre passage au palais, des jeunes ont afflué de toutes parts, avec le chef Koglwéogo, Issaka Kombasséré et le président du Comité villageois de développement (CVD), Jean-Pierre Kombasséré, en tête pour être témoins de l’entretien. Pour être précis dans la narration des faits, Naaba Pinga a d’abord retracé l’historique de la chefferie suprême du Kourittenga et ses ramifications avec celle de Boulsa. Le chef dit être soucieux de sa population, mais il ne saurait accepter des dérives. C’est ainsi, affirme-t-il, qu’est née la décision « de punir un groupuscule d’hommes, qui de par ses manœuvres divisionnistes pourrissent la vie des habitants de Doundoudougou ».
« Zamsé a toujours été un quartier de Doundoudougou. Jamais un village à part entière. Certes, dans l’histoire sociale de notre village, un des chefs qui se sont succédé, avait cédé aux supplices d’un de ses fils (visiblement indigne du drone pour malformation d’un membre supérieur) et l’a intronisé chef de Zamsé, selon un protocole traditionnel particulier. De cet acte, est née une équation, puis une succession de chefs de Zamsé jusqu’au sixième, décédé tout récemment », a expliqué le Naaba Pinga. Mais pourquoi refuser un 7ème chef à Zamsé, si le quartier en avait eu jusque-là ? A cette question, le chef a rappelé que le pouvoir traditionnel ne s’achète pas. Il ne doit être ni volé, ni usurpé selon lui. Il doit émaner, soutient-il, d’une série de démarches traditionnelles harmonisées, consensuelles, conduites par les notabilités et largement approuvées par les mânes des ancêtres. Naaba Pinga disposé au dialogue Lorsque les petits plats ne sont pas rangés dans les grands, toute tentative de passage en force est vouée à l’échec, clame Naaba Pinga. Et c’est ce qui est malheureusement arrivé lorsque la délégation de Zamsé est allée chercher auprès du Naaba de Koupèla, la nomination et l’intronisation d’un septième chef à Zamsé. La situation a occasionné des regains de tension. Rompant ainsi le dialogue entre Òcertain résidents du quartier Zamsé et le reste du village. Toute chose qui a joué négativement sur la vie des populations, ces trois dernières années. « Mon ambition à la tête de ce village était d’unifier les populations, d’étouffer les germes de la division qui étaient visibles via des demandes d’érection de certains quartiers en villages administratifs. En tant que chef, mon espoir était de pacifier ce village et de lui impulser un développement durable. Mais hélas ! », regrette Naaba Pinga.
Cependant, dans sa démarche pacifique, il dit être disposé au dialogue et que les fautifs se doivent de reconnaître qu’ils sont en faute. Pour cela, il leur suffit de revenir vers la chefferie de Doundoudougou pour présenter leurs excuses et demander pardon. Telle est la solution recommandée par le chef en vue d’une sortie de crise. Le pardon Mais du côté de Zamsé, le problème de la chefferie n’est plus au cœur de la plainte en justice. En effet, les plaignants ne sont plus préoccupés par la perte d’une couronne, mais plutôt par celle de leurs terres agricoles et la destruction de leurs biens. Mais êtes-vous disposés à demander pardon auprès de la couronne de Doundoudougou ? A cette question, le porte-parole, Francis Zagré, indique que seuls les sages de Zamsé peuvent apporter une réponse. Et il renchérit que les pertes occasionnées par les violences sont considérables. Pire, il estime que les familles qui font l’objet de répression sont stigmatisées dans le village. Un point de vue, que le Naaba Pinga rejette en bloc, indiquant que toutes les populations sont traitées comme il se doit. Celui-ci regrette que certains individus de son ressort, aveuglés par l’éclat de la civilisation moderne soient fascinés au point de confondre tradition et modernité. Réunis autour du chef, les notables et les populations sont unanimes que les foyers concernés par la crise de Zamsé doivent demander pardon. A notre passage à Doundoudougou, la tension était encore palpable et chaque camp sur le qui-vive. Au-delà des belligérants, relève un des sujets de Naaba Pinga, il faut que les autorités locales (maire, préfet, haut-commissaire et gouverneur) « bien informées» du dossier, s’impliquent résolument, pour un dénouement heureux de ce dossier pendant devant la justice. La version officielle de l’administration communale aurait permis de mieux cerner les contours de cette crise, mais malheureusement le maire d’Andemtenga est resté inaccessible au téléphone, alors qu’il a avait promis répondre à nos questions sur le conflit.
Wanlé Gérard COULIBALY