Epargnée par le coronavirus, la commune de Koudougou est sur le qui-vive. Le maire Maurice Mocktar Zongo et son équipe ont opté pour la sensibilisation pour prévenir la maladie. Il en parle dans cet entretien accordé à Sidwaya.
Sidwaya (S.) : Déjà un mois que le Burkina est confronté au coronavirus. Koudougou est épargnée jusque-là. Comment se comporte votre ville ?
Maurice Mocktar Zongo (M.M.Z.) : Notre pays vit, depuis un mois environ, le coronavirus. A Koudougou, nous n’avons pas encore enregistré de cas. Le ministère de la Santé continue de suivre la situation, nous travaillons aussi pour qu’il n’y ait pas de cas. A cet effet, nous avons pris de nombreuses mesures pour barrer la propagation du coronavirus. D’abord, le couvre-feu est bien suivi à Koudougou.
Les autorités sécuritaires pourraient le confirmer, mais lorsque nous sortons en supervision, notamment les nuits, nous constatons qu’à partir d’une certaine heure, la ville est morte. Par rapport aux mesures barrières, les manifestations qui mobilisent du monde, les débits de boissons, les marchés et yaars, je peux dire que le comportement des gens est satisfaisant. Pour les débits de boissons par exemple, la plupart sont pratiquement fermées.
C’est vrai qu’il y a des esprits malins qui tentent de vendre des boissons ou de regrouper du monde, à un certain moment. Mais la Police municipale est quotidiennement sur le terrain pour faire respecter ces mesures. Nous poursuivons la sensibilisation. Par moments, nous sommes obligés de sanctionner. Quand on rappelle à l’ordre un débit de boissons, à plusieurs reprises, nous sommes obligés de prendre certaines mesures pour l’obliger à les respecter. Tous les marchés et yaars fonctionnent normalement.
Aucun n’a été fermé. Parce que nous avons su prendre des dispositions, mais aussi anticiper. Dès la déclaration de la maladie à Ouagadougou, nous avons regroupé les commerçants pour les informer de la maladie et des dispositions à prendre : la distanciation, le lavage systématique des mains, la diminution de la concentration des clients. Avec la sensibilisation des associations et personnes ressources, les mesures sont respectées. La vie se poursuit normalement à Koudougou, c’est vrai que la fermeture des débits de boissons affecte leur fonctionnement.
Ils ne reçoivent plus de clients, n’arrivent plus à faire des recettes comme en temps normal, mais que c’est le sacrifice à consentir pour que Koudougou reste toujours épargnée par la maladie. Nous sommes engagés sur tous les fronts. Au niveau de la communication, nous avons fait usage des crieurs publics, nous sommes sur les réseaux sociaux, dans les médias. Nous lançons des messages pour que tout le monde puisse adopter des comportements à même d’éviter la maladie.
On ne peut pas faire changer les comportements des populations, en un temps record. Les habitudes acquises depuis des décennies ne peuvent pas être changées brutalement. Nous comprenons que certains persistent dans les mauvaises habitudes. Nous poursuivons la sensibilisation. La répétition est pédagogique. Il faut poursuivre le travail jusqu’à ce que tout le monde comprenne, jusqu’à éviter les fausses rumeurs, les fakes news sur la maladie et les agissements des autorités. C’est notre devoir de poursuivre la sensibilisation.
S. : La lutte contre le coronavirus est une question de gros moyens. Comment la commune se débrouille-t-elle ?
M. M. Z. : Nous sommes beaucoup plus engagés dans la prévention, notamment la sensibilisation. On n’a pas besoin de gros moyens pour faire ça. Nous le faisons avec les moyens à notre disposition. Jusque-là, nous n’avons pas reçu de moyens au niveau national, ni régional. Mais nous faisons en sorte de mettre à la disposition des populations, certaines informations et du matériel à même d’éviter la propagation de la maladie. C’est sur fonds propres et sur la contribution des filles et fils de la commune.
Deux grands opérateurs économiques ont contribué à hauteur de cinq millions FCFA. Nous avons aussi reçu, de la part de plusieurs associations, des lave-mains, du savon liquide et solide, du gel hydroalcoolique. Chacun contribue comme il peut. La coordination communale et régionale des femmes a fait le tour des marchés et yaars pour les sensibiliser, leur montrer les techniques de fabrication du savon liquide. Ce sont autant de contributions à capitaliser dans le cadre de la lutte contre la pandémie.
S. : Ouagadougou est en quarantaine, pourtant il est le site principal d’approvisionnement des produits. Comment peut-on atténuer l’impact de la maladie sur l’activité économique au niveau communal ?
M. M. Z. : C’est vrai que pour le moment, les marchés et yaars ne sont pas fermés, les grandes installations commerciales non plus, mais on note qu’il y a moins de clients. Cela veut dire que la psychose est généralisée actuellement, de sorte que les gens n’ont même plus envie d’aller faire le marché. Je pense que Ouagadougou est en train de prendre des dispositions avec les différents acteurs pour rouvrir les différents marchés et yaars. Je pense que cela pourrait être une bonne chose pour éviter une asphyxie de l’économie. Nous sommes un pays pauvre. Certains vivent au jour le jour, sinon la plupart. Il faut agir à ne pas créer des difficultés à ce niveau, sinon nous risquons de ne pas nous en sortir.
S. : Ne craignez-vous pas une rupture de certaines denrées si la situation perdure?
M. M. Z. : Non. C’est vrai qu’il y a la quarantaine, mais il y a quand même la flexibilité. Le transport des marchandises est toujours autorisé. A ce niveau, il y a moins de risques.
S. : Avec les marchés qui fonctionnent au ralenti, y a-t-il des mesures d’accompagnement au profit des petits commerçants ?
M. M. Z. : Au niveau communal, nous n’avons pas encore discuté de ce genre de mesures au sein du comité de gestion du COVID-19. Mais bien sûr, tout ce qui pourrait faciliter la vie de nos commerçants, nous prendrons des dispositions à cet effet, pour nous conformer au discours du chef de l’Etat.
S. : Nous avons rencontré des personnes vulnérables au grand marché qui estiment n’avoir pas les moyens pour se procurer des cache-nez. Qu’est-ce que le conseil municipal fait dans ce sens ?
M. M. Z. : Pour le moment, nous n’avons pas les moyens de mettre des cache-nez à la disposition des populations. Il est même difficile de trouver des cache-nez en grande quantité pour acheter. Mais il y a eu des initiatives locales notamment de l’Association des couturiers de Koudougou qui a confectionné des cache-nez avec du Faso danfani. Ils sont mis à la disposition de la commune qui les distribue gratuitement. Ce sont des initiatives de ce genre qui nous permettront d’approvisionner toute la population en cache-nez.
S. : Quel est l’impact sur les recettes communales ?
M. M. Z. : Toutes les activités liées au recouvrement sont pratiquement suspendues, les commerces ne marchent plus comme avant, même les agents chargés du recouvrement ne sont plus réguliers au service.
Nous avons réaménagé les services pour éviter qu’il y ait beaucoup d’agents en même temps. Il va sans dire qu’en fin d’année, nous allons ressentir l’impact du COVID-19 dans le recouvrement de recettes propres et même sur le budget de l’Etat. Parce que si l’économie nationale ne fonctionne pas très bien, l’Etat ne va pas engranger de ressources et cela aura un impact sur le budget des collectivités territoriales.
S. : Pour soutenir certains acteurs à risque, le président du Faso a annoncé un certain nombre de mesures. Quelles sont celles qui sont déjà appliquées dans votre commune?
M. M. Z. : Comme nous ne sommes pas touchés par la maladie pour le moment, les mesures qui nous concernent ont trait à l’électricité et à l’eau. Ces mesures sont bien appliquées. Mais au niveau de la consommation en eau, il y a quelques difficultés. Nous avons reçu les grands consommateurs tels que les citernes, les taxis-motos à qui nous avons proposé des mesures qui ont été acceptées. Nous avons réservé des bornes-fontaines uniquement pour ce genre de consommateurs où ils continueront de payer. Mais pour le reste, l’eau est servie gratuitement.
S. : La mise en quarantaine empêche les déplacements entre villes alors que Koudougou est assez fréquentée. Qu’est-ce qui est fait pour filtrer les entrées et sorties ?
M. M. Z. : Nous constatons effectivement que les gens vont et viennent entre les autres villes notamment Ouagadougou et Koudougou, certains en empruntant des pistes qui ne peuvent être contrôlées par les forces de l’ordre, d’autres munis d’une autorisation de laissez-passer régulièrement délivrés par les autorités compétentes.
A Koudougou aussi, toutes les sorties doivent être autorisées par le haut-commissariat et le gouvernorat qui délivrent les laissez-passer. Mais certains passent outre ces mesures et entrent dans la ville sans être contrôlés.Ce sont des comportements à condamner, parce que cela pourrait être une source de propagation de la maladie et de contamination de notre ville.
Je pense que tout le monde gagnerait à suivre les prescriptions et à protéger tout le monde. L’avantage d’avoir un laissez-passer, c’est que vous passez dans une structure de santé habilitée, on contrôle votre état de santé, avant de vous le délivrer. Mais si vous passez outre ces mesures, cela veut dire que vous pouvez être atteint du COVID-19 et vous infectez les gens sans même le savoir. Ce sont des mesures à observer strictement.
S. : De manière pratique, Koudougou est-elle apte à prendre en charge un cas confirmé de coronavirus ?
M. M. Z. : Oui. Nous sommes en train de prendre des dispositions. En plus des actions de sensibilisation, nous nous projetons déjà au cas où Koudougou sera infectée. C’est dans ce sens que le comité communal a identifié l’une des structures sanitaires de la mairie, le centre buccodentaire, situé au secteur 9 de la ville. Nous avons réaménagé les lieux, parce que le personnel traitant ne doit pas être avec les malades.
Il nous a été demandé de construire des maisonnettes pour permettre au personnel de disposer du matériel sur place. Il y avait aussi des aménagements à faire dans les différentes salles. Nous étions en train de prendre ces dispositions quand des jeunes s’y sont opposés.
C’était de la désinformation. Parce qu’un message a circulé sur Facebook, et nous l’avons vu, appelant les gens à sortir pour dénoncer, car des éventuels malades devaient être évacués de Ouagadougou, pour permettre à la commune de bénéficier de ressources disponibles dans le cadre de la lutte contre le COVID-19. Mais c’est à nous de toujours communiquer pour faire comprendre à tout le monde que la maladie, c’est vrai, elle est dangereuse, mais elle n’est pas aéroportée.
Il n’y a aucune formation sanitaire au Burkina qui n’est pas environnée par des habitats. Nous allons continuer la communication pour que nos concitoyens se sentent rassurés. Dans tous les cas, si la maladie arrive à Koudougou, il faut la soigner quelque part. Nous voulons faire en sorte que les hôpitaux de Koudougou soient épargnés. Parce que si un seul malade arrive là-bas, cela risque d’être compliqué et on ne pourra pas traiter les autres patients. Le centre buccodentaire présente déjà un dispositif de prendre en charge des cas de COVID-19.
Interview réalisée par :
François KABORE
Djakaridia SIRIBIE