Augmentation des tarifs d’Orange

L’annonce de l’augmentation des tarifs des produits et services de l’opérateur de téléphonie, Orange Burkina, à compter du 17 février prochain, fait couler beaucoup d’encre et de salive. Dans cette interview réalisée le mardi 4 février 2020 à Ouagadougou, le président de l’Association burkinabè des consommateurs de services électroniques (ABCE), Seydou Barro, estime que la démarche de la société est la résultante d’une mauvaise réglementation en matière de fixation des prix.

Sidwaya (S) : Pouvez-vous nous présenter l’Association burkinabè des consommateurs de services électroniques (ABCE)?
Seydou Barro (S.B.) : L’ABCE est une organisation de la société civile née en 2013. Mais, elle a débuté ses activités en 2014. A ce titre, nous avons tenu une série de conférences pour susciter le débat autour des préoccupations des consommateurs. Au-delà de la sensibilisation que nous faisons au quotidien, nous avons exercé, par moment, les voix de droit en vue de soigner les intérêts des consommateurs. Nous avons saisi, à cet effet, la commission nationale de la concurrence et de la consommation et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) de plaintes contre l’ONATEL SA et Orange pour des faits de publicités mensongères relatives à la 3 G, la durée de validité des mégaoctets, la mauvaise qualité des services internet, etc.

S : L’opérateur de téléphonie Orange Burkina vient d’annoncer l’augmentation des tarifs de ses produits et services. Que pensez-vous de cette décision ?
S.B. : Je dois rappeler que ce n’est pas la première augmentation chez Orange Burkina. En 2018, il y a eu une augmentation des tarifs concernant le produit Orange money. Nous sommes, en son temps, montés au créneau. Malheureusement, les lignes n’ont pas bougé. Ce n’est pas un sentiment d’insatisfaction ou d’échec, nous jouons simplement notre partition. Le dernier mot revient au consommateur qui doit avoir une capacité de résilience pour faire face aux nouvelles situations. Au regard de cette accointance entre les milieux politique et économique, il est difficile, pour les pouvoirs publics, d’avoir de la poigne en face des opérateurs. Entre 2014 et 2015, les opérateurs de téléphonie de la place ont opéré également des augmentations. Nous avions fait une déclaration pour dénoncer cela. Cette augmentation unilatérale que Orange Burkina vient d’opérer est une application des règles du jeu économique, le libéralisme économique. L’un des corolaires de ce libéralisme, c’est la liberté des prix qui résulte de notre loi 016 de 2017 portant, organisation de la concurrence. Cette loi prévoit la liberté des prix. En ce qui concerne le domaine spécifique des télécommunications, il y a le décret 2011-094 relatif aux modalités de fixation des tarifs de communications électroniques où il est dit que les prix sont librement fixés par les opérateurs sous réserve de respecter les principes d’objectivité, de transparence et de non-discrimination. Lorsqu’il y a une modification des prix, la notification doit être faite aux consommateurs individuels (on peut le faire dans deux quotidiens de la place). Pour le cas de Orange, nous avons été saisi par correspondance. Mais, c’est pour se conformer aux prescriptions résultant du régime juridique de ces prix. Sinon dans le fond, contrairement aux produits de télécommunications, d’autres produits font l’objet d’une réglementation. Nous pouvons citer le cas du pain, les hydrocarbures, les produits pharmaceutiques qui sont vitaux pour le consommateur. L’autorité a donc estimé que dans ces cas précis, il ne faut pas appliquer le principe de la liberté des prix. Car, cela peut être préjudiciable aux populations. Nous ne comprenons pas pourquoi on ne peut pas procéder de la même manière en ce qui concerne les produits de télécommunication, au regard de leur caractère vital pour notre économie, et les ménages. Si le choix est donné aux opérateurs de fixer les prix à leur guise, c’est abandonner le consommateur entre leurs mains. La rentabilité ne posant pas problème, les prix des produits de télécommunication devraient être réglementés. Dans les prescriptions légales, en ce qui concerne les modifications de ces tarifs, il faut une notification à l’ARCEP deux semaines avant la mise en vigueur. Dans le cas de Orange, il me semble que l’ARCEP a émis un avis défavorable. Mais quelle est la valeur substantielle de cet avis ? Elle n’a pas la possibilité de s’opposer. Ce qui veut dire que la loi n’est pas adaptée aux réalités économiques. On dira que Orange est passée en force mais de manière légale.

S : Dans un communiqué, le Premier ministre, Christophe Dabiré, a marqué l’opposition du gouvernement à une telle augmentation…
S.B : Nous avons apprécié cette sortie du Premier ministre. C’est une première, et il faut l’encourager. Il y a eu d’autres augmentations que nous, organisations de la société civile, avons dénoncées mais nous étions seules contre les géants des téléphonies. Nous n’avons pas senti que l’autorité était sensible à la douleur des consommateurs. Mais avec cette sortie, la situation commence à évoluer. Cependant, nous pensons que le chef du gouvernement doit faire mieux en cherchant à trouver un régime juridique adéquat pour encadrer ces augmentations des prix. Au-delà de la désapprobation générale officielle, il faut des actes concrets pour que cela ne puisse pas arriver. Mais, il revient aux organisations de la société civile et aux consommateurs de prendre leur responsabilité. Personne ne peut obliger un consommateur à payer un produit. Et si le producteur vient à fixer le prix sans tenir compte du pouvoir d’achat du consommateur, c’est à celui-ci d’avoir un comportement qui oblige l’opérateur à revenir sur sa décision. Cela signifie que le consommateur doit refuser de consommer le produit ou le service. Nous appelons donc les consommateurs à adopter cette attitude.

S : Les consommateurs pointent du doigt le laxisme des organisations de défense de leurs droits. Que leur répondez-vous ?
S.B. : Le caractère laxiste est une appréciation. A la place d’un consommateur qui trouve qu’une organisation de défense de ses droits ne fait pas son travail, j’y adhérerai ou en créerai une autre pour faire avancer les choses. Nous sommes dans un domaine qui est disponible et chacun va avec ses moyens de bord pour travailler. Lorsque vous appelez au boycott, c’est dans l’intérêt économique des consommateurs que vous le faites. Nous procédons par différentes approches. Mais, sur le plan individuel, nous n’allons pas aller dire à quelqu’un de ne pas consommer le produit. D’ailleurs, certains consommateurs sont payés par les mêmes opérateurs pour nous insulter sur les médias sociaux. Ce que nous sommes en train de faire est un engagement citoyen, un sacerdoce.

S : Avez-vous un appel à lancer ?
S.B. : Nous espérons que l’opérateur Orange entendra la voix de la sagesse et ne viendra pas en ajouter aux souffrances des populations. En tant qu’organisation de défense des consommateurs, nous ne sommes pas prêts à accepter l’augmentation des tarifs des communications électroniques, notamment le prix de la connexion internet. Le même fournisseur ne nous donne pas satisfaction de manière complète. Il vend un service de mauvaise qualité au quotidien, nous prélève des sommes d’argent sans qu’on ne puisse broncher en raison du fait qu’il n’y pas une législation appropriée nous permettant d’entrer dans nos droits de faire des revendications. Cette impunité factuelle bénéficie aux opérateurs de télécommunication. Ils devraient plutôt s’occuper de la qualité de leurs services au lieu d’augmenter leurs tarifs.

Joseph HARO

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